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Que peut (encore) la croissance ?

Cette année, la croissance économique est au rendez-vous mais sans apporter une stabilité au climat social. Analyse.

Des clignotants économiques au vert et un contexte social dans le rouge. C’est le paradoxe de cette première moitié de 2018. Pour l’heure, le tableau de bord économique du pays est plutôt encourageant. Les prévisions de croissance sont positives de 3,1%. La campagne agricole s’annonce meilleure que prévu avec une récole céréalière de 98 qx. Dans l’industrie, les exportations des métiers mondiaux (automobile et aéronautique) réalisent, au 1er trimestre de cette année, une croissance à deux chiffres. Dans l’ensemble, les performances économiques sont au rendez-vous pour ce début d’année. Or, ces chiffres ne suffisent pas pour doper le moral des ménages et des entreprises. Une ambiance lourde pèse sur ce rebond économique. Après le blocage de 2016-2017, l’échec du dialogue social, la multiplication des mouvements sociaux réels (Hirak du Rif et Jerada) ou virtuels (boycott) laissent planer des doutes du côté des opérateurs économiques comme chez les citoyens.  

Météo économique et climat social
L’ordre du jour du conseil de gouvernement du 31 mai dernier, résume cette situation d’attentisme et le manque d’ambition de l’actuel Exécutif. Le gouvernement s’est réuni pour étudier et adopter un projet de loi et deux décrets. Et appelons les choses par leurs noms: ces trois textes ne changeront pas la vie des marocains, qu’ils soient employés, sans emploi ou entrepreneurs. Pourtant, l’Exécutif est sur des charbons ardents. Après une période de grâce, surtout due à l’absence d’une opposition parlementaire cohérente, les parties de l’opposition sont en ordre de bataille. Le PAM s’est doté d’un nouveau patron. Pour sa part, l’Istiqlal clarifie son positionnement et se range dans l’opposition. Ce parti annonce la couleur avec son projet de Loi de Finances rectificative. Il met de la pression dans le camp du gouvernement. Deux chiffres donnent aussi des sueurs froides au chef de gouvernement: l’inflation et le taux de chômage. L’indice des prix à la consommation d’avril n’a pas apporté de bonnes nouvelles. Le coût de la vie s’est renchéri de 0,3%, résultant de la hausse de 0,7% de l’indice des produits alimentaires et de 0,3% de l’indice des produits non alimentaires. Dans un contexte où le mouvement de boycott s’installe dans le paysage social, alimenté aussi par les débats sur la régulation des prix des produits pétroliers, l’inflation demeure à surveiller de près. La situation du marché de l’emploi est également scrutée par les services du chef de gouvernement. Pour le 1er trimestre, la création d’emploi était de 116.000 postes, contre une création de 109.000 une année auparavant, sauf que dans l’industrie, on continue à perdre des emplois. Selon le HCP, l’industrie, y compris l’artisanat, ont perdu 9.000 postes. Le taux de chômage se maintient au dessus de la barre de 10% et atteint 15,6% en milieu urbain. La récente actualité liée au boycott, envenime la situation sur le marché de l’emploi. Dans ce domaine, le gouvernement voulait se montrer ambitieux, finalement son plan est qualifié «d’utopique». Le département de Yatim table sur l’objectif de créer 1,2 million de débouchés à l’horizon 2021. En d’autres termes, le gouvernement vise la création de 240.000 postes par an. Un objectif difficile jamais réalisé au cours des vingt dernières années ! Le débat autour de ce plan et la polémique sur les créations d’emplois dans l’industrie, révèlent un déplacement de l’enjeu économique de la course à la croissance vers une création de la valeur ajoutée avec un contenu en emploi qualifié. Un enjeu au cœur du nouveau modèle de développement. D’ailleurs, la réflexion officielle autour de ce nouveau modèle est marquée par l’attentisme ambiant. Mohamed Boussaïd, ministre de l’Économie et des finances avait annoncé en octobre dernier les contours de la démarche institutionnelle. «La réflexion va bientôt démarrer. Il ne s’agira pas d’une réflexion académique car le diagnostic est bien connu. Ce processus impliquera l’ensemble des forces vives de la nation, comme a demandé le roi Mohammed VI». Sept mois plus tard, rien ne filtre sur cette réflexion. La prochaine sortie d’Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors du conseil de la banque centrale, apportera-t-elle des réponses à ce climat économique paradoxal ? Il faudra patienter, encore plus, jusqu’au 19 juin prochain.


Chiffres clés

+3,1%
Croissance

3%
Déficit budgétaire

+12,8%
Crédits à l’équipement

+15,3%
Arrivées touristiques

+13%
Transfert MRE


Ce que recommande le FMI…

La croissance à elle seule ne suffit plus. Même le Fonds monétaire international a opéré une révision de son dogme pour encourager une «croissance inclusive». Dans son rapport sur le Maroc, le FMI recommande «d’augmenter la croissance potentielle, la rendre plus inclusive et réduire les disparités, ce qui nécessitera des réformes durables». Les fondamentaux macro-économiques solides du pays permettraient de «sécuriser les investissements prioritaires et les dépenses sociales à moyen terme». Le FMI appelle aussi à adresser un soutien spécifique aux «groupes sociaux exclus». Au Maroc, cela concerne les jeunes, les femmes et la population rurale.


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