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«La baisse des financements internationaux est très préoccupante»

Dr Mehdi Karkouri, président de l’ALCS

C’est une consécration pour ce professeur à la Faculté de médecine de Casablanca. En 1996, Dr Mehdi Karkouri rejoint l’ALCS en tant que militant de la section de Casablanca puis gravira les échelons pour occuper le poste de vice-président durant plusieurs mandats. Il sera enfin élu à la tête de cette emblématique association de lutte contre le sida au Maroc et dans le monde, lors des Assises, tenues les 13 et 14 janvier derniers à Marrakech.

Les Inspirations ÉCO : Vous succédez au Pr Hakima Himmich dans le poste de président de l’ALCS. Qu’en pensez-vous ?
Mehdi Karkouri : C’est un honneur pour moi de succéder au Pr. Himmich, une vraie icône, nationale et internationale, de la lutte contre le sida. C’est aussi le couronnement d’un long parcours de militant puisque j’ai rejoint l’ALCS en 1996 en tant que médecin volontaire pour faire le dépistage anonyme et gratuit.  Puis je me suis petit à petit intéressé à la vie politique de l’association et m’y suis engagé parce que je me retrouvais dans ses valeurs de tolérance et sa volonté de venir en aide aux plus défavorisés. Je suis honoré bien sûr de cette élection en tant que président et en même temps je mesure bien entendu l’immensité de la tâche qui m’attend.

Quelle sera votre stratégie en matière de lutte contre le sida  ?
Continuer à consolider les acquis, en termes de prévention, notamment auprès des populations les plus vulnérables, en termes d’accès aux soins et d’accompagnement psycho-social, mais tout en innovant et en s’adaptant aux nouveaux aspects que prend l’épidémie. De nombreuses avancées scientifiques ont été enregistrées et ont changé un peu notre façon de travailler : par exemple, on sait qu’une personne séropositive sous traitement bien suivi n’est plus contagieuse, on a donc intérêt à dépister un maximum de personnes vivant avec le VIH et à les diriger vers les services médicaux de prise en charge pour qu’elles soient mises sous traitement et arrêter ainsi la chaîne de transmission. Par ailleurs, nous disposons de nouveaux outils de prévention très efficaces et très peu coûteux, comme la prophylaxie pré-exposition, qui consiste, pour une personne séronégative, à prendre un médicament antirétroviral avant toute exposition et cette prise médicamenteuse empêche la transmission du virus. Donc, là aussi, nous voudrions offrir ce qui se fait de mieux en termes de prévention à nos citoyens.

Quelles seront les populations cibles de vos programmes pour les années à venir ?
Toutes les études montrent que l’infection se concentre dans des populations vulnérables, qu’on appelle «populations clés», parce qu’elles sont des clés pour l’épidémie mais des clés aussi pour la lutte contre le sida. Donc en concentrant nos efforts envers elle, nous pouvons significativement faire baisser le nombre de nouvelles infections. Ce sont essentiellement les professionnelles du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes, les usagers de drogue par voie intraveineuse, les migrants subsahariens. Ces populations sont vulnérables à l’infection à VIH parce qu’elles sont vulnérables socialement et rejetées, ce qui fait que leur accès aux services réguliers de santé est très limité, voire inexistant. Elles n’ont donc pas les moyens de se protéger efficacement, soit parce qu’elles n’ont pas accès à l’information et ignorent comment se protéger, soit parce qu’elles n’ont pas accès aux moyens de prévention. C’est le cas partout dans le monde et l’expérience sur le terrain a montré que, en focalisant les efforts sur les populations clés, on peut infléchir la courbe de l’épidémie. Ce sont aussi les recommandations de l’OMS et c’est aussi notre approche.

Quels sont les points de vigilance en matière de lutte contre le Sida au Maroc ?
Le Maroc, grâce à la conjugaison des efforts de tous, nous société civile mais aussi au gouvernement, institutions internationales et bailleurs internationaux, a réussi à contenir l’épidémie, voire à faire diminuer le nombre de nouveaux cas, ce qui est une exception dans la région MENA mais il ne faut pas se dire que la bataille est gagnée pour autant et si on baisse la garde, l’épidémie peut reprendre très rapidement. Par ailleurs, la baisse annoncée des financements internationaux est très préoccupante et il ne faudrait pas que cela affecte le volume des activités. Nous avons besoin, plus que jamais, d’intensifier les efforts de dépistage et de prévention.

L’ALCS avait alerté contre le risque de la baisse des financements adressés au Maroc depuis le Fonds mondial, comment l’ALCS se prépare face à ce risque ?
Oui, en effet, c’est un sujet de préoccupation majeur pour nous. Nous essayons de diversifier l’origine de nos financements, en se focalisant plus sur des donneurs nationaux, nous avons heureusement le Sidaction Maroc également mais il est clair que la baisse des financements internationaux ne pourra pas être totalement comblée par des financements domestiques. Aussi, sommes-nous en train de réfléchir à de nouvelles façons de collecter.


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