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Libre-échange : Négociations suspendues… jusqu’à nouvel ordre

ALECA, ALE avec le Canada ou encore  accord avec la CEMAC et l’UEMOA… le Maroc a suspendu ses pourparlers commerciaux. Le royaume change  de mode opératoire et se lance  dans une nouvelle stratégie commerciale orientée vers de nouveaux types de partenariats.

Fini la fureur des négociations! Alors qu’il enchaînait les rounds de pourparlers à tout va, le Maroc semble avoir pris du recul concernant ses négociations commerciales. Deux des plus grands accords en cours sont actuellement en stand-by. Il s’agit de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne, en attente depuis près de 2 ans, et de l’Accord de libre-échange avec le Canada, suspendu depuis plus de 4 ans. Le premier a connu un arrêt brusque au bout du 4e round de négociations en avril 2014. Le second a sombré dans les oubliettes suite au 3e round tenu en juin 2012 à Ottawa. À cela, il faudrait ajouter des accords longtemps convoités mais jamais concrétisés comme ceux avec l’UEMOA et la CEMAC (voir carte).

Affûter ses armes
Officiellement, ces haltes s’expliquent par la volonté du royaume de mieux préparer ses dossiers. Le département du Commerce extérieur a consacré ces dernières années à la mise à niveau de son arsenal réglementaire et législatif relatif à cette question. Le ministère délégué chargé du Commerce extérieur vient d’ailleurs de mettre à jour la loi 91-14 sur le Commerce extérieur. La Chambre des conseillers a récemment validé le texte, ouvrant ainsi la voie à son entrée en vigueur. Le royaume dépoussière ainsi un texte vieux de plus de 25 ans qui pêchait par ses incohérences et insuffisances. Selon la nouvelle réglementation, toute négociation commerciale est désormais conditionnée par l’adoption d’un mandat de négociation et d’une étude d’impact préalables. Le premier document est une feuille de route des négociations, validée par les plus hautes instances de l’État, permettant de fixer préalablement les objectifs de l’accord et le déroulement du processus de négociation.

Ce mandat fixe la nature des concessions à échanger, ainsi que les mesures d’accompagnement à mettre en œuvre pour chaque secteur, activité et domaine objet de négociation. Le second document répond à la nécessité de se doter d’un véritable baromètre de l’impact attendu suite à l’entrée en application d’un accord de libre-échange. D’ailleurs, une première étude d’impact portant sur l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne vient d’être réalisée. Les résultats de cette étude, dont les détails ont été livrés en exclusivité par Les ÉCO, montrent d’ailleurs un important risque pour le secteur agricole et les services (voir notre édition du 29 Octobre 2015). Le ministère chargé du Commerce extérieur compte également systématiser la consultation du secteur privé, de la société civile et des citoyens.

Représailles
D’autres raisons, plus politiques, peuvent également expliquer ce revers, notamment à l’égard de l’Union européenne. L’annonce de la révocation de l’accord agricole Maroc-UE par le Cour de justice européenne a fait l’effet d’une bombe au sein du département des Affaires étrangères qui s’était empressé, fin décembre, de demander à ce que «soit suspendue, immédiatement, toute participation aux réunions organisées par l’UE et l’organisation de celles inscrites à l’agenda bilatéral Maroc-UE, et de s’abstenir de tout échange ou contact avec la délégation de l’Union européenne à Rabat, et ce jusqu’à nouvel ordre». Depuis, aucun signe de reprise ne semble avoir filtré.

Ce revirement fait suite à un incident de la même ampleur qui avait menacé en avril 2014 le secteur agricole marocain suite à l’adoption d’un Politique agricole commune (PAC) restrictive à l’égard des intérêts marocains dans le marché européen. Il est d’ailleurs intéressant de noter que cette date correspond à la tenue du dernier round de négociations sur l’ALECA à Bruxelles. Pour le cas du Canada, il semblerait que l’intérêt économique et commercial de cet accord soit encore flou.

D’abord, en matière d’accès au marché, ce pays, qui applique un tarif NPF (Nation la plus favorisée) très bas à l’international, a beaucoup plus à gagner d’une libéralisation des échanges que le Maroc. Ensuite, l’expérience d’un ALE avec un pays d’Amérique n’a pas été très concluante pour le cas de l’accord avec les États-Unis, qui est l’un des accords les plus déséquilibrés de la pléthore d’ALE marocains. Enfin, les négociations auraient connu de sérieuses divergences de point de vue, notamment en ce qui concerne le chapitre sur les services. Là aussi, le Maroc a décidé de se doter d’une étude d’impact. Un appel d’offres vient d’ailleurs d’être lancé concernant plusieurs accords en projet, dont l’ALE avec le Canada, celui avec la CEDEAO ou encore l’accord avec l’UEMOA.

Changer de cap
De surcroît, le Maroc semble actuellement se tourner vers de nouveaux partenaires. Plus question de se limiter aux marchés «historiques» du royaume. Le Maroc cherche désormais des relais de croissance en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique du Sud. Pour ce faire, le pays cherche à se lier à ces nouvelles destinations par des «partenariats stratégiques».

Il ne s’agira pas seulement d’accords portant sur la libéralisation des échanges mais aussi d’une coopération culturelle, sociale et économique poussée y compris en matière d’investissements étrangers. C’est le schéma qui devrait être privilégié avec la Chine et l’Inde, qui cherchent des partenariats en Afrique subsaharienne et qui offriront des opportunités au Maroc en Afrique de l’Est. Par ailleurs, le département du Commerce extérieur aurait également reçu des propositions de la part du Mercosur et du Pakistan. Tout porte donc à croire que le royaume entend se lancer dans une nouvelle phase de son commerce préférentiel régional. Reste à savoir si le pays est suffisamment préparé à ce nouveau défi.



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