Le Maroc assure ses arrières
Banque centrale, ministère des Finances, Office des changes… l’ensemble des intervenants dans le cadre de la réforme du régime de change travaillent actuellement sur la concrétisation des prérequis. Il s’agit notamment d’adapter le cadre juridique et opérationnel de la réforme. Selon les experts de BAM et du FMI, le Maroc serait en position de force pour entamer l’assouplissement progressif de son taux de change.
La conjoncture actuelle est-elle favorable au passage vers un régime de change plus flexible ? Selon les experts de BAM et du FMI, le Maroc serait en position de force pour entamer un assouplissement progressif de son taux de change. Ainsi, l’amélioration de notre position extérieure, l’adéquation de nos réserves de changes et l’assurance offerte par l’accord LPL sont les indicateurs d’une conjoncture favorable à l’assouplissement du régime. Selon les recommandations du FMI, un long travail de préparation augmente les chances de réussite. «Il faut beaucoup de temps pour mettre en place les conditions requises dans la pratique; c’est donc par là que les pays doivent commencer avant d’abandonner leur système de change fixe», estime l’institution de Bretton Woods.
Risque de change
«Nous sommes en train de fixer les prérequis de cette ouverture. Ceux-ci doivent être respectés avant, pendant et après la transition», précise Mounir Razki, directeur des opérations monétaires et de change au sein de BAM. L’un des prérequis concerne notamment l’évolution du cadre de politique monétaire de BAM. C’est le cas en ce qui concerne le ciblage d’inflation pour lequel la Banque centrale devra adopter un nouveau cadre d’application. Fondé sur des règles, ce ciblage contraint celle-ci à annoncer explicitement sa cible en matière d’inflation en appliquant une politique monétaire cohérente.
La Banque centrale dispose ainsi d’une certaine marge de manœuvre, dans la mesure où elle dispose de la liberté de choisir comment utiliser ses instruments. BAM devra également revoir son cadre opérationnel : l’objectif étant de doter la banque centrale des moyens humains, organisationnels et d’outils nécessaires à l’accomplissement de ce projet de réforme. Il s’agit en particulier de la préparation, par BAM, d’un modèle de prévision et d’un système d’information adapté aux objectifs de la réforme.
Les autorités publiques travaillent également sur le chantier de l’assistance et de la préparation des opérateurs économiques, publics et privés. C’est particulièrement le cas de l’Office des changes qui planche sur une nouvelle instruction générale du régime de change pour remplacer la version 2013. «Nous publierons bientôt l’édition de 2017 qui vise à assouplir les règles et surtout à mettre en place, en faveur des opérateurs, une panoplie d’instruments de couverture contre le risque de changes», précise Driss Benchikh, secrétaire général de l’Office des changes. Parmi les autres préalables à cette ouverture, le FMI mentionne également l’indépendance de la Banque centrale, la transparence de la politique monétaire, le développement des systèmes d’information sur l’évolution de la balance des paiements etc. La concrétisation de ces prérequis, actuellement en cours, permettra au Maroc d’entamer les prochaines étapes de flexibilisation de manière graduelle. L’approche consiste à procéder par étapes jusqu’au libre flottement de la monnaie à des marges de fluctuation qui seront progressivement élargies.
Rationaliser l’import
Il faut dire que les risques sont importants et qu’une dépréciation du dirham pourrait avoir des conséquences importantes sur l’activité de plusieurs entreprises, notamment des PME. Bien que ce scénario soit quelque peu improbable dans un futur proche -le Maroc disposant actuellement de réserves en devises dépassant les 7 mois d’importations- une dépréciation du dirham pourrait grandement affecter la compétitivité de l’économie. Pour certains experts, cette dépréciation n’est, toutefois, pas porteuse de mauvaises nouvelles uniquement. Si les importateurs doivent manifestement, dans ce cas de figure, acheter plus cher leur approvisionnement en devises, il faut dire que les exportateurs peuvent réciproquement bénéficier d’un avantage de compétitivité sur le prix. «Pour une entreprise qui produit au Maroc, cela devra systématiquement se répercuter au niveau des prix à la consommation, mais cela devrait également créer un effet de rationalisation des importations», explique Abdelali Debbagh, chef de la division de la balance des paiements au ministère de l’Économie et des finances.
En effet, la relative cherté des produits importés dans ce cas de figure devrait générer un effet automatique de régulation au niveau des importations. Concrètement, les opérateurs -et par ricochet les consommateurs- n’importeront que ce dont ils auront besoin. «La dépréciation de la monnaie peut également créer de nouvelle niches pour les entreprises marocaines. Ainsi, l’entreprise marocaine qui produit au Maroc cherchera peut-être à se substituer aux produits importés, qui sont plus chers», commente Debbagh.