Seuil électoral : La polémique enfle !
Les concertations avec les partis politiques sur la révision du cadre juridique électoral devraient a priori faciliter la tâche du gouvernement au sein du Parlement. Cependant, on s’attend à ce que les débats en commission soient tendus, particulièrement sur le seuil électoral, dont l’abaissement à 3% n’est pas du goût de certaines formations politiques.
Après une large concertation avec l’ensemble des partis politiques autour de la révision des lois électorales, le ministère de l’Intérieur a visiblement penché en faveur de la doléance des petits partis concernant le seuil électoral en retenant le taux de 3%. Si plusieurs formations politiques jubilent, la pilule devrait être difficile à avaler pour d’autres partis politiques qui essaieront autant que faire se peut de défendre leur position. C’est le cas du parti des héritiers de Allal El Fassi, qui plaide pour un seuil de 10% et de la justice et du développement, qui prône le maintien de 6% comme minimum requis. On s’attend à ce que le parti de la lampe mène un bras de fer serré au sein de l’institution législative car, sur le plan quantitatif, il est le principal «perdant» en cas d’abaissement du seuil électoral.
Le PJD serait-il soutenu par les autres composantes de la majorité ? Le Rassemblement national des indépendants et le Mouvement populaire se sont déjà prononcés en faveur d’un seuil électoral de 6%. Cependant, à en croire certains de leurs dirigeants, ces deux formations politiques ne voient aucun inconvénient à abaisser ce seuil à 3%. Pour sa part, le Parti du progrès et du socialisme, qui peine encore à réaliser une grande percée électorale, défend depuis toujours un seuil de 3% pour ouvrir la voie à plusieurs partis politiques. «Il ne s’agit pas d’une position intéressée car la plupart de nos députés en 2011 ont pu gagner leurs sièges avec un seuil de 10%», précise le chef du groupe parlementaire progressiste à la Chambre des représentants, Rachid Roukbane. Mais concrètement, si lors des précédentes législatives, le seuil était de 3%, le parti du livre aurait pu décrocher plus de 18 sièges, et le PJD aurait obtenu moins de 107 sièges. Les dirigeants du parti de la lampe soulignent que leur objectif n’est pas axé sur l’aspect quantitatif mais l’idée est plutôt de lutter contre la balkanisation au sein du Parlement. C’est ce que tient à souligner Abdelali Hamieddine, membre du secrétariat général du PJD, qui estime que jusque-là, son parti défend le maintien du seuil électoral actuel de 6% pour lutter contre l’émiettement politique. Or, ce taux n’a pas permis en 2011 d’atteindre cet objectif. Rappelons que quelque 18 partis politiques sont représentés à la Chambre des représentants dont cinq ont obtenu un seul siège chacun, et quatre ont eu deux sièges chacun. Huit partis politiques ont décroché 95% des voix et de sièges.
La lutte contre la balkanisation ne passe pas par l’augmentation du seuil électoral au niveau local, mais plutôt par l’instauration d’un seuil national, comme le souligne le professeur universitaire et président du parti des néodémocrates Mohamed Darif. À titre d’exemple, en Turquie, un seuil électoral national de 10% est instauré depuis 1980, sauf qu’il est très contesté par les partis politiques non représentés au Parlement.
Par ailleurs, le seuil électoral local est en vigueur dans plusieurs pays. C’est le cas de l’Espagne qui opte, lors de ses élections législatives (congrès des députés), pour un quorum de 3% au niveau des circonscriptions locales. Au Maroc, l’abaissement du seuil électoral à 3% permettra à davantage de partis politiques d’accéder au Parlement, d’autant plus que la voie sera ouverte à la présentation de listes communes dans le cadre des alliances préélectorales. En effet, moins le taux est élevé, plus les petits partis arrivent à être représentés au Parlement.
Pour la présidente du groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité à la Chambre des représentants, Milouda Hazeb, il est impératif d’ouvrir la voie de l’institution législative à toutes les sensibilités politiques. Elle estime que le Parlement gagnerait à inclure des compétences dont regorgent certains partis qui n’arrivent pas à percer sur le plan électoral. De son avis, le seuil de 6% n’a pas permis, comme escompté, de dégager des alliances rationnelles. S’agissant de la liste nationale des jeunes qui a suscité une grande polémique au cours des dernières semaines, le ministère de l’Intérieur la maintient tout en opérant un changement de taille: elle ne sera plus l’apanage des hommes. Les partis politiques sont appelés à mandater aussi des femmes âgées de moins de quarante ans sur cette liste. Le nombre des députées élues sur le plan national pourrait ainsi dépasser les 60, mais rien n’est moins sûr.
On s’attend à ce que le débat enclenché aussi bien au sein des partis politiques que sur les réseaux sociaux concernant le système de quota, considéré comme une rente politique, change la donne au niveau des critères de choix des candidats de la liste nationale. Une grande responsabilité incombe aux instances décisionnelles des partis politiques qui sont appelées à coopter des cadres compétents capables de rehausser le niveau de l’action parlementaire. Il est grand temps de mettre fin au copinage et au clientélisme qui ont prévalu dans le choix des candidats de la liste nationale, lors des précédentes législatives.
L’idée, selon les observateurs, est de faire émerger une nouvelle élite capable, à l’avenir, de mener la bataille électorale sur le plan local. Le système du quota est, en effet, connu pour son caractère transitoire. Les prochains jours s’annoncent décisifs. Le Conseil de gouvernement devra adopter cette semaine la révision des lois organiques des partis politiques et de la Chambre des représentants pour les transférer au Parlement, où les discussions porteront aussi sur d’autres points non retenus par le ministère de l’Intérieur comme la participation des Marocains résidant à l’étranger.
Un découpage électoral déséquilibré
Le découpage électoral figure parmi les points débattus à la veille des élections législatives du 7 octobre bien qu’aucun changement en la matière ne pointe à l’horizon. Certains partis politiques soulignent la nécessité d’instaurer un découpage électoral équitable qui prend en considération essentiellement le poids démographique. Le découpage actuel est déséquilibré, de l’avis des formations politiques. Le ministre de l’Intérieur a déjà annoncé en novembre dernier au parlement qu’il n’y aura aucun nouveau découpage électoral avant les prochaines législatives. Certains politiciens estiment qu’on peut garder le découpage actuel mais tout en révisant la répartition des sièges. La révision de ce point crucial nécessite du temps pour recueillir le consensus escompté. Or, il ne reste plus que six mois aux prochaines législatives. L’opposition pointe du doigt le retard pris par le gouvernement dans la révision des lois électorales. « Les textes sont toujours soumis au parlement à la dernière minute. Ainsi, ils sont toujours lacunaires», souligne Milouda Hazeb.