Justice : Le Maroc veut renforcer la protection des enfants
Le ministère de la Justice et des libertés, en collaboration avec l’UNICEF, ont engagé un vaste chantier destiné à renforcer le système juridique de protection des enfants. Parmi les grands axes de cette initiative est activée la mise en place d’une justice adaptée et accessible aux enfants.
Le Maroc est déterminé à renforcer son système judiciaire dans le cadre du vaste chantier de réforme de la justice, entamée en 2013, et qui accorde une attention particulière à la protection juridique des droits des enfants. C’est dans ce cadre qu’a été lancé le projet «Himaya», qui est destiné, sur une période de 36 mois, à assurer un accès des enfants à une justice adaptée et respectueuse de leurs droits.
Ce projet qui a fait l’objet d’une convention de partenariat signée entre le ministère de la Justice et des Libertés, l’Union européenne et la représentation de l’UNICEF au Maroc devrait contribuer au renforcement des capacités des acteurs de la justice et au développement des ressources nécessaires afin de «garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les procédures judiciaires et la bonne application de la loi pénale et civile». En termes concrets, les actions réalisées viseront à faire en sorte que le système de justice pénale réponde plus efficacement aux besoins des enfants en conflit avec la loi. Par la même occasion, le système devrait permettre à ce que les enfants victimes d’infractions et de violence, mais aussi les enfants témoins, bénéficient d’une protection juridique qui s’aligne sur les normes internationales de protection de l’enfance avec comme principe majeur que «l’intérêt supérieur de tout enfant prime dans l’application du Code de la famille».
Pour ce faire, la nécessité de la mise en place d’un système d’information spécifique à la justice pour enfants constitue un préalable de manière à permette l’instauration d’un mécanisme de collecte et d’analyse des données pour une meilleure circulation de l’information entre les différents acteurs de la protection de l’enfance au Maroc. Selon le constat dressé par le département de Mustafa Ramid, depuis la mise en place par le nouveau Code de procédure pénale de juridictions spécialisées, notamment les Chambres de mineurs ou les juges de mineurs, «il n’existe pas à ce jour d’étude sur le degré de satisfaction des usagers de ces juridictions spécialisées».
Afin de combler ces lacunes, le ministère de la Justice, avec l’appui de ces partenaires notamment l’UNICEF, a récemment lancé une enquête qui a pour but d’établir un état des lieux de la satisfaction des enfants et des familles quant à l’efficacité du système de justice et cela dès le premier contact de l’enfant avec la loi.
Évaluation
Selon les détails de la consultation qui sera finalisée en principe en novembre prochain, cette enquête quantitative et qualitative permettra «d’apprécier la qualité des services de la justice, de déterminer le niveau de satisfaction des enfants et de la famille quant à l’efficience et l’efficacité du système de la justice et d’analyser les facteurs concourant à la formation de leur opinion».
Il s’agira donc de produire des données quantitatives et qualitatives afin de compléter et d’approfondir l’évaluation globale qui a été réalisée sur le fonctionnement du système de la justice. La finalité des objectifs transversaux de l’enquête permettra, dans un premier temps, de mesurer le degré de satisfaction des enfants et des familles par rapport à l’efficacité et l’efficience des services de justice de la famille, de justice juvénile et de police judiciaire. Dans ce cadre, un accent particulier sera mis sur plusieurs volets, notamment la perception des populations cibles de la performance de la justice en termes d’accueil, de délais, de coûts, d’assistance fournie, de qualité de l’intervention de chacun des acteurs de la justice qu’ils s’agissent des juges, des avocats, des personnels des juridictions ainsi que des agents de police, de probation ou des centres de placement.
L’enquête devrait également permettre de comprendre les priorités données aux enfants et leur famille en matière de réformes tendant à améliorer l’efficacité et la qualité des réponses judiciaires et d’identifier les axes d’amélioration qui permettront d’alimenter le travail d’élaboration des indices de performance des tribunaux et des brigades des mineurs. L’enquête sera menée au niveau de 5 circonscriptions judiciaires pilotes.
Il s’agit de Marrakech, Casablanca, Fès, Tanger et Agadir, des localités qui correspondent par ailleurs aux circonscriptions judiciaires cibles du projet Himaya, dans lesquelles seront mis en place des modèles d’interventions pour améliorer la qualité des services pour les enfants en conflit avec la loi, les enfants victimes et témoins, et les enfants concernés par des procédures civiles. Les groupes cibles sont choisis auprès d’un échantillon représentatif constitué d’enfants auteurs, présumés auteurs, victimes, témoins et en situation difficile qui sont impliqués dans des procédures judiciaires civiles et pénales, y compris les enfants placés dans les centres de protection de l’enfance, les enfants placés dans les centres de réforme et de rééducation, les enfants concernés par les procédures de kafala, dont les enfants migrants. Les familles d’enfants en situation difficile impliquées dans les procédures judiciaires seront également concernées par l’enquête de même que les associations de la société civile travaillant au service des enfants dans les régions cibles.
Engagements internationaux
D’après le département de la Justice, si certaines données sont disponibles sur le fonctionnement des tribunaux et les services fournis aux justiciables, elles ne visent pas spécifiquement le système de justice des enfants. À titre d’exemple, l’analyse de situation des enfants et des femmes au Maroc publiée par l’UNICEF en septembre 2014 a révélé «la lenteur et la complexité des procédures judiciaires, la perte de confiance dans la justice par les citoyens, le manque d’attention aux victimes des actes criminels, l’absence d’efficacité et d’efficience de la justice et la carence dans la structure d’accueil des justiciables qui affrontent des difficultés dans l’accès au droit et à la justice».
Le rapport a également mis en évidence le fait que le nombre d’enfants en contact avec la loi, tous motifs confondus, est en nette augmentation. C’est donc au vu de ce constat et afin de permettre de développer une approche sensible aux droits de l’enfant que le ministère de la Justice a estimé nécessaire de mesurer le degré de satisfaction des enfants et des familles quant à l’efficacité du système de justice pour enfants.
Les résultats de l’enquête seront mis à la disposition des différentes institutions concernées par cette problématique parmi lesquelles et en plus du département de la Justice, du ministère de la Jeunesse et des sports, se trouvent la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), la Gendarmerie royale, la Délégation de l’administration pénitentiaire ainsi que les associations de la société civile œuvrant au niveau local pour la justice des enfants. Selon les engagements du ministère de la Justice, la réforme du système de justice pour mineurs sera en totale conformité avec la Convention des droits des enfants (CDE) et tiendra compte des observations finales du comité y afférent, lesquelles ont porté sur la nécessité en particulier de promouvoir des mesures alternatives à la détention, notamment la déjudiciarisation, la probation, la médiation, le counseling ou les services communautaires.