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Grève du 30 mars : Pourquoi les médecins sont en colère

«La dignité d’abord», clament haut et fort les médecins privés en appelant, le 30 mars,  à  une journée de grève nationale, la première du genre au Maroc. Au menu des doléances, également, la mise en place d’une assurance maladie et d’une retraite au profit des professionnels de la santé, outre la révision des tarifs de la convention collective au titre de l’AMO.

Il vaudra mieux ne pas tomber malade, au Maroc, le jeudi 30 mars. En effet, les médecins du secteur privé seront en grève ce jour-là. Ils en ont ras-le-bol et le font savoir. Après plusieurs années d’attente, ils disent avoir épuisé leur capital patience. Sachant que la médecine privée s’occupe de 57% des besoins en santé au Maroc, le débrayage prévu à la fin du mois ne devrait pas passer inaperçu. Les statistiques officielles font état d’un effectif de 10.000 médecins privés, dont près de la moitié sont spécialistes.

Cela dit, les instigateurs de ce mouvement, à savoir le Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP) et l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) rassurent sur le maintien d’un service minimum. «Nous sommes soucieux du respect de l’éthique et de la déontologie. Les services d’urgence dans les cliniques resteront opérationnels», précise docteur Afif Moulay Saïd, président du CSNMSP.

Les médecins sont décidés à profiter de cette journée pour faire entendre leur voix. Ils réclament d’abord leur «dignité» qui serait, à leurs yeux, bafouée régulièrement par plusieurs intervenants de la société et même au plus haut niveau du gouvernement. Allusion ici faite aux propos de Abdelilah Benkirane en pleine campagne électorale : «certains subissent des opérations chirurgicales sans qu’il y ait une grave nécessité», avait prononcé le SG du PJD en marge des législatives 2016. «Les brebis galeuses courent partout. Des cas d’exception se trouvent dans tous les métiers. Rien ne justifie la généralisation du comportement irresponsable de certains médecins», souligne Dr Afif.    

Médecins sans assurance
Parmi les doléances formulées par les représentants des médecins, il y en a au moins une qui paraît totalement légitime, mettant le doigt sur l’absence d’une protection sociale dans leur profession. «Nous n’avons ni couverture médicale ni assurance retraite», clament-ils haut et fort. «Nous déployons tous nos efforts à porter secours aux citoyens pour perpétuer le progrès incessant que connaît régulièrement la médecine dans notre pays, mais nous restons abusivement dans la difficulté quand, nous-mêmes et nos proches, avons besoin de soins médicaux», peut-on lire dans le communiqué conjoint du CSNMSP et de l’ANCP. Il faut dire que la solution du dossier de la couverture médicale semble très proche d’être concrétisée d’un point de vue législatif, étant donné que le texte de loi encadrant l’Assurance maladie obligatoire (AMO) des travailleurs indépendants attend juste l’approbation des élus de la première Chambre du Parlement (les conseillers de la deuxième Chambre l’ont déjà approuvé).

À travers la grève du 30 mars, les médecins privés veulent aussi attirer l’attention sur les aberrations de la couverture médicale de base au Maroc, en particulier l’AMO et les tarifs de la convention collective de 2006. Pour eux, l’AMO connaît «de grands déboires dans son inadéquation totale avec l’esprit d’une médecine de qualité». Ladite convention, ajoute-t-on, reste «figée» bien que la loi a prévu sa révision régulière tous les trois ans, alors que le citoyen continue à débourser de sa poche, en moyenne, 54% du prix des soins. Les médecins sont encore plus étonnés de voir les deux organismes gestionnaires de l’AMO, la CNOPS et la CNSS, afficher un excédent dépassant les 25 milliards de DH. «Nous ne voulons pas être le bouc émissaire de l’AMO. Nous refusons de cautionner le non-respect du juste prix au bénéfice des citoyens», prévient le président de la CSNMSP. 


AMO : Faut-il revoir les tarifs de la convention collective ?

L’ex-président de la CSNMSP, Dr Saad Agoumi, nous livre un exemple concret de ce qu’il appelle les «aberrations» de la convention collective de 2006. Suite à une enquête menée auprès de nombreux services de réanimation, se rappelle-t-il, il a été constaté qu’une journée de réanimation, respectant les normes internationales scientifiques de qualité, coûte 4.500 DH et cela, dit-il, a été validé par l’avis d’un représentant de la Banque mondiale à qui l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) avait confié la mission de relever les insuffisances de ladite convention. Or dans la pratique de l’AMO, constate Agoumi, la réanimation est définie et payée à 1.500 DH (1125 DH pour le réanimateur et 375 DH pour l’hospitalisation), soit un prix inférieur à celui d’une chambre d’hospitalisation médicale simple. «Comment va-t-on payer le reste des soins réputés très coûteux ? Comment la clinique peut-elle encaisser un surplus ne serait-ce que pour amortir l’investissement et rester dans la capacité de soigner le citoyen avec efficacité ?», s’interroge Dr Agoumi. Autre exemple, autre aberration. Dr Chenfouri Abdelilah, gynécologue à Casablanca invite à comparer entre le coût AMO d’un accouchement normal, soit 3.000 DH et celui appliqué dans les maisons d’accouchement, soit 4.000 DH, bien que celles-ci demeurent sous-équipées en comparaison avec les cliniques. Cela se passe de tout commentaire, regrette Dr Chenfouri.


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