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Entre gloire et galère

Ahmed Amrani, consultant juridique spécialisé dans le droit du sport chez Artémis

Contrats non signés, salaires et primes impayés, transactions concernant le sportif négociées à son insu… les droits des sportifs professionnels sont souvent bafoués.  Ce qui met en péril tout le sport national.

Les Inspirations ÉCO: La gouvernance du secteur sportif est réglementée par la loi 30-10 relative à l’éducation physique. Elle prévoit une série d’obligations pour assurer une bonne gestion financière. Seulement, il y a encore des dysfonctionnements, notamment en matière de droits des sportifs. Pouvez-vous nous éclairer sur ce volet ?
Ahmed Amrani : La loi 30-09 relative à l’éducation physique et aux sports a instauré un cadre associatif pour la pratique et l’exploitation des activités sportives. Les associations constituent donc la plateforme du tissu sportif et sont soumises, pour leur fonctionnement, à des principes directeurs qui prônent les règles de la démocratie, de la transparence et de l’équité homme/femme quant à l’accès aux organes de direction. Les sportifs, qui constituent les acteurs de référence dans ce paysage, doivent être protégés à travers la conclusion d’un contrat sportif, dont les éléments de référence se trouvent actés dans un modèle-type. Le schéma de ce contrat-type s’inspire en partie des recommandations des instances fédérales internationales comme la FIFA, et a pour vocation de protéger les droits du sportif professionnel. Sur le terrain, la réalité est toutefois autre, puisque les associations sportives tardent à migrer culturellement vers ce schéma de professionnalisation, et cela impacte négativement, en premier lieu, la situation des droits des sportifs. Les fédérations marocaines, qui sont les organes de tutelle, doivent avec le concours des pouvoirs publics intervenir pour contraindre les associations et les clubs à se conformer aux dispositions de la loi. Il y a un retard considérable dans ce domaine, et cela a des retombées négatives sur l’évolution du sport en général.

Estimez-vous que les sportifs sont, aujourd’hui, assez protégés ?
Les sportifs peinent à sortir de leur statut d’amateur pour évoluer dans un cadre professionnel qui leur assurent épanouissement et évolution de carrière. Le football, sport phare et populaire, essaie avec la volonté des instances fédérales de sortir du lot, mais il y a une bulle de résistance chez une bonne partie des dirigeants qui retardent le mouvement. L’on assiste dans ce cas et de manière fréquente à des situations conflictuelles entre des sportifs et leurs clubs sur des droits élémentaires bafoués (contrats non signés, salaires et primes impayés, transactions concernant le sportif négociées à son insu etc…). Le cadre légal de base en vigueur, bien qu’il soit d’orientation protectionniste des sportifs, reste insuffisant et doit être renforcé par des mesures concrètes et réelles visant à la fois l’évolution de carrière du sportif et celle de sa vie personnelle.

De nombreux sportifs, après leur retraite sportive, se retrouvent dans la précarité la plus totale. Comment prévenir cette situation ?
Cela est malheureusement vrai. Mis à part quelques sportifs qui se sont distingués dans des disciplines au nombre limité (football, athlétisme…) et ayant souvent évolué à l’international, la quasi-majorité des sportifs découvre à la fin de sa carrière, qui du reste demeure très courte, une réalité amère quant à sa situation matérielle. Dans la mesure où le sportif est soumis au Code du travail, il devra être éligible au régime de retraite de la CNSS et bénéficier de l’AMO au titre de la couverture de l’assurance maladie. Néanmoins, compte tenu de la particularité de la carrière professionnelle d’un sportif, marquée par une limitation dans la durée et, généralement, un revenu limité et aléatoire, il faudra envisager la possibilité de les faire bénéficier d’un régime ad hoc financé par des ressources dédiées (recettes des matchs, pourcentage sur les droits de diffusion, etc.).

Les clubs et les fédérations sportives sont-ils aussi responsables de la paupérisation des sportifs ?
Dans la mesure où les premiers sont les employeurs des sportifs et les secondes censées veiller à l’application de la loi, oui. Comme évoqué précédemment, en l’absence d’une culture de management du sport à l’instar de ce qui se pratique en entreprise, l’on assiste à des situations qui portent préjudice au sport au Maroc qui se retrouve ainsi incapable de produire des éléments capables d’ériger le royaume parmi l’élite. La motivation du sportif et son bien-être matériel et social font cruellement défaut chez la classe dirigeante, accaparée par une vision court-termiste et une gestion au jour le jour.

Avez-vous une idée sur le nombre de sportifs professionnels au Maroc ?
Il est difficile d’avancer un chiffre crédible, et cela est dû, encore une fois, à un manque de visibilité en matière de management du sport au Maroc. Les fédérations royales des différentes disciplines, censées être les mieux informées sur le nombre des licenciés de leurs clubs adhérents, ne le communiquent pas.

Le sportif est soumis au Code du travail mais est pénalisé par la saisonnalité de son activité. N’est-ce pas illogique ?
Non, c’est une spécificité de son activité qui explique ce «dilemme», mais cela n’est pas propre au Maroc. Dans d’autres systèmes, on a pu imaginer un cadre adéquat pour dépasser cette situation. Comme dans tous les secteurs d’activités, on doit créer suffisamment de synergies pour assurer aux sportifs une attractivité qui permet de retenir les éléments les plus performants et les plus compétitifs, tant sur le plan national qu’international, car le sport est aujourd’hui une activité dynamique et remarquable dans l’écosystème global.



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