Vignette auto : Levée de boucliers des consommateurs

L’externalisation du paiement de la vignette automobile suscite l’ire des associations de défense des consommateurs. Elles réclament le droit de choisir entre le service payant et le service public.
Le nouveau mode de paiement de la vignette auto démarre sur des chapeaux de roue. En quatre jours, plus de 64.000 paiements en ligne ont été réalisés via les sites des banques et du prestataire partenaire de la Direction générale des impôts (DGI). Les premiers usagers de ce service ont dû débourser autour de 800.000 DH en supplément pour payer cet impôt indirect. À la clôture de l’opération, le paiement de la vignette des 3,4 millions de véhicules en circulation au Maroc devrait coûter au contribuable entre 19 et 80 MDH, selon le mode de paiement choisi par les automobilistes. L’externalisation de ce service au privé est supportée entièrement par le contribuable. Le coût du service varie selon le canal utilisé (voir schéma). Des associations de défense des consommateurs rassemblées au sein de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) demandent d’avoir la possibilité de choisir entre la prestation payante et le paiement au niveau des 100 agences de la DGI, à travers le royaume.
Le droit de choisir
Le 6 janvier à El Jadida, une trentaine de citoyens ont été surpris de ne pas pouvoir payer leur vignette automobile auprès des services de la DGI de la ville. «Ils nous ont contactés pour exprimer leur mécontentement. L’administration a refusé de délivrer ce service. Ces automobilistes ont été redirigés vers les nouveaux prestataires privés», relate Ouadih Madih, membre de la FMDC. Pourtant, selon Omar Faraj, patron de la DGI, l’arrêt du paiement au niveau des services de la DGI n’entre en vigueur qu’à la fin 2016. «A partir de cette date, le contribuable n’aura pas à se déplacer à l’Administration fiscale.
C’est la nouvelle règle, sauf exception, lorsque le dossier est complexe et nécessite une opération personnalisée», a-t-il déclaré récemment. Sur le terrain, les services de la DGI semblent prendre de l’avance pour appliquer cette mesure. «C’est une aberration de déléguer ce service au privé et de faire payer le contribuable. Pire, les bureaux de la DGI ont arrêté cette activité», proteste Madih. Pour ce dernier, le choix du consommateur est une obligation dans la loi 31-08 pour la protection du consommateur.
Le ministère des Finances et la DGI défendent leur mesure. «Cette externalisation de paiement vise à offrir un service de proximité et à faciliter le paiement de la vignette», plaidait Mohamed Boussaid, ministre des Finances, lors du Forum de la MAP, lundi dernier. 6.000 agences bancaires et points de paiement et 3.000 GAB sont mis à la disposition du contribuable, ce qui facilitera le paiement de cette redevance. «L’administration peut recourir à l’externalisation, mais le coût de cette prestation doit être pris en charge par l’État. À quoi bon payer cette vignette si l’automobiliste ne bénéficie pas de routes de qualité et d’un service gratuit? Cette opération est purement publique, et ne doit se transformer en un commerce», insiste Madih, qui préside l’Association casablancaise de protection du consommateur.
Le droit d’information
Dès le démarrage du nouveau mode de paiement, la FMDC a commencé à recueillir les premières plaintes des consommateurs. Une banque a réclamé à un citoyen 1.500 DH au lieu des 650 DH qu’il paye habituellement. Dans un autre cas, une banque a exigé à un automobiliste de payer 34 DH de frais de service au lieu des 23 DH annoncés initialement. Cette agence bancaire a surtaxé ce service car ce contribuable n’était pas un client de sa banque. «Globalement, on note l’absence d’une information claire», regrette Madih. Pour la fédération, le passage d’un service public à un service payant oblige les prestataires à se conformer au droit du consommateur avec ce qu’il comprend comme obligation d’informer l’usager. De son côté, la DGI se veut rassurante. Elle avait annoncé que les frais de service seront indiqués sur le reçu de paiement.
La fédération s’inquiète aussi de la fiabilité du document remis aux automobilistes. «Un document cacheté de la banque ou un reçu d’un GAB sont-ils fiables aux yeux des services des finances?» s’interroge Madih. Pour pallier ce risque, la DGI a mis en place le site www.vignette.ma. Cette plateforme permet d’obtenir une attestation de paiement en cas de besoin. Pour rappel, cette dématérialisation du recouvrement de la vignette automobile prévue par la loi de Finances 2016 fait suite à une première étape lancée l’année dernière. La vignette 2015 pouvait être payée auprès du receveur de l’administration fiscale (DGI) ou autre comptable public ainsi qu’auprès des agents d’assurances automobiles et Barid Al Maghrib.
Cette année l’externalisation complète permet à la DGI de «réduire les coûts et les charges liés à cette prestation». Quelque 1.500 employés étaient mobilisés auparavant pour assurer cette opération. Pour la DGI, ces équipes pourront dégager du temps pour faire le suivi de l’ensemble des paiements pour une amélioration du recouvrement. Notons enfin que les recettes de la vignette auto est en constante progression. Elles sont passées de 1,8 MMDH en 2013 à 1,9 MMDH en 2014.