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Une espèce menacée : Le chardonneret se cache pour mourir

Le chardonneret est victime de la chasse intempestive et d’un trafic à destination des frontières de l’Est. Les associations de protection des oiseaux déplorent la non-promulgation d’une procédure qui régisse sa chasse et sa possession. En amont, un comptage réalisé par la société civile permet d’avoir une idée plus claire sur la gravité de la situation.

Il fut un temps où le déplacement des oiseaux, migratoire ou erratique, dépendait des saisons et du climat, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le chardonneret, passereau endémique du Maroc et de la Méditerranée, est malheureusement représentatif de ce phénomène étrange. Aussi aberrant que cela puisse paraître, ces oiseaux prennent, depuis quelques années, la direction des frontières de l’Est, encagés dans les caisses et transportés clandestinement dans des véhicules. L’itinéraire qu’ils empruntent n’a, de ce fait, rien de naturel et n’obéit pas à l’instinct grégaire qui régit généralement le mouvement des espèces animales. Il est le résultat d’un trafic dont est victime cet oiseau chanteur, en voie de disparition selon les divers témoignages que nous avons recueillis. Ces derniers font état d’un trafic dont les protagonistes sont des réseaux organisés. Du côté des associations de protection des oiseaux, on déplore un vide juridique à cause du gel de la promulgation d’une procédure de régulation de la chasse et de la possession du chardonneret (voir encadré page 45) devant régir la chasse et la possession de ce dernier.

Le dilemme de la société civile
Suite au tollé soulevé par la société civile, le Haut commissariat aux eaux et aux forêts et la lutte contre la désertification (HCEFLCD) a tout simplement interdit la chasse et la possession du chardonneret. Étrangement, les efforts de la société civile ont ainsi abouti, dans un premier temps, à un effet contraire car l’interdiction a aussi touché les associations. Il a fallu un deuxième round de négociations pour que ladite procédure voit le jour, sans pour autant entrer en vigueur. En effet, les demandes d’autorisations collectives que les associations ont soumises au HCEFLCD avant fin 2015 n’ont jamais abouti. Ainsi, sans promulgation de cette procédure, tous les chasseurs ou propriétaires du chardonneret, membres associatifs ou non, sont dans l’illégalité.

Prise de conscience
Alarmées, les associations des amoureux du chardonneret ont donc été les premières à crier au scandale. «Nous avons sonné l’alarme car le trafic a fini par avoir raison du chardonneret», déclare Khalid Boudiaf, président du comité environnemental de la Fédération marocaine d’ornithologie et président de la Ligue orientale des amateurs des oiseaux (LOAO). Après deux comptages réalisés en 2008 et en 2013 sur un périmètre de 500 km, entre Oujda, Guercif et Figuig, moins de dix chardonnerets sur cent oiseaux ont été recensés seulement (moins de 10%, donc). Suite à ces deux opérations, effectuées en collaboration avec l’Institut allemand de protection des oiseaux et l’association hollandaise Busard Cendré, la LOAO a réalisé un dernier comptage qui a abouti au résultat suivant: moins de sept sur cent oiseaux sont des chardonnerets dans l’Oriental. Dans le triangle Fès-El-Gharb-El Jadida, le nombre de chardonnerets se situe entre 20% et 30%. Du Sud d’El Jadida à Taroudant, le nombre varie entre 10 et 20%. En-dessous de la moyenne mondiale de 40%, le chardonneret est donc considéré comme étant en voie de disparition. «Il a donc presque disparu», affirme Boudiaf.

Autre région, même constat
Pour les amoureux du chardonneret de la région d’Oued Zem, le constat est semblable. À l’image de la plupart des associations, ils déplorent l’absence d’un texte de loi promulgué et des mesures draconiennes qui protégeraient le chardonneret. Ils pointent également du doigt la chasse intempestive qui nourrit le trafic de contrebande à destination de l’Algérie. «Le nombre de chardonnerets a, effectivement, fortement baissé dans notre région. À Oued Zem seulement, une cinquantaine de chasseurs sévissent. Une fois les oiseaux capturés, ils sont transportés secrètement en direction des frontières de l’Est», précise Marouane Satout, président de l’Association chardonneret des amateurs d’oiseaux à Oued Zem. De son initiative personnelle, Satout dresse l’itinéraire que suit désormais le chardonneret, du filet de chasse aux frontières. «L’oiseau est acheté auprès des chasseurs à un prix qui varie entre 40 et 65 DH, mâle ou femelle, même en période d’accouplement. Parfois, le nombre d’oiseaux capturés peut varier entre 800 et 1.250 oiseaux par jour. Un premier grossiste cède les oiseaux à un grand grossiste à un prix qui varie entre 74 et 90 DH. Une fois transporté à Oujda, la valeur du chardonneret dépasse 200 DH, tenant en compte les coûts de transport et de la demande. Ceux-ci peuvent aller jusqu’à 7.000 DH» précise-t-il. Pire, de grandes quantités d’oiseaux meurent en route, le voyage se faisant souvent dans des conditions effroyables. Le cadet des soucis des contrebandiers, car la valeur des oiseaux flambe au-delà des frontières.



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