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L’OFPPT «rafle» le business des opérateurs privés

«Il est illogique que l’État commence à recourir à ses propres services en marginalisant le secteur privé qui paie ses impôts et emploie des salariés».

Voilà une décision qui, si elle vise à calmer les esprits des citoyens quant à l’état de délabrement dans lequel se trouvent les classes et le mobilier scolaire dans nos écoles, reste tout de même au travers de la gorge de plusieurs patrons. Il s’agit du choix opéré par le gouvernement de confier la fabrication d’un grand volume de mobilier scolaire à l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), au lieu de recourir aux opérateurs privés afin de leur ouvrir une brèche de business.

De quoi s’agit-il ?
L’une des premières décisions prises par le ministre de l’Enseignement, Mohamed Hassad, est de vouloir améliorer les conditions de scolarité dans les écoles dès septembre prochain. Un appel d’offres a sitôt été lancé en vue de confier la fabrication de quelque 350.000 pupitres pour les élèves, 146.000 bureaux et chaises pour les enseignants et 146.000 tableaux. Cela, sachant que des milliers d’autres tables seront rénovées par les moyens propres des Académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF). C’est après le lancement de ce marché que le nouveau secrétaire d’État à la formation professionnelle, et aussi DG de l’OFPPT, en la personne de Larbi Bencheikh a proposé l’affectation de cette mission aux stagiaires de l’Office. Un écrit fût adressé par Hassad, le 15 mai dernier, au Chef du gouvernement qui donna son feu vert pour le projet. El Sâad Eddine El Othmani a, dans sa réponse écrite, autorisé l’AREF à conclure des conventions de partenariat avec les directions régionales de l’OFPPT conformément aux dispositions de l’article 86 du décret sur les marchés publics. Article qui stipule que «les prestations à réaliser d’une extrême urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le maître d’ouvrage et n’étant pas de son fait et qui ne sont pas compatibles avec les délais exigés pour une publicité et une mise en concurrence préalable peuvent faire l’objet de marchés négociés sans publicité préalable et sans concurrence»… C’est là que le secteur privé est sorti de ses gonds pour dénoncer une décision susceptible d’assener un sérieux coup à la productivité des entreprises. «Si le public commence à confier ses marchés au public, qu’adviendra-t-il des opérateurs privés ?», demande un patron d’entreprise.

Par ailleurs, le recours à l’article 86 du décret sur les marchés publics est pointé du doigt par le secteur privé car il est initialement destiné à faire face à une pénurie ou à la survenance d’un événement catastrophique tel qu’un séisme, des inondations, des incendies, une sécheresse, une épidémie ou des ouvrages menaçant ruine ou encore un évènement mettant en péril la santé des citoyens. Aussi, l’OFPPT est également autorisé à conclure des marchés négociés pour l’acquisition du matériel et des matières premières nécessaires pour la production du mobilier scolaire demandé conformément à la loi sur les marchés publics de l’Office. D’après une source au département de la Formation professionnelle, le recours à cette solution est dicté par la nécessité d’accélérer la cadence pour que tout soit prêt avant la rentrée scolaire. Le lancement d’un appel d’offres aurait nécessité une longue procédure.

Course contre la montre
Aujourd’hui, en dépit de la colère des opérateurs, l’opération a déjà commencé du côté de l’Office de la formation professionnelle et du ministère de l’Enseignement. Mohamed Hassad et Larbi Bencheikh ont validé le premier prototype de tables en mai dernier. Une centaine d’ateliers des centres de formation professionnelle dans différentes régions vont travailler à plein régime pour livrer à temps les tables et tableaux demandés par les académies. C’est ainsi que les stagiaires des établissements de formation professionnelles devront travailler même pendant les vacances d’été. Le défi sera-t-il relevé ? L’OFPPT a-t-il vraiment les moyens humains, techniques et logistiques pour réaliser une telle opération ? Les professionnels en doutent. Contacté par les Inspirations ÉCO, le directeur d’ECOGEMA, Zineelabidine Alami, affiche son étonnement face à l’initiative du ministère de l’Éducation nationale qui «porte une estocade au secteur privé». Il estime qu’une telle opération devra être confiée aux huit sociétés qui opèrent dans le secteur sur le plan national pendant une année. «Il faut aussi vérifier si les matières premières sont disponibles sur le marché.

À cela s’ajoute la question de l’équipement des ateliers et de leur outillage. Il est difficile de réaliser la quantité de tables demandées dans les délais escomptés», précise-t-il. Il tire la sonnette d’alarme sur le coup porté à l’emploi dans les entreprises du secteur à cause de la décision du ministère de l’Éducation nationale. «Il est illogique que l’État commence à recourir à ses propres services en marginalisant le secteur privé qui paie ses impôts et emploie des salariés», lance Alami. 



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