Immobilier : Le locatif peut-il relancer le secteur ?
À défaut d’écouler leurs stocks de logements, les promoteurs peuvent recourir à la location dans l’attente de jours meilleurs. Les banques veulent désormais plus de garanties à travers les titres parcellaires sur plan, ce que les promoteurs refusent.
En fin de mandat, Nabil Benabdellah s’est fixé comme objectif de lancer une réflexion ouverte sur les pistes de relance de l’immobilier au Maroc. Sur un constat de tassement du secteur pour ne pas dire de crise, ce difficile exercice s’imposait à lui afin de prendre le pouls des différents intervenants. Jeudi dernier, le ministère de l’Habitat s’est donc transformé en think-tank où les responsables du Conseil national de l’habitat, de la conservation foncière, de l’association des agents immobiliers et du secteur bancaire en la personne de l’incontournable Ahmed Rahhou, PDG du CIH, ont croisé le fer. Grosso-modo, le débat a pris une tangente qui mène vers une idée maîtresse : il est temps d’encourager l’immobilier locatif pour faire bouger un secteur en stand-by.
Il y va même de la mobilité des jeunes à la recherche d’emplois car si un jeune en début de carrière commence par acheter son appartement, il se retrouve comme pris en otage dans la ville où le quartier où il se trouve. Or, s’il fait le choix de louer, il aura les coudées franches pour quitter sa ville ou sa région à la recherche d’opportunités ailleurs. «Est-ce qu’on n’est pas au bout du modèle de la propriété pour passer au locatif ?», la question de Rahhou balise en fait le terrain à un basculement qui prend forme. C’est d’autant plus vrai que le taux de propriété au Maroc, 70%, est parmi les plus élevés dans le monde. Aujourd’hui, c’est une chose avérée qu’il existe une inadéquation entre l’offre et la demande. Les promoteurs semblent n’être plus à l’écoute des vibrations et évolutions du marché et des attentes des Marocains en termes de logements. Pourtant, il y a dix ans, la demande en logements était d’1,2 million d’unités, principalement dans l’économique. Aujourd’hui, le déficit en logements a été réduit à 500.000 unités, mais il y a un autre phénomène que le ministre explique, à savoir le souhait des Marocains d’améliorer leur espace de vie pour passer à des F2 ou F3. Un besoin estimé, selon une étude du ministère à 1,5 million d’appartements dont un tiers à Casablanca.
La solution, dans ce cas de figure et face à la raréfaction du foncier dans la capitale économique, est l’étalement urbain en hauteur, mais là aussi les procédures sont lourdes, regrette Benabdellah. Il faut les signatures de trois ministres, de l’Habitat, de l’Intérieur et de l’Urbanisme. C’est une autre paire de manches. En attendant que les procédures deviennent plus fluides, un arsenal juridique assez important portant sur la copropriété, le contrat de bail, la loi sur le logement a été mis en place, tandis que le texte régissant l’activité des agents immobiliers attend toujours. Avec la fin des exonérations fiscales qui ont fait l’âge d’or des promoteurs immobiliers à partir de 2010, le ministère a du mal à pousser ces derniers vers d’autres segments comme le moyen de gamme à partir de 6.500 DH /m2. C’est ce qui explique aussi la baisse de 10% (moins de 60 MMDH) de l’encours des crédits accordés par les banques aux promoteurs. Quant au logement pour les sans revenus fixes, Benabdellah s’est trouvé acculé au constat que la problématique dépasse son département et qu’elle dépend du modèle de développement du pays. Pour toutes ces raisons, Rahhou estime qu’investir aujourd’hui dans l’immobilier n’est pas dénué de risque. Les procédures sont lourdes et le foncier de plus en plus cher.
En effet, au-dessus de 1.000 DH/m2, un promoteur ne peut s’aventurer dans l’économique, alors qu’à ce prix là, le foncier n’existe plus à Casablanca où Rabat. Pour sortir le secteur de sa torpeur, le PDG du CIH propose alors deux pistes. La première : alléger les procédures en annulant notamment la condition stipulant d’attendre 8 ans avant de pouvoir revendre ou céder son appartement acquis à 250.000 DH. La seconde, c’est de permettre aux banques d’inscrire un droit sur les projets immobiliers via des titres parcellaires sur plan. Cette dernière proposition n’a pas été du goût du parlementaire et avocat, Mohamed Khairi, qui a qualifié ces titres d’imaginaires et illégaux. L’on comprend bien que les banques veuillent assurer leurs arrières en cette période de crise, mais l’option des titres parcellaires rencontre une farouche résistance de la part des professionnels. Cette tendance au locatif n’est plus un vœu, mais une réalité. C’est ce qu’affirme Mohamed Lahlou en sa qualité de président de l’Association marocaine des agents immobiliers : «La majorité des agences immobilières ne traitent plus que le locatif, il n’y a pratiquement plus de vente».
Malgré cela, il y a plus de 40.000 logements de MRE fermés en l’absence d’un cadre juridique qui défend le propriétaire des impayés et autres mauvais comportements de certains locataires.
La gestion des résidences laisse à désirer
Si tout le monde est d’accord que le salut du secteur se trouve dans le locatif, ce dernier fait face à de nombreux problèmes. Les crédits se font à long terme et la rentabilité se situe entre 6 et 10%, à des années lumières des marges dans l’économique, mais il y a aussi des risques par rapport aux taux d’occupation et d’impayés. Il est donc fondamental, souligne le pdg du CIH, Ahmed Rahhou, de régler la problématique de paiement des loyers. Il faut aussi un rééquilibrage dans les relations locataire-propriétaire en faveur de ce dernier. S’ajoute à cela le fait que la gestion des résidences laisse à désirer. Il y a donc besoin d’améliorer le cadre législatif pour imposer le syndic et le paiement des prestations. Ce n’est que dans un cadre propice avec des services modernes et un entretien assidu que le locatif peut s’épanouir.