Formation politique : Les partis interpellés sur leur mission d’encadrement

Le fossé ne cesse visiblement de se creuser entre les partis politiques et les citoyens. Les formations politiques sont appelées à assumer leur mission d’encadrement de la population. De l’avis des politiciens et des observateurs, peu de partis au Maroc jouent ce rôle fondamental.
Les partis politiques marocains accomplissent-ils leur mission d’encadrement de la société ? Il s’agit d’une prérogative dictée par la Constitution et la loi organique relative aux partis politiques mais qui n’est visiblement pas érigée en priorité par les instances décisionnelles de la plupart des partis politiques. En témoignent les résultats des dernières élections législatives qui interpellent les formations politiques sur leur capacité à mobiliser les citoyens et sur leur image écornée auprès de l’opinion publique. Politiciens et observateurs s’accordent sur le même constat: sur les 35 partis politiques que compte le Maroc, peu d’entre eux accomplissent la mission d’encadrement qui leur est dévolue constitutionnellement, juridiquement et moralement.
Le progressiste Abdellatif Ouamou estime que sur l’échiquier politique marocain, il existe uniquement quatre ou cinq formations politiques qui sont réellement structurées pour assumer la lourde tâche d’encadrement de la population à travers leurs sections et leurs activités sur le terrain. D’ailleurs, les résultats électoraux témoignent de cette réalité. Les partis politiques qui arrivent à percer sur le plan électoral sont peu nombreux. Le fossé ne cesse de se creuser entre les citoyens, notamment la jeunesse et les partis politiques sans pour autant que des actions concrètes soient entreprises pour réconcilier les jeunes avec l’action politique. Pointé du doigt, le discours des leaders politiques est appelé à être en phase avec les attentes de la société. De l’avis des observateurs, ce ne sont pas les citoyens et à leur tête les jeunes qui boudent les partis politiques, mais ce sont plutôt les politiciens qui n’essaient pas d’asseoir des ponts de communication avec la société en vue de mettre fin à une longue histoire d’incompréhension.
Aziz El Guermat, ancien député du Parti de la justice et du développement, tire la sonnette d’alarme en soulignant que le manque d’encadrement des citoyens par les partis politiques constitue un danger pour la société qui a besoin de formations partisanes crédibles. Pour améliorer l’image des partis politiques auprès de l’opinion publique, la démocratie interne doit être la règle, comme le souligne le professeur universitaire et analyste politique Miloud Belkadi. Or, les guéguerres intestines minent nombre de partis en raison de l’absence de démocratie interne, ce qui impacte leur rayonnement auprès des bases et contribue à ancrer les idées négatives dans l’esprit des citoyens sur l’échiquier politique. Cette perception est amplifiée via les réseaux sociaux.
Les partis politiques sont ainsi appelés à mobiliser tous leurs moyens dans le cadre de la mission d’encadrement qui leur incombe. À ce titre, certaines formations dont celles qui n’arrivent pas à réaliser des performances électorales brandissent la problématique du manque de ressources financières qui limiteraient leur champ d’action en matière d’organisation de rencontres avec les bases. Mais d’aucuns soulignent qu’il s’agit d’un faux problème. Certains dirigeants semblent désormais conscients de la nécessité de mener des actions de proximité pour gagner la confiance des citoyens. Le nouveau président du Rassemblement national des indépendants, Aziz Akhannouch, insistait sur l’action de terrain lors des derniers meetings régionaux tenus par son parti.
Abdellatif Ouahbi
Député et membre du bureau politique du PAM
Les résultats des élections reflètent le niveau d’encadrement des citoyens par les partis politiques. Ceux qui votent sont ceux qui sont encadrés par les partis politiques. L’encadrement politique est faible au Maroc en raison de la nature du fonctionnement des partis, du manque de démocratie interne, de l’hégémonie exercée par les mêmes personnes…Les citoyens considèrent que l’action politique est catastrophique. Il faut repenser l’action politique au Maroc. Les dirigeants doivent partir pour ouvrir la voie à une nouvelle génération».
Miloud Belkadi
Professeur universitaire et analyste politique
Tous les maux de l’échiquier politique du Maroc proviennent du manque d’encadrement par les partis politiques de leurs militants et des citoyens. Malgré les dispositions de la Constitution de 2011, le problème persiste. Trois formations uniquement jouent convenablement le rôle d’encadrement (le PJD, l’Istiqlal et la gauche unifiée). La plupart des partis politiques sont des boutiques électorales. L’État doit réviser son soutien financier aux partis politiques en se basant sur le niveau d’encadrement de la population. La force d’un parti réside dans ses militants qui sont nombreux lorsque l’égalité des chances et la démocratie interne sont instaurées».
Aziz El Guermat
Ancien député du PJD
Les partis politiques doivent disposer d’instances internes et d’organisations parallèles pour qu’ils puissent jouer leur rôle d’encadrement de la population. Peu de partis politiques au Maroc répondent à ces critères. Les formations politiques sont ainsi appelées à se restructurer et à se mettre au diapason des attentes des citoyens qui sont de plus en plus exigeants. Aujourd’hui plus que jamais, la mission d’encadrement qui incombe aux partis politiques est on ne peut plus nécessaire. Pour l’accomplir convenablement, il faut des partis crédibles et des élites politiques de qualité».
Dispositions constitutionnelles et juridiques
L’article 7 de la Constitution stipule que les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques. Ils concourent à l’expression de la volonté des électeurs et participent à l’exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l’alternance par les moyens démocratiques, dans le cadre des institutions constitutionnelles. La même orientation est reprise dans l’article 2 de la loi organique relative aux partis politiques. Les formations politiques au Maroc sont ainsi appelées à se conformer aux dispositions constitutionnelles et juridiques en assumant constamment leur mission d’encadrement de la population.