Les ambitions d’Ennakl en Afrique
En marge de la dernière présentation de ses résultats, Ibrahim Debache, PDG d’Ennakl, revient sur la cotation de la valeur, le marché tunisien et les perspectives de croissance.
Les Inspirations ÉCO : Vous êtes l’unique société actuellement cotée sur les deux marchés marocain et tunisien…
Ibrahim Debache : Suite à notre introduction sur les deux bourses, en juillet 2010, il y avait une volonté des deux places de se rapprocher. Or, malgré la réussite de cette double cotation nous voyons une envolée de la performance d’Ennakl sur la Bourse de Casablanca. À mon avis, c’est un signe de la nécessité de réformes afin d’avoir une et unique cotation sur les deux places. J’espère que nos autorités reprendront contact et pourront le garantir. Aujourd’hui, nos cotations au Maroc et en Tunisie peuvent évoluer de manière différente. Demain, il pourrait y avoir une seule cote avec un arbitrage sur les deux places, mais pour cela il faudrait que la réglementation tunisienne évolue pour permettre une fongibilité des fonds entre nous deux pays.
Le cours d’Ennakl au Maroc est plus intéressant…
Tout à fait. Ça veut dire qu’il y a une maturité du marché marocain et on se félicite de cette performance de l’action. C’est pourquoi, nous viendrons communiquer plus régulièrement pour soutenir cette croissance.
Envisagez-vous d’augmenter le flottant ?
Pas pour l’instant, mais ce que nous avons évoqué c’est la possibilité de financer notre développement en Afrique subsaharienne à partir de la place de Casablanca mais pour ça, nous reviendrons vers vous.
Dans quelle mesure la dépréciation du dinar tunisien vis-à-vis de l’euro a impacté votre activité ?
Dès l’instant qu’il y a dépréciation de notre monnaie par rapport à l’Euro, forcément il y a un impact sur le prix de nos voitures. Le risque justement est que le prix sorte du budget du consommateur tunisien. Pour y faire face, nous devons nous ingénier pour créer de nouveaux modes de financement, de nouveaux produits et services pour que nous puissions amortir ces dépréciations que nous connaissons maintenant depuis quelques années. Pas plus tôt qu’il y a trois semaines, nous avions connu une énième dépréciation. Dans cette perspective, nous avons diversifié nos portefeuilles avec l’introduction de marques plus compétitives. Il s’agit en l’occurrence de Siat ou plus récemment de Skoda qui doivent aujourd’hui nous permettre de garantir notre leadership, de garder et de préserver nos parts de marché.
Comment se portent vos marques ?
À l’analyse de nos ventes, le constat est qu’actuellement Volkswagen qui contribuait à hauteur de 80% à 85% au volume global des ventes, aujourd’hui elle contribue à hauteur de seulement 45%. Siat devient maintenant une marque importante puisqu’elle a 7 ans d’ancienneté et Skoda le deviendra dans les prochaines années. Elle représente d’ores et déjà 1,5% de parts de marché alors qu’elle n’a qu’une seule année d’existence. La diversification de nos gammes et produits nous a permis une consolidation de nos parts de marché de par le passé et je pense que cette stratégie de diversification continuera de donner ses fruits dans le futur. D’ailleurs, ces deux gammes (Skoda et Siat, nldr) sont amenées à être développées au-delà des gammes berlines pour introduire celle des SUV. Cet élargissement de gammes sera également un contributeur à notre croissance mais là où nous travaillons beaucoup, c’est sur le marché des véhicules utilitaires. Nous constatons un fort potentiel, notamment sur les petits utilitaires et les petits camions. Nous travaillons sur ce segment là pour pouvoir augmenter notre part de marché sur les véhicules utilitaires.
Qu’en est-il de la concurrence ?
Nous avons constaté que des marques comme Dacia, tout comme d’autres marques asiatiques – chinoises, coréennes et indiennes – sont commercialisées de plus en plus en Tunisie, réalisant une forte poussée. Du coup, c’était important pour nous d’introduire ces marques bien qu’elles ne soient pas considérées comme des marques low-cost mais qui sont tout de même compétitives. Elles offrent, en effet, des rapports qualité-prix qui se rapprochent énormément de ce type de nouveaux concurrents.
Dacia menace -t-elle vos parts de marché ?
C’est vrai que la part de marché des entrées de gamme que ça soit sur les utilitaires ou les véhicules particuliers a connu une croissance ces derniers temps au détriment même de la marque Renault, mais heureusement pour nous, nous ne sommes pas uniquement présents sur ce segment là. Nous avons des gammes beaucoup plus élargies, je dirais qu’au contraire nous avons moins de fragilités car nous sommes présents sur différents segments qui peuvent se compenser les uns les autres alors que certaines marques dont Dacia se positionnent sur des segments qui sont des entrées de gamme.
Est-ce que la physionomie du marché tunisien est plus apte à aller vers le haut de gamme plutôt que l’entrée de gamme ?
Il y a une forte demande adressée aux petits véhicules et petites cylindrées compte tenu du phénomène de taxation plus important en Tunisie et donc du coût des voitures qui sont assez chères. Toutefois, au-delà de cette demande nous avons constaté en même temps une poussée du marché premium et sur lequel nous sommes présents avec les marques Audi et Porsch. Des marchés qui sont en train de croître. L’autre opportunité de croissance est ce qu’on appelle les SUV. Au delà des berlines, nous constatons une forte demande sur les marchés SUV. Et là aussi à travers les différentes marques que nous représentons, nous allons avoir des produits qui vont nous permettre de nous repositionner et de gagner des parts de marché sur ces segments.
Est-ce qu’il y a une volonté de vous positionner sur l’entrée de gamme ?
Non. Ce n’est pas dans nos perspectives. Nous restons dans une logique qui consiste à proposer des produits d’exception. Nous travaillons sur des gammes comme Volkswagen et nous accompagnons ces produits avec une gamme de services plus développée pour justement garantir et maintenir la loyauté de nos clients.
L’importation de voitures en Tunisie est régie par le régime de quotas. Comment ceux-ci sont fixés ?
Les tractations pour fixer les quotas par concessionnaire ne se passent pas toujours facilement mais il y a une bonne entente entre les différents constructeurs et concessionnaires. Nous nous basons sur des critères rationnels. Il s’agit en l’occurrence des parts de marché, de l’ancienneté des marques sur le marché et surtout de la demande de la clientèle. Nous avons aussi créé une certaine dynamique à travers le système de redistribution. En effet, au cours d’une année il est possible de redistribuer ces quotas en fonction des performances de chaque marque, non seulement au niveau de la vente mais aussi au niveau de l’importation, ce qui permet de nous offrir et nous en avons déjà bénéficié dans les années passées des opportunités d’avoir des volumes supplémentaires.
Vous avez annoncé votre volonté de vous positionner sur le marché d’occasion. À combien est-il estimé ?
Notre business plan va nous permettre dans un premier temps de faire des reprises de voitures des marques que nous représentons dans la première phase. Après une phase de maturité, il est question de s’ouvrir au rachat de voitures d’autres marques que celles que nous distribuons. Ce qui va générer à la fois des volumes de ventes supplémentaires mais également une activité de services et de vente de pièces de rechange plus importants. Le marché parallèle (sur lequel les particuliers ramènent des voitures d’occasion jusqu’à 5 ans d’ancienneté à des prix fortement concurrentiels, ndlr) qui est un marché d’occasion représentant près de 20.000 véhicules. Nous avons une volonté d’avoir au moins 4 ou 5% de parts de marché rapidement. Parallèlement, pour freiner ce phénomène de marché parallèle, les autorités publiques ont mis en place tout un système d’homologation et d’origine de financement pour éviter toute opération de blanchiment d’argent.
Le leasing représente 80% des modes de financement auxquels recourent les Tunisiens pour acheter leurs voitures. C’est le cas pour vos véhicules aussi ?
Chez-nous, ce sont entre 70% et 80% des ventes de nos véhicules qui se font via des sociétés de leasing ou des financements bancaires.
Vous achevez un plan stratégique pour en démarrer un nouveau – H2020 -, quelles étaient les réalisations du précédent ?
Nous avons atteint nos objectifs. Nous avons même dépassé quelques-uns d’entre eux, notamment en termes de chiffre d’affaires du 2013-2016 ainsi qu’en termes de réalisation en ce qui concerne les volumes. Ce plan stratégique nous a permis d’assoir notre stratégie de développement, notre réseau, de consolider notre positionnement sur le marché et de trouver de nouveaux gisements. L’objectif du chiffre d’affaires a été dépassé de 15% et en ce qui concerne le résultat, nous sommes à l’équilibre.
Quel est le maillage de votre réseau ?
Nous avons 25 agences que nous appelons agences 3 S, mais nous avons 44 points de ventes au total. Entre points de ventes-services et points de ventes de pièces de rechange agréés, nous voulons les augmenter pour en avoir 18. Aujourd’hui, nous avons consolidé notre réseau Volkswagen. Nous considérons avoir un maillage qui nous permet de couvrir l’ensemble du territoire. Il est question de compléter le développement du réseau des marques Siat, Skoda et Audi comme l’exige le constructeur mais également le besoin du marché. La configuration actuelle fait que l’essentiel de l’activité est concentré sur le littoral nord et sud qui représente la majorité des besoins du pays, mais ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas présents sur le reste du pays avec des structures adaptées aux besoins de ces régions.