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«Le nouveau fournisseur de GNL connu dans les semaines à venir»

Abdelkader Amara : Ministre de l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement

Abdelkader Amara révèle toutes les composantes d’une stratégie énergétique, qui vise la diversification pour une meilleure sécurité d’approvisionnement. Il détaille aussi comment le pays est en train de mettre en place les structures et infrastructures d’un marché régional de l’électricité et du gaz.

Les Inspirations ÉCO : Commençant par l’actualité concernant la COP22. Où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à cet événement grandiose qui remet le Maroc sur la scène mondiale au sujet de la question environnementale ?
Abdelkader Amara : D’abord, avant que cet événement ne soit une logistique et un espace de discussion, il est surtout pour le Maroc un grand capital de crédibilité. Et cette crédibilité, justement, a été consacrée par le discours de Sa majesté à Paris, lors de la COP 21 qui a fixé un cap très ambitieux: celui d’arriver à 52% d’énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030. C’est une manière de dire que le dérèglement climatique ne se résout que par ce qu’on fait sur le terrain. Maintenant, il reste à trouver la thématique mobilisatrice de la COP22. Quant à la structure, elle est mise en place. Il ne faut pas oublier que les engagements de la COP21 ne seront signés qu’au mois d’avril à New York. Toutefois, le Maroc a beaucoup d’expérience puisqu’il a déjà organisé la COP7. Maintenant, il faut accélérer la cadence et instaurer une mobilisation à l’international. Il faut aussi mettre sur la sellette le fait que la COP de Marrakech doit traduire les engagements de la COP de Paris sur le terrain.

Quels sont les principaux  obstacles que vous avez rencontrés durant la préparation de la COP22 et quel en sera le budget ?
Vous savez, l’importance d’une COP se jauge à la qualité des participants. La COP de Paris a eu l’avantage d’avoir drainé un nombre important de chefs d’États venus également témoigner leur soutien à la France en raison des circonstances douloureuses que la capitale française a connues. La COP se mesure aussi à la qualité des outputs, à savoir les engagements dont celui de ne pas dépasser 2°C de réchauffement de la planète. Enfin, cela dépend des contributions des pays qui doivent être engagés au mois d’avril à New York. L’autre paire de manches concerne le financement, en l’occurrence 100 MMDH chaque année à partir de 2020 qui devront se concrétiser et ne pas être un vœu pieux. Quant au budget de la COP22, il sera compris entre 800 et 900MDH. En ce qui concerne l’organisation, le comité validé par le souverain comprend des personnes qui ne dépendent pas des prochaines élections. Ce qui ne manquera pas de lui donner la stabilité nécessaire. Certes, c’est une année électorale et c’est encore un défi pour le Maroc.

Sur un autre plan, quelles sont aujourd’hui vos marges de manœuvre, sachant que plusieurs prérogatives ont été transférées à MASEN concernant les énergies renouvelables ?
Votre question me permettra de rétablir la vérité sur ce sujet. C’est toujours le ministère qui pilote la politique énergétique du royaume. MASEN était là bien avant l’arrivée de ce gouvernement puisque la loi l’instituant a été votée et publiée en 2010. Hasard de calendrier, à l’époque, j’étais président de la Commission parlementaire et j’avais ce sens de l’urgence d’une telle structure. C’est aujourd’hui une constante au Maroc: pour certains programmes, l’on crée des entreprises publiques ou des offices auxquels on confie des objectifs précis. Celui de MASEN a été de développer 2.000MW solaire. La volonté exprimée par le souverain de monter à 52% d’ER dans le mix électrique implique logiquement une reconfiguration du paysage institutionnel énergétique et explique donc un transfert de tout ce qui a trait aux ER actuelles et futures dans le giron de MASEN à l’exception des stations de transferts et de pompage (STEP) qui restent chez l’ONEE. Bien sûr, les liens organiques entre MASEN, qui a le rôle de développeur et l’ONEE, celui d’acheteur, vont être renforcés.

Qu’en est-il aujourd’hui de l’ouverture à la production privée des moyennes et basses tensions, qui entrent aussi forcément dans le mix électrique ?
Une stratégie énergétique ne s’improvise pas à la dernière minute. En 2030, la capacité électrique installée sera de 25.000MW comparée à des pays africains où la capacité ne dépasse pas les 500MW, cela donne un ordre de grandeur de l’importance du programme marocain. Sur ces 25.000MW, 20% seront d’origine solaire, 20% éoliens et 12% hydriques, c’est ce qui fait les 52%. Soit une dominance renouvelable pour la première fois dans l’histoire de notre pays. Le gaz naturel serait à 25%, le charbon 20% et une infime portion reste au fuel. La feuille de route GNL, que nous avons lancée en décembre 2014, est primordiale pour sécuriser notre approvisionnement énergétique, le diversifier et monter en charge au niveau des ER.

C’est aussi un back-up qui remédie à la problématique d’intermittence inhérente aux ER. Enfin, à l’horizon 2030, nous pourrions avoir une portion d’origine nucléaire si les conditions nécessaires à cela sont réunies. Et c’est dans ce contexte que nous avons ouvert le marché des ER au secteur privé, d’abord avec la haute et très haute tensions, mais lorsqu’on passe à la moyenne et basse tensions, la problématique des équilibres économiques se pose au niveau des quatre gestionnaires délégués et des 12 régies. C’est là que le décret sur la moyenne tension relève d’un pas géant dans l’ouverture du marché de production électrique d’origine renouvelable au Maroc. Chemin faisant, nous avons amendé la loi 13.09 pour permettre l’ouverture de la basse tension qui concerne 3,5 millions de consommateurs.

C’est la raison pour laquelle, un régulateur indépendant s’impose. D’ailleurs, je vous annonce que le projet de loi le concernant est transmis au Parlement et nous en débattrons dans la commission sous peu. Notre objectif est qu’avec l’adoption du cadre législatif, nous parvenions à l’avenir à l’étendre au gaz naturel. Il veillera aux respects des règles du jeu et fixera les tarifs. Ce sont autant de garanties pour l’investisseur qui voudrait se lancer dans un secteur qui n’est pas à la portée de tout le monde. En tout cas, ce sera bénéfique en termes de prix puisque le marché sera plus concurrentiel que par le passé.

Vous en êtes où par rapport à la mise en œuvre de la feuille de route GNL ?
Sur la bonne voie. Il y a deux phases, à savoir, «Gaz to power» pour produire l’électricité et «Gaz to industry» pour irriguer l’industrie marocaine qui utilise le propane dont le prix est plus élevé. Entre 2020 et 2025, le Maroc aura besoin, chaque année, de 5 milliards de m3 de gaz alors qu’aujourd’hui nous consommons moins d’un milliard. Je ne parle pas des 150 millions de m3 qui sont produits localement dans le Gharb, mais de ce milliard de m3 qui est totalement importé d’Algérie. Dans la feuille de route, il est question d’un terminal gazier qui va recevoir le GNL et sera dirigé aux centrales à cycle combiné. On a prévu pour la première phase 2.400MW, ce qui est important, ensuite ce gaz sera acheminé via un pipe depuis Jorf Lasfar jusqu’au gazoduc Maghreb-Europe. Nous aurons donc un maillage avec toutes les bretelles nécessaires qui vont irriguer les centrales et par la suite les zones industrielles.

Pourquoi ne pas augmenter tout simplement son approvisionnement avec l’Algérie ?
Dans l’énergie, il y a un sacro-saint qui est de diversifier ses sources d’approvisionnement. D’un point de vue géostratégique, le Maroc ne peut bâtir toute son industrie énergétique sur un seul fournisseur. Outre le gazoduc, le Maroc disposera d’une autre porte d’entrée du GNL à travers Jorf Lasfar. J’ai effectué une visite de travail en Russie, au Qatar et aux États-Unis. À l’occasion, j’ai eu des contacts avec les grandes entreprises ayant pignon sur rue et des offres non engageantes ont été faites au Maroc. On sera fixé sur le ou les fournisseur(s) très bientôt. Aujourd’hui, nous avons une idée sur les prix du GNL qui sera livré à Jorf Lasfar. Il n’y a pas que l’aspect commercial, mais aussi politique et géostratégique. Ceci étant, nous avons lancé l’appel à manifestation d’intérêt qui se terminera le 25 mars pour toute l’infrastructure.

Le Maroc a fait le choix de devenir une plateforme en matière d’interconnexions électriques dans la région. Quels sont les projets en cours et futurs dans ce domaine ?
Le Maroc est en train de prôner à l’international la création d’un marché régional de l’énergie. Nous sommes certes un pays importateur d’énergie, mais qui se trouve dans un pourtour riche en énergies fossiles et renouvelables. Dans cette configuration, le Maroc serait un pays exportateur d’énergie verte, mais aussi importateur, prenant en compte bien évidemment la différence des heures de pointe. Ainsi, le soubassement le plus important est celui de l’interconnexion électrique sur laquelle nous avons beaucoup travaillé. Aujourd’hui, nous avons une double interconnexion avec l’Espagne de 1.400MW, une interconnexion avec l’Algérie, qui totalise 1.200 MW. Il fallait d’abord tripler l’interconnexion avec l’Espagne vu qu’il y a un volume d’échanges très important et qui pourrait croître davantage. Nous nous apprêtons aussi à ouvrir une première interconnexion avec le Portugal avec lequel nous avons signé un MOU pour un volume de 1.000MW. Nous avons également relancé le groupe de travail avec les Espagnols pour 700MW. Avec l’Algérie, les 1.200MW jusqu’à maintenant sont largement suffisants car le flux ne dépasse pas 200MW. Nous allons terminer l’interconnexion qui va de Laâyoune à Dakhla dans un délai maximum de deux ans et après entre Dakhla et Nouadhibou. Sur ce point, les pourparlers avec la Mauritanie sont déjà lancés. Si nous arrivons à Nouadhibou, toute l’Afrique de l’Ouest et centrale sera accessible. Il s’agit de pays sous électrifiés que le Maroc peut aider. C’est pourquoi les plateformes euro-méditerranéennes électriques, ER et gaz ont été lancées au Maroc et nous avons pris la plateforme électrique parce qu’il s’agit d’un marché régional proche et prometteur que nous voulons accélérer.

Venons-en au feuilleton à rebondissements de Samir. On a le sentiment qu’El Amoudi cherche à en sortir indemne…
Je ne pense pas qu’il en sortira indemne, ne serait-ce que sur le plan de sa réputation. Outre au Maroc, il subit plusieurs procès à l’international. Il a essayé de prendre le pays en otage depuis plusieurs années en transformant l’approvisionnement du pays en «épée de Damoclès». C’est la raison pour laquelle il arrivait à avoir des facilités de caisse auprès de la Douane, qui sont arrivées à un montant de 12MMDH, ce qui est énorme ! Or, la problématique de l’approvisionnement, je l’ai réglé en arrivant dans ce département. J’ai élaboré un «plan B» dans lequel la Samir, pour une raison ou une autre, se trouve dans l’incapacité de produire, bien sûr avec le concours de tous les distributeurs. Cela nous a permis d’arriver à la conclusion qu’on pouvait se passer de Samir, le cas échéant. C’est sur cette base que le gouvernement a dit «non» à El Amoudi qui faisait du chantage pour continuer à profiter de facilités de la part de la Douane. Il a choisi août 2015, une période de pointe, pour arrêter la production. Aujourd’hui, le dossier est au Tribunal de commerce de Casablanca et je pense que la sentence sera prononcée dans quelques jours : soit le redressement ou la liquidation judiciaire. Il y aura certes de la casse, mais le raffinage restera au Maroc puisqu’il s’agit d’une industrie à part entière et les employés auront leurs droits dans tous les cas de figure.

Quelle vocation minière pour le Maroc face à la prédominance des phosphates ?
D’abord rentrer dans le club des pays miniers, ce n’était pas chose évidente. Nous sommes détenteurs de 75% des réserves mondiales de phosphates. Ce denier a donc écrasé les autres minerais. J’ai donc voulu faire émerger un secteur minier, hors phosphate, qui fait à peine 5MMDH de chiffre d’affaires, ce qui est peu. Je suis fier d’avoir aujourd’hui la loi 33.13 qui inscrit le Maroc dans une ère moderne de législation minière. Nous avons ensuite fait un travail de promotion dans les grand-messes internationales notamment celle de Toronto. J’ai ensuite créé la direction de la géologie car sans cartographie, le secteur minier ferait du surplace. Nous allons donc pouvoir augmenter considérablement le taux de cartographie qui est actuellement de 35% seulement. Sur un autre volet, la zone Tafilalet-Figuig qui fait 60.000 km2, soit cinq fois le Liban, était pratiquement soustraite de l’effort minier. En deux ans et demi, nous avons élaboré un projet de loi que je souhaite faire voter avant la fin du mandat. Ainsi, les artisans miniers auront droit à des pas de porte et des royalties sur tous les minerais qui seront extraits par les grandes entreprises minières. Cela va créer un vrai développement régional.

Pourquoi il y a tant de discrétion sur la prospection pétrolière au Maroc ?
C’est une discrétion scientifique uniquement. J’ai toujours refusé de vendre aux gens des illusions. Il y a des études géologiques de base, de la géophysique et de la géochimie et la sismique à faire avant le forage. C’est un processus qui prend 10 à 15 ans. Je dirais qu’il y a plutôt du gaz au Maroc. Quant au pétrole, on verra. Savez-vous que la Norvège a foré 237 puits secs et c’est le 238e puits qui a permis la découverte du gaz, qui a changé le sort de tout le pays. Au Maroc, nous n’avons foré jusqu’ici qu’un peu plus de 300 puits. Nous sommes à une moyenne de 0,5 puit par 100 km2 alors que la moyenne mondiale est de 10. Nous avons 900.000 km2 de bassins sédimentaires entre l’onshore et l’offshore dont on n’a exploré que 400.000 km2 avec 35 sociétés internationales. Il n’y a pas une seule société marocaine. C’est un secteur hautement capitalistique et risqué. L’année prochaine verra certainement l’implication d’un grand opérateur public national. Ceci dit, il faut savoir que l’investissement pétrolier en 2015 a chuté de 25%. Et en 2016, il chutera probablement de 17%, selon les analyses, vu la baisse du prix du baril.


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