Organisation de la COP22 : Les agences marocaines exigent leur part du gâteau

L’appel d’offres pour la production de l’événement majeur de l’année a été lancé par le ministère de l’Intérieur à la tête du comité d’organisation de la COP22. Avec des pré-requis très relevés, les professionnels marocains de l’événementiel estiment être exclus de fait de ce juteux marché estimé à 1MMDH.
C’est un événement digne des plus grands rendez-vous internationaux. Aussi bien en termes d’enjeux intrinsèques pour la planète qu’en termes de retombées d’images positives pour le Maroc, la COP22, qui se tiendra à Marrakech en novembre prochain, sera sans conteste le rendez-vous majeur de 2016. Concernant ce dernier aspect, celui de l’image, notre pays jouit déjà d’une perception très positive sur le fonds, ayant initié et déployé des projets structurants dans le domaine des énergies vertes, notamment, mais il reste à sécuriser les retombées d’images liées à l’organisation d’un événement d’un tel calibre qui, elles, ne pourront être évaluées qu’au lendemain du dernier jour de cette grand-messe internationale des questions environnementales et climatiques.
L’appel d’offres de la discorde
À 9 mois du jour «J», le volet organisationnel commence déjà à susciter l’intérêt des «industriels» de l’événementiel. Il faut dire que l’enjeu matériel est colossal et l’on peut affirmer sans risque qu’il s’agira du plus grand marché événementiel au Maroc depuis l’organisation du GATT à Marrakech en 1999. En effet, l’appel d’offres qui a été lancé pour la production de l’événement confirme le gigantisme de la rencontre et la taille financière du marché. Ce même appel d’offres est, nous allons y revenir, derrière le mécontentement marqué des agences marocaines d’événementiel. Mais avant tout, faisons le point sur la structure de l’organisation des COPs, notamment l’édition marocaine.
La COP22 possède une structure propre s’articulant entre le secrétariat général de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui regroupe plusieurs dizaines de personnes, un comité stratégique présidé par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération et un Comité d’organisation présidé par le ministère de l’Intérieur. C’est donc le ministère de l’Intérieur, et plus précisément la Wilaya de Marrakech, qui a lancé l’appel d’offres ouvert sur offres de prix pour l’aménagement et l’équipement du site de la Cop 22 à Marrakech dans une zone prédéfinie à «Bab Ighli», en lot unique. Cet appel d’offres dont le cahier des prescriptions spéciales (CPS) compte à lui seul plus de 80 pages de détails, n’a pas manqué de faire jaser les professionnels marocains de l’événementiel, estimant qu’il les exclut de fait de l’obtention de ce marché. «Le plus grand événement jamais organisé au Maroc ne sera pas produit par une agence d’événementiel nationale.
En effet, l’appel d’offres lancé il y a quelques jours ne laisse aucune chance aux agences de la place», fustige Majid Bennis, DG de l’agence Hors Limite Organisation, notamment connue pour l’organisation du plus grand événement culturel au Maroc, le festival Mawazine, en s’exprimant dans une tribune diffusée par mailing. «Il faut avoir réalisé au moins 2 événements sous l’égide des Nations Unies sur les 5 dernières années, il faut déposer une caution bancaire de 7MDH et il faut justifier d’un chiffre d’affaires de 500MDH minimum sur les 5 dernières années. Autant dire que l’on a volontairement coupé l’herbe sous les pieds des agences locales et déroulé le tapis rouge aux agences internationales tel Richard Attias, GL Events, Publics, pour ne citer que celles-ci. Une véritable catastrophe pour les agences de la place», regrette amèrement cet industriel de la production évènementielle, qui s’alarme même.
Des yeux plus gros que le ventre ?
Or, comme le reconnaît d’ailleurs ce patron d’agence : «La COP22 est d’un autre niveau et aucune agence nationale ne dispose, seule, de l’ingénierie requise pour un tel événement». En effet, les chiffres «techniques» donnent le vertige. Cet évènement international connaîtra la participation de près de 25.000 participants accrédités et non accrédités par l’ONU et ceci pour 12 jours, du 7 au 18 novembre. C’est littéralement une petite ville largement autonome qui verra le jour durant cette période. Le CPS prévoit ainsi une «Zone bleue» avec ses espaces extérieurs d’une superficie totale de 140.000 m² dont plus de 80.000 m² construits, placée sous le contrôle de l’ONU et qui comprend une multitude d’espaces fonctionnels.
À cette zone constituant le cœur de la conférence, s’articuleront trois autres zones mitoyennes qui démultiplieront l’étendue déjà impressionnante du site. Côté délais, le site de Bab-Ighli et ses 4 zones prévues pour l’organisation de la COP22 devront être fonctionnels au plus tard le 15 octobre 2016. C’est dire combien la tâche organisationnelle et logistique constitue un véritable défi, sans parler du volet sécuritaire, qui est aussi pesant que sensible dans le contexte actuel. Ceci dit, les professionnels marocains estiment avoir droit à leur part de l’un des gâteaux les plus «garnis» de l’histoire de l’événementiel au Maroc.
Ils proposent dans ce sens d’opter pour des consortiums mixtes, maroco-étrangers, dont la partie marocaine serait chef de file. «À l’heure où les entreprises nationales souffrent de la crise ambiante, l’occasion était belle de leur offrir cette opportunité de servir leur pays. Avec l’obligation bien entendu de répondre, en qualité de chef de file, aux côtés d’une agence internationale. Une chose est sûre : on nous a déclaré la guerre mais on ne se laissera pas faire», conclut Bennis d’un ton rageur. À titre indicatif, le budget de la COP21 organisée à Paris s’est élevé à 186,9 millions d’euros, soit plus de 2MMDH et pour le Maroc, ce montant est estimé à 1 MMDH. Cela donne un ordre de grandeur concernant le poids du marché en question. Une coquette somme qui risque de se diriger en devises vers l’étranger.