Risque pays : Le Maroc, dernière forteresse d’Afrique du Nord
L’expert français de l’assurance-crédit Coface vient de procéder à une vague de dégradations du risque pays, y compris des pays émergents. Dans ce contexte, le Maroc continue de faire preuve de résilience. Après la dégradation de la Tunisie et de l’Algérie, le royaume est le dernier pays d’Afrique du Nord à faire montre d’un risque politique et d’un risque d’impayés «convenables».
La dernière révision trimestrielle de Coface confirme une nouvelle fois le maintien d’un risque pays stable au Maroc. Une situation qui tranche à nouveau avec une dégradation globale du risque-pays y compris auprès des économies les plus avancées. L’expert français de l’assurance-crédit a procédé au 2e trimestre 2016 au déclassement de 17 pays, dont des pays émergents et de grandes puissances économiques. Devant une telle déferlante, la résilience du Maroc est une bonne nouvelle. Dans un environnement régional marqué par de nombreuses instabilités et des risques politiques importants, la stabilité du royaume envoie un signal fort aux investisseurs et opérateurs étrangers. Dans son environnement régional, le royaume est en effet le seul pays à ne pas avoir été dégradé au cours de ces 5 dernières années.
Il maintient ainsi sa place dans la catégorie A4, soit un niveau de risque «convenable» selon le barème de Coface. L’Algérie, pour sa part, s’est vue déclassée en catégorie C avec un risque jugé «élevé». L’économie algérienne demeure fortement dépendante des hydrocarbures. Une situation qui plombe la croissance dans un contexte de baisse du prix du baril à l’international. Le PIB devrait à ce titre ralentir en 2016 en raison notamment d’une baisse des dépenses publiques. Dans ces conditions, les flux d’IDE demeurent faibles et n’excèdent pas 1% du PIB. Ainsi,, le Maroc continue de bénéficier positivement de la faiblesse des cours des hydrocarbures, lui permettant ainsi de conserver une balance énergétique réduite. Dans le prolongement de ce qui a été observé en 2015, les importations en valeur continueraient à baisser, mais à un rythme plus lent qu’auparavant.
La reprise européenne conforterait la progression des exportations des secteurs automobile et aéronautique, mais cela ne devrait pas compenser la moindre progression des exportations de phosphate. Ces dernières continueraient en effet à pâtir de la faiblesse des demandes indienne et brésilienne qui pèse sur les prix mondiaux du phosphate roche. Les IDE, pour leur part, devraient maintenir leur niveau de progression en 2016. Toujours dans le cadre de l’environnement régional, la Tunisie qui a vu sa note dégradée fin 2015, n’a toujours pas repris du poil de la bête malgré un environnement international favorable. L’économie tunisienne subit de plein fouet les répercussions des trois attentats qui ont frappé le pays en 2015. La dégradation de l’environnement sécuritaire a affecté la confiance des ménages et des entreprises alors même que l’activité aurait dû bénéficier du faible prix des énergies et de la timide reprise en Europe. Le secteur du tourisme, qui a été durement touché par les deux attaques (le Bardo en mars 2015 et Sousse en juin 2015), devrait se remettre difficilement des conséquences de ces deux attentats.
L’assureur français maintient donc une note de B synonyme de risque «assez élevé». Plus à l’Est, la Libye et l’Égypte semblent également avoir du mal à se rétablir. La crise libyenne se prolonge dans un pays rongé par l’insécurité et le terrorisme, ce qui vaut au pays la note E signifiant un risque «extrême» selon la Coface. L’Égypte, pour sa part, voit les effets positifs découlant de la prise de fonction du président Sissi s’estomper en dépit des signaux positifs forts lancés par les autorités. Selon Coface, l’Égypte devrait faire face à de multiples chocs tout en étant rattrapée par les fragilités structurelles de son économie. La faiblesse des cours du Brent devrait continuer de pénaliser le secteur pétrolier qui représente 13% des exportations égyptiennes. Dans ce contexte, la résilience du royaume s’avère indicatrice d’une bonne santé économique et d’un risque politique maîtrisé. Même si cela indique aussi l’absence de progression notable dans l’amélioration du climat des affaires.
Pour Coface, les principaux points noirs de l’économie marocaine demeurent la dépendance agricole et la vulnérabilité vis-à-vis de la conjoncture européenne. Selon l’assureur français, les résultats de l’économie marocaine en 2016 pourraient être moindres en raison d’une campagne agricole en baisse. La croissance non agricole devrait être attribuable au raffermissement des secteurs des télécommunications et des services de santé ainsi que de la consolidation des performances du secteur automobile et BTP. Du côté de la demande, la consommation des ménages poursuivrait son rôle de moteur de l’activité domestique. L’investissement, dont la contribution à la croissance a été positive en 2015, s’accroîtrait légèrement en 2016.
Selon les experts de Coface, le risque d’entreprise au niveau mondial a atteint un pic avec une menace jugée «assez élevée». De plus en plus de pays émergents figurent dans les catégories de risques «extrême» et «très élevé», et les trois plus grandes économies mondiales semblent fragilisées par une conjoncture peu favorable. Après le déclassement du Japon à A2 en mars dernier, c’est au tour des États-Unis et de la Chine, dégradés respectivement en A2 et B. Cette onde de choc se propage, d’un côté, au Canada, déclassé en A3, et de l’autre, à plusieurs pays asiatiques. La dégradation de la Chine pénalise l’activité de plusieurs pays asiatiques, et l’Europe semble vivre une grande période de doute avec un risque politique alimenté par le Brexit.
TIC et distribution, les relais de croissance en Afrique
L’Afrique subsaharienne semble très affectée par le ralentissement chinois et la chute des prix des matières premières. La région affiche sa plus faible croissance depuis 2008. Dans la région, deux secteurs offrent des opportunités à moyen terme pour les entreprises, à savoir la distribution et les TIC. C’est le cas du Nigeria, de l’Angola, du Ghana et de l’Afrique du Sud. Le secteur de la distribution continue à progresser malgré des difficultés conjoncturelles, et offre des perspectives de croissance en volume importantes. L’enrichissement de la population pourrait favoriser la consommation de produits à plus forte valeur ajoutée. Le développement d’infrastructures de distribution joue également un rôle clé, comme en Afrique du Sud qui se place au 6e rang mondial concernant le nombre de centres commerciaux (2.000). Les TIC se caractérisent par de nombreuses parts de marché à conquérir : le taux d’équipement des populations est encore relativement faible et l’offre de services accessibles par mobile augmente rapidement. Enfin, ces nouvelles technologies sont un atout majeur de diversification de l’économie. La trajectoire de croissance de l’Afrique subsaharienne pourrait être freinée par des chocs économiques, des problèmes politiques ou de gouvernance, mais ces facteurs ne devraient pas être de nature à remettre en cause les perspectives positives à moyen terme.