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Les ambitions de Didier Lamblin

Didier Lamblin, PDG de Centrale Danone

Depuis qu’il a repris les rênes de Centrale Danone en février 2016, Didier Lamblin s’est fixé un seul objectif: remettre la filiale marocaine du groupe Danone sur le chemin de la croissance et de la performance. Une mission qui ne s’annonce pas de tout repos au vu de la conjoncture que traverse le secteur (baisse de la consommation, concurrence acharnée…). Dans cet entretien, Didier Lamblin, également président de Fédération nationale des industries laitières (FNIL), revient sur le Siam 2017, le contrat-programme de l’agro-industrie, mais aussi sur son plan d’action pour donner un nouveau souffle à Centrale Danone.

Les Inspirations ÉCO : Quel bilan faites-vous de votre participation au Siam 2017 ?   
Didier Lamblin : Cette année, nous avons souhaité y participer plus fortement. À la différence des éditions précédentes, où Centrale Danone a été présente dans le pavillon des marques, cette année, par reconnaissance envers les producteurs, nous avons voulu être présent dans le pavillon de l’élevage. Cette proximité a été très appréciée. De plus, nous avons reçu un prix pour notre projet Halib Bladi qui soutien les petits agriculteurs. Nous avons travaillé pendant 15 mois sur ce projet, sur lequel nous avons repris des engagements lors de ce Siam pour arriver à 10.000 producteurs à l’horizon 2020.

En quoi consiste ce projet, et qu’y gagne Centrale Danone ?
Il est destiné aux petits producteurs qui ont 3 ou 4 vaches et qui sont dans une situation précaire. On sait que lorsque le producteur prendra sa retraite, il est fort probable qu’il n’y aura pas de succession parce que son fils ne trouvera pas d’intérêt à continuer l’activité. L’objectif est de les aider à améliorer leur rendement laitier, augmenter la collecte et, in fine, doper leurs revenus. Sur nos 120.000 producteurs, 98% sont de petits exploitants. Pour maintenir durablement cette productivité, il faut donc accompagner ces petits producteurs. Et on sait qu’à partir de 10 à 12 vaches, le producteur peut avoir une exploitation pérenne qui génère des revenus durables au profit de toute la famille.

Cette édition a aussi été
marquée par la signature d’un contrat-programme en faveur de l’agro-industrie. Qu’apportera-t-il à la filière laitière ?
C’est une bonne nouvelle pour tout le secteur. Le Plan Maroc vert a permis de développer l’amont en quantité et en qualité avec un doublement de la production laitière qui a atteint, l’année dernière, 2,5 milliards de litres de lait. L’objectif est donc de continuer à améliorer la production, mais aussi à agir sur les autres facteurs pour augmenter la consommation. Et là, je retiens deux messages forts du ministre de tutelle. Le premier a été adressé à l’ONSSA afin de faire son travail de régulateur et couper court aux bruits et rumeurs infondés qui portent atteinte à l’image du lait. Le second a été l’engagement du ministre aux côtés des industriels pour remettre en lumière les bienfaits du lait en tant que produit nécessaire pour la santé. Nous allons donc, dans les semaines qui viennent, continuer la discussion pour mettre en place une plateforme avec un plan de communication autour des produits laitiers.

Quel rôle devrait jouer l’ONSSA ?
Elle est l’autorité publique habilitée notamment à demander aux industriels de se conformer aux standards au niveau de l’outil de production, de la façon de processer le lait… Aujourd’hui, des bruits négatifs sur le lait laissent entendre que la profession n’est pas structurée comme il le faudrait. Par exemple, il y a aujourd’hui près de 25% du lait du colportage qui est vendu dans les rues et qui ne répond à aucune norme sanitaire et d’hygiène. C’est une atteinte à notre image par ce qu’il y a un amalgame entre ce lait issu du colportage et celui produit dans les règles de l’art par les industriels.

Mais parfois, ce sont des études scientifiques qui remettent en question les bienfaits du lait…
On connaît ces études, et on connaît aussi très bien nos produits. S’ils se sont développés un peu partout dans le monde, c’est parce qu’ils sont bénéfiques au développement de l’enfance et même la poursuite de la croissance de l’adulte. Et c’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui le dit. Elle reste le meilleur garant de la vérité. Cette organisation recommande à un pays comme le Maroc un niveau de consommation de 90 kg par habitant/an. On en est encore loin. Ce qui a été fait ces dernières années au niveau de l’industrie laitière au Maroc est impressionnant. Il y a eu une mise à niveau sur tous les plans (chaîne du froid, contrôle…). Maintenant, on peut détecter l’intolérance au lactose de quelqu’un, chose rare concernant des cas spécifiques. Le danger est de généraliser, et tous les acteurs sont aujourd’hui décidés à faire face à ce genre de rimeurs.

Au-delà des rumeurs, le facteur prix ne joue-t-il pas un rôle dans cette baisse de la consommation ?
On a passé beaucoup de temps à analyser la pyramide de consommation au Maroc. Et on a aujourd’hui un revenu officiel: 45% des foyers marocains ont 2.000 DH par mois pour vivre. À ce niveau, vouloir consommer un produit laitier par jour est impossible. C’est pour ça qu’on besoin, au-delà de produire de la quantité et de la qualité, de développer une industrie laitière compétitive et capable de lancer des produits excellents en termes de qualité, équilibré sur le plan nutritionnel, mais aussi au juste prix. Donc oui, le prix reste effectivement une barrière.

Malgré cela, vous avez tenté une hausse des prix du lait en 2013 avant de revenir sur votre décision…
Il faut savoir qu’aujourd’hui, notre profession n’a pas un grand niveau de rentabilité. Nous avons besoin d’améliorer nos revenus. Pour moi, cela ne doit pas venir de l’augmentation des prix. En arrivant à Centrale Danone il y a un peu plus d’un an, j’ai dit que j’allais me battre pour rendre cette société extrêmement compétitive et éviter de passer trop vite à l’augmentation des prix. Aucune hausse n’a été enregistrée en 2016 et il n’y en aura pas cette année. Nous travaillons plutôt sur les opportunités qui nous permettraient de maintenir nos prix dans la durée. Nous considérons que c’est un facteur positif d’accès à la catégorie de «consommateurs occasionnels» voire «pas du tout consommateur». Bien sûr, on subit des hausses, du fuel et du sucre notamment, mais à un moment donné on a une marge de manœuvre pour être encore plus efficace, réduire nos consommations d’eau et d’énergie, améliorer l’efficience de nos machines…Je n’ai pas été là au moment de la tentative de la hausse des prix, mais je pense qu’elle n’a pas été bien préparée et étudiée.

Ces dernières années, vous avez perdu des parts de marché. Comment comptez-vous les récupérer ?
C’est vrai, on a perdu ces trois dernières années des parts de marché. D’abord, parce que nous étions dans une phase d’intégration durant laquelle on était moins mobilisé sur le business. Ensuite, le marché est devenu plus concurrentiel. Nous avons vu des acteurs nouveaux prendre un autre niveau de puissance et on n’a pas, à un certain moment, accordé de l’importance à ces éléments-là. 2016 a connu une forte mobilisation et on a récupéré 2 points de part de marché. On s’est remis dans une dynamique de reconquête de parts de marché, mais la reconquête qui m’intéresse le plus est celle de toute la filière. Ma priorité, c’est de faire en sorte que le marché redécolle et que l’ensemble des sous-éléments du marché (le lait, le beurre, le fromage, les produits frais..) soient en croissance. Car si le camembert se développe, il y aura de la place pour tout le monde, et on aura les débouchés pour écouler les volumes additionnels qui émanent du Plan Maroc vert et du contrat-programme.

Vous pensez que cette démarche altruiste dans un marché très concurrentiel peut donner ses fruits…
Vous savez, quand je discute avec M’hamed Loultiti (président de Copag, ndlr) ou avec les autres opérateurs de la filière, je me dis qu’à notre niveau, nous les présidents, nous ne devons pas se considérer comme des concurrents, mais comme les défenseurs et les «valorisateurs» de la filière. Par la suite, nous devons laisser nos équipes de marketing et commerciales faire le boulot et se battre pour les parts du marché. En tant que présidents, on doit soigner l’image de cette profession, faire en sorte d’avoir le soutien du ministère de tutelle quand il le faut. Et je pense que cela a été oublié un certain moment; on s’est crêpé le chignon et ça n’a pas été bénéfique.

Vous avez du mal à imposer de nouvelles marques sur le marché. Et certains produits sont carrément un échec…
J’ai travaillé dans plusieurs marchés (France, Autriche, Afrique du Sud, Mexique…). Par expérience, une entreprise réussit avec une somme de succès et d’échecs. Et en innovation, avoir 50% de réussite est la marque d’une belle entreprise. Il y a donc une prise de risque. Je prends l’exemple -qui m’étonne- d’Activia. J’ai vu son succès en France, en Autriche et en Mexique. Mais en arrivant au Maroc, j’ai découvert un Activia qui ne performait pas, et pourtant on y a injecté de l’argent. Pour ne rien vous cacher, on est en train d’essayer de comprendre ce qui a pu se passer. Par contre, on a pas mal de beaux succès (Velouté, Danette, Assiri…), le lancement récemment de Fakia est prometteur. Sur le beurre, on est parti de rien et on a un produit qui marche très bien aujourd’hui.

Êtes-vous satisfaits de vos résultats financiers 2016 ?
Ils sont en ligne avec les engagements pris envers le groupe et qui visent d’abord à stabiliser le business. On a une très légère augmentation dans un marché difficile avec des gains de parts de marché. On a aussi amélioré notre résultat opérationnel par des efforts de compétitivité, par le fait de bénéficier d’un marché de matières premières qui a été favorable et par un travail d’efficience. Dans notre plan stratégique, on a une volonté de réinscrire cette société dans une dynamique de croissance et d’amélioration de ses performances.


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