Afrique : pas de retour à la normale avant 2022
Attijari Global Research vient de dévoiler les grandes lignes de son rapport Afrique sur l’état des lieux et les perspectives des économies du continent dans un contexte marqué par la crise de la Covid-19. Il en ressort, entre autres conclusions, que le PIB des pays africains ayant opté pour un confinement strict longue durée ne retrouverait pas son niveau de l’année précédente avant 2022. Décryptage.
L’alerte avait déjà été donnée par plusieurs institutions de recherche, au cours des derniers mois. Elle vient à nouveau d’être confirmée par le rapport Afrique d’Attijari Global Research, fraîchement publié, qui dresse l’état des lieux et les perspectives des économies africaines. Le premier constat qui ressort de ce rapport est que la note économique du confinement risque d’être salée pour les pays ayant opté pour un confinement strict. En effet, souligne le document, «les pays qui ont opté pour un confinement strict pour une durée significative enregistreraient une récession équivalente à deux années de croissance. Ce n’est qu’à partir de l’année 2022 que le PIB retrouverait son niveau de 2019».
L’économie africaine entre hauts et bas
En matière de capacité de reprise économique, le rapport distingue deux profils disparates et indique que des pays comme l’Égypte, le Sénégal ou le Cameroun comptent sur de nouvelles capacités de production de ressources naturelles pour engager des investissements de pré-production et assurer un rebond de croissance. Quant à la reprise des autres pays, elle demeure «tributaire» du rétablissement de leurs partenaires commerciaux et de l’impact des aléas climatiques sur la composante agricole. Attijari Global Research explique que l’exposition de plusieurs pays d’Afrique du Nord et subsaharienne, déjà considérés comme diversifiés en matière de production, à une multitude de pays européens très touchés par la pandémie à l’instar de la France, de l’Italie ou de l’Espagne, s’avère très coûteuse en matière de croissance économique. D’où la nécessité d’une diversification des partenaires économiques. Les experts d’Attijari Global Research font remarquer que «les pays (tels que le Maroc, l’Égypte, la Côte d’Ivoire), qui ont démarré une assiduité en matière de dépenses publiques, ont fait appel à plusieurs occasions à des financements étrangers à des coûts compétitifs. D’autres (comme le Sénégal), bien que faisant preuve d’une croissance soutenue, se retrouvent en difficulté aspirant à une suspension du remboursement de leurs dettes en 2020». Quant aux transferts de la diaspora, ils ont plutôt résisté à la crise, souligne le rapport. Ce dernier indique qu’avec une baisse limitée durant le T3-2020 et sur une année glissante de 2,3% au Maroc contre une progression de 8,8% en Tunisie et de 12% en Égypte, les transferts des non-résidents surprennent par leur résilience. Attijari Global Research met également l’accent, dans son rapport, sur la résilience des monnaies en cette période de crise. «Que le régime de change soit rigide à l’instar du FCFA, intermédiaire tel que le dirham ou le dinar tunisien ou complètement flexible à l’instar de la livre égyptienne, les monnaies surmontent l’épreuve de la pandémie sans trop de dégâts, du moins sur le court terme», lit-on dans le document. Concernant le tourisme, le rapport souligne que le secteur touristique externe est occasionnellement mis à mal par des évènements exogènes tels que le terrorisme ou les crises sanitaires. Afin de remédier à cela, les experts recommandent d’élaborer une offre interne permanente qui réduirait l’exposition de ce secteur aux aléas.
Quid du Maroc ?
Attijari Global Research souligne, dans une partie de son rapport dédiée au Maroc, que le confinement, qui a duré près de trois mois, a eu des retombées considérables sur plusieurs domaines économiques, surtout que les principaux partenaires du Maroc, notamment la France, l’Italie et l’Espagne, devraient afficher des baisses supérieures à 11% de leur PIB. D’un autre côté, la même source indique que, globalement, la baisse de la demande étrangère (hors phosphates) adressée au Maroc est estimée à -20% pour l’année 2020 contre une progression normative de 4%. Pour les experts, une sécheresse ne serait pas pour arranger la situation avec une campagne céréalière attendue à 30 millions de quintaux (MQ) contre une moyenne annuelle de 70 MQ. S’arrêtant sur le plan de relance du Maroc, le rapport estime qu’il est à la mesure des dommages occasionnés par la crise sanitaire de la Covid-19. Il a également mis en avant quatre mesures clés parmi une cinquantaine d’initiatives élaborées par le Maroc. Il s’agit notamment de la constitution d’un fonds de soutien alloué au financement des besoins sanitaires et au soutien des individus et entreprises d’un montant de 33 MMDH, soit 3,2% du PIB, de la création d’un fonds d’investissement stratégique de 120 MMDH ayant pour mission l’appui aux activités de production et l’accompagnement des grands projets public-privé, la baisse cumulée de 75 points de base (PBS) du taux directeur à 1,5%, le triplement de la capacité de financement des banques à travers un nouveau dispositif réglementaire et, enfin, la mise en place d’un mécanisme de garantie pour soulager la trésorerie des entreprises, particulièrement la TMPE. Par ailleurs, le rapport considère que le confinement devrait avoir un effet modéré sur l’équilibre budgétaire du Maroc cette année. Quant au déficit de la balance des paiements, il devrait se détériorer de 4,4% en 2019 à 6,0% en 2020. Enfin, les experts soulignent que «la récession mondiale, la sécheresse et le confinement donneraient lieu à une récession au Maroc de 6,3% contre une croissance de 3,8% prévue en décembre dernier. Pour ce qui est des finances publiques, le déficit budgétaire devrait atteindre 7,5% et l’endettement du Trésor grimperait à 75,5%. Vraisemblablement, le Trésor semble tenir un équilibre pour cette année 2020 tout en préservant une évolution harmonieuse des principales rubriques». «Nous pensons que dans le cadre de la politique économique du Maroc, la préservation des équilibres budgétaires prime encore par rapport à la relance de la croissance. Dans cet esprit, cette dernière pourrait intrinsèquement se redresser si l’on tient compte du retour de la pluviométrie, de la reprise de la demande étrangère et d’un retour progressif à une activité ordinaire», conclut la même source.
Mariama Ndoye / Les Inspirations Éco