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El Guermaï défend l’industrie «Made in Morocco»

Abdelghani El Guermaï : PDG des Laboratoires GALENICA

Le PDG des Laboratoires GALENICA n’y va pas par quatre chemins pour défendre les intérêts des fabricants marocains de l’industrie pharmaceutique. Dans cette interview, celui qui est également fondateur de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP), revient sur l’état du secteur et parle des projets de développement de son laboratoire.

Les Inspirations ÉCO: Vous êtes le fondateur et président des Laboratoires pharmaceutiques GALENICA. Pouvez-vous nous parler de son histoire?
Abdelghani El Guermaï : J’ai eu le plaisir et l’opportunité de créer les Laboratoires pharmaceutiques GALENICA en 1978, et c’était la première du genre au Maroc. En effet, c’était la première entreprise pharmaceutique qui allait démarrer son existence en n’exploitant que les médicaments issus de son propre développement et en les fabriquant dans ses propres ateliers. Ceci, avant même que le terme de générique existe, et sachant qu’à cette époque, presque tous les médicaments mis sur le marché étaient soit importés, soit fabriqués sous licence, c’est-à-dire d’origine étrangère. C’était un challenge pour moi, mais c’était d’abord une indépendance et une reconnaissance du savoir-faire «Made in Morocco». Dès le départ, avec mon équipe qui ne comptait que 5 personnes, nous avons décidé de suivre une feuille de route basée sur le respect des valeurs et des critères de l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui, notre effectif est de 500 personnes. GALENICA produit 150 médicaments couvrant les pathologies les plus courantes dans notre pays: infectiologie, gastro-entérologie, diabète, cardiologie, anti-inflammatoires, antalgiques, vitamines.

GALENICA étant parmi les premiers génériqueurs marocains. Comment se porte actuellement le médicament générique au Maroc?
Le générique a énormément contribué à rendre le médicament plus accessible et a permis à nos autorités de réduire très sensiblement la facture des approvisionnements hospitaliers. Cependant, je regrette qu’il n’y ait toujours pas assez de politique nationale volontariste pour développer davantage le générique au Maroc. Actuellement, dans le secteur privé, le générique ne représente que 35%, alors qu’aux USA et dans plusieurs pays européens, il représente 70 à 80%. Ce constat est encore moins acceptable lorsque l’on sait que le pouvoir d’achat du Marocain est très faible, et que la couverture médicale ne dépasse pas 40% de la population et avec une grande disparité.

Peut-on dire malgré tout qu’il y a trop de génériques au Maroc?
Il faut signaler un handicap de plus en plus accru et qui risque même d’impacter l’évolution de l’industrie pharmaceutique nationale. Pour un marché toujours restreint d’à peine 10 MMDH (équivalent au marché de Marseille), on peut dire qu’il y a déjà trop de génériques, et cette tendance ne fait qu’augmenter sans aucun apport significatif et justifié. Je me réjouis que le ministère de la Santé puisse régler concrètement cette problématique qui ne fait que compliquer la situation à plusieurs niveaux: administrations, industriels, médecins, pharmaciens et patients. Sinon, le générique finira par tuer le générique!

Certains estiment que les génériqueurs ne respectent pas le code de l’éthique et de la distribution. Que répondez-vous à cela?
Vous faites certainement allusion aux propos de Monsieur Hubert de Ruty, nouveau président de l’association des multinationales LEEM/ex-MIS (les Entreprises du médicament du Maroc). Je ne vais pas créer de polémique inutile, mais certains points méritent d’être éclaircis. D’abord, toutes les multinationales n’ont pas quitté l’AMIP, et nombreuses parmi elles sont également des génériqueurs. D’ailleurs, c’est avec les premiers représentants de ces mêmes firmes que l’industrie pharmaceutique marocaine a été bâtie, et selon une volonté et une passion communes. Tous ces collègues avaient aussi le respect du Maroc et de ses traditions, et c’est également avec eux que l’AMIP a été créé. Cela dit, les entreprises nationales du secteur contribuent à 80% de la recette fiscale, alors que les multinationales, avec 65% de part du marché et des prix élevés, ne dépassent pas 20%! J’estime que personne n’a de leçon à nous donner, et je reste convaincu que ce ne sont certainement pas les multinationales présentes au Maroc, qui n’ont pas toujours joui d’une bonne réputation.

Certains de vos confrères expriment leur mécontentement vis-à-vis de la Direction de la pharmacie. Quelle est votre opinion à ce sujet, et sur le secteur d’une manière générale?
C’est une question vaste et délicate. Personnellement, je trouve qu’il s’agit d’une situation complexe, où chaque partie doit prendre sa part de responsabilité, et il faut rester objectif et constructif. Je pense personnellement, et sans prétendre donner de conseils ou de solutions miracles, que certains points sont essentiels: d’abord, que les industriels soient unis et présentent leurs revendications et leur conduite d’une manière collégiale, crédible et sans divergence, dans l’intérêt général: intérêt de notre pays, de notre industrie et du patient. Ensuite, que la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) puisse disposer d’une organisation plus efficace, plus étoffée et plus motivée. La DMP est tenue d’appliquer les accords convenus et de permettre une visibilité réelle aussi bien aux industriels qu’à sa propre administration, ce qui nécessite plus de moyens humains et matériels. Enfin, un dernier et nouveau élément: le secteur de la pharmacie n’a jamais été politisé comme il l’est actuellement, et je pense que la politique et la science ne peuvent faire bon ménage!

Comment expliquez-vous le départ de certains laboratoires de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique, dont vous êtes le fondateur?
Je regrette effectivement ce constat car ce n’est dans l’intérêt de personne, ni l’Administration, ni le pharmacien, ni le médecin, ni le patient lui-même. Néanmoins, avec 30 membres, tous des établissements pharmaceutiques industriels, l’AMIP continue à représenter toutes les tendances et à jouer son rôle de fédérateur. Ceci étant, les 3 associations agissent en concertation au sujet des grandes questions de la profession et dans un esprit confraternel en attendant une réunification de tous les laboratoires.

On ne peut parler de la pharmacie sans parler du décret sur la baisse des prix des médicaments du 2014. Quel en a été l’impact sur votre secteur, et qu’en pensez-vous?
D’abord, il faut savoir qu’il ne s’agit pas d’un décret concernant exclusivement la baisse des prix des médicaments, mais plutôt d’un décret fixant un nouveau mode de calcul de prix au sujet duquel le ministère de la Santé et les professionnels des médicaments discutaient depuis plusieurs années. Effectivement, près de 1.000 produits ont vu leur prix diminuer et très fortement dans certains cas (surtout les princeps), mais sans qu’aucune des autres mesures d’accompagnement prévues ne soit appliquée. Vous comprendrez aisément que l’impact qui a touché toutes les formations du secteur, et particulièrement les industriels, devient de plus en plus insupportable économiquement. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’on prévoyait, le marché pharmaceutique n’a absolument pas évolué. Une telle situation risque de devenir un frein pour le développement de l’industrie pharmaceutique si les mesures annoncées ne sont pas prises concrètement.

Vous avez toujours été un fervent défenseur du RAMED alors que les résultats escomptés sont loin d’être atteints, quel est votre sentiment à ce sujet ?
Il faut souligner d’abord qu’il s’agit d’un projet Royal, le seul à mon avis qui puisse subvenir aux besoins des plus démunis économiquement. Ce n’est ni la baisse des prix, ni l’AMO. En effet les résultats espérés n’y sont pas encore tous et je pense qu’il s’agit d’un programme complexe où plusieurs administrations sont impliquées. De plus les besoins en matériels humains, techniques et logistiques sont très importants et difficiles à maîtriser en peu de temps. Néanmoins nous constatons que des progrès sensibles ont déjà été réalisés particulièrement dans le traitement des pathologies lourdes. Je pense également que l’intervention du secteur privé, pharmaciens, grossistes et médecins sera nécessaire pour la réussite de ce programme absolument salutaire et indispensable.»


 

Stratégie. GALENICA met le turbo sur l’international

Les Laboratoires GALENICA disposent d’une nouvelle usine d’une superficie de 23.000 m². Sa capacité annuelle est de 25 millions d’unités en un seul «shift» et elle peut atteindre les 50 millions. Sur les 250 laboratoires représentés au Maroc, GALENICA est classée, selon l’IMS, au 5e rang. Depuis 1980, soit deux ans après sa création, GALENICA s’est intéressée à développer ses activités à l’international. En 1982, le laboratoire a commencé ses exportations d’abord en Afrique et surtout en Algérie, et en Libye, puis en Iraq et en Arabie saoudite. «Nous comptons renforcer nos activités à l’international, en augmentant notre part de marché dans les pays où nous sommes déjà présents, et en ouvrant de nouveaux marchés à potentiel plus important», indique Abdelghani El Guermaï. Pour le développement proprement dit, sans abandonner les produits dits «courants», le centre R&D GALENICA s’est orienté vers les produits concernant «les pathologies lourdes et chroniques». Le président promet de mettre bientôt sur le marché «plusieurs produits intéressant l’oncologie, la cardiologie et le système nerveux central». Pour Abdelghani El Guermaï, ce savoir-faire désormais reconnu n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un partenariat intelligent avec «l’État, les industriels, les médecins, et bien sûr les ressources humaines de qualité dont dispose GALENICA».


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