Finances publiques : Comment dépasser les contraintes de la LF 2016

Une croissance de 3% en 2016. Un chiffre plus ambitieux que l’hypothèse du HCP qui table sur 2,6%. La décompensation du sucre est un impératif, selon le ministre de l’Économie et des finances, afin d’économiser 2 MMDH et la redistribuer autrement.
C’est un Mohamed Boussaid pédagogue qui intervenait hier à Rabat au forum de la MAP. Le ministre des Finances n’ est pas allé par quatre chemins pour remettre les choses dans leur contexte, concernant la loi de Finances et d’autres sujets d’actualité. D’entrée de jeu, l’argentier du pays a expliqué que l’adoption de la Loi de Finances 2016, quinze jours avant le délai constitutionnel, est en soi une prouesse relatant la maturité du débat entre Parlement et gouvernement. C’est que les deux parties admettent désormais que la LF n’est pas une science exacte, mais basé sur des hypothèses fluctuantes comme par exemple le prix du baril.
Boussaid a affirmé dans ce sens que 80 rapports internationaux sur le prix du baril sont pris en compte. C’est aussi le cas pour l’endettement qui doit être appréhendé dans la durée et pas uniquement lors du débat budgétaire. Il y a aussi des hypothèses sur les dépenses et les ressources qui peuvent ne pas aboutir. S’ajoute à cela le fait que les besoins des départements dépassent souvent de loin les moyens disponibles. Place aux nouveautés. D’abord, le nombre des rapports accompagnant le PLF est passé de 5 à 15 documents, totalisant plus de 4.000 pages. Il s’agit notamment de nouveaux rapports ayant accompagné le PLF 2016 comme celui sur le foncier, sur les charges communes et sur la distribution régionale des investissements. Secundo, la manière d’adoption au Parlement a changé. Désormais, les députés disposent de 30 jours et les conseillers de 22 jours.
Ensuite, un délai de 6 jours est instauré pour la deuxième lecture, ainsi qu’une dizaine de jours en cas de recours au Conseil constitutionnel. Tertio, la loi de règlement doit intervenir 18 mois après la fin de l’année budgétaire en respect de la nouvelle Loi organique des finances, et non des années après. Pour Bousaid, la baisse du baril à 35 dollars reste conjoncturelle. Il ne faut donc pas s’y fier et se reposer sur ses lauriers. Le bon ministre des Finances, selon Boussaid, est celui qui agit durant la période de faste et non de crise. Au Maroc, l’on constate une amélioration des indicateurs macro dans leur ensemble. Pour la première fois depuis 2009, n’en déplaise aux alarmistes, le taux d’endettement du Trésor s’est stabilisé à 63,4% du PIB.
C’est aussi la conséquence des baisses des déficits budgétaire et commercial. En effet, le déficit commercial à fin novembre a baissé de 20% grâce à la baisse des importations de 6% et la hausse des exportations de 7%. Mais là où le bât blesse, c’est que les crédits d’investissement stagnent, ce qui est un mauvais indicateur et un phénomène auquel le gouvernement n’a pas encore trouvé d’explication. Quant à la croissance en 2015, elle se situera entre 4,7 et 5%, tandis que les réserves en devises totalisent 7 mois. Pour Boussaid, qu’il y ait déficit ou endettement, là n’est pas le danger. C’est l’amenuisement des réserves en devises qui préoccupe un gouvernement.
Pour 2016, Boussaid table sur 3% de croissance. Pour lui, il n’y a pas de différence entre 2,6%, hypothèse du HCP, et 3%, celle du gouvernement. «Il n’y a pas de rivalité avec le HCP, mais j’ai demandé à Lahlimi de me montrer comment il fait ses calculs. Je lui ai même proposé une journée d’études pour voir les expériences dans d’autres pays», ajoute le ministre. Boussaid parie aussi sur une hausse du PIB non agricole de 3,5% en 2016. La LF 2016 est, par ailleurs, assez spéciale puisqu’il a englobé la mise en œuvre de plusieurs réformes à la fois. La télédéclaration des impôts en fait partie. L’exemple du paiement de la vignette est assez éloquent puisque 64.720 paiements ont été effectués depuis le 1er janvier, permettant la non-mobilisation de 1.500 employés.
Samir : les engagements doivent être honorés !
Certes, l’État ne doit pas intervenir directement dans une affaire concernant une entreprise privée. Mais lorsque cette société est l’unique raffineur du pays dont dépendent plusieurs activités parachimiques, l’équation change. La pression exercée depuis des années sur l’État par Samir, qui brandit l’épouvantail de la sécurité d’approvisionnement en hydrocarbures, ne tient plus la route. La relation était donc tout sauf saine. Aujourd’hui, les choses ont changé. «Je demande aux responsables de la raffinerie d’honorer leur engagement d’augmenter le capital de 10 MMDH», dit Boussaid. Ensuite, l’État en tant que créancier fera ce qu’il faut pour soutenir ce fleuron national et préserver les emplois.
Retraite des parlementaires et ministres
Le débat sur les primes des fonctionnaires et les pensions des parlementaires et ministres n’est pas fini. «On remet, une fois encore sur la table, les primes des fonctionnaires. Cela suffit!», a tonné Boussaid. Pour lui, le fait que ces primes figurent aujourd’hui dans des comptes spéciaux accessibles à tout le monde devrait mettre fin à l’amalgame. Quant aux pensions des parlementaires et ministres, l’argentier du pays estime qu’il s’agit au contraire d’un bon débat. Cependant, il rappelle aussi qu’il y a des dahirs et des lois qui les régissent. En 2014, les parlementaires ont cotisé à hauteur de 28 MDH et reçu des prestations de 57 MDH avec 73 MDH de réserves. Quant à la réforme des pensions civiles (CMR), le ministre a expliqué que les déficits cumulés en 2016 totaliseront 8,6 MMDH, ce qui est intenable. La réforme est donc une obligation qui sera accompagnée par une hausse des pensions minimums de 500 DH pour passer de 1.000 DH à 1.500 DH. Quant aux veuves, elles ont déposé 62.000 demandes d’indemnisation dont 45.000 approuvées à aujourd’hui.