Diplomatie : La nouvelle carte du royaume
Le Conseil des ministres, qui s’est tenu le samedi dernier à Laâyoune, a procédé à une série de nominations d’ambassadeurs. L’ampleur des nominations ainsi que le choix des profils, notamment pour certaines capitales et institutions, témoignent d’une forte volonté de reconfiguration de la carte diplomatique du Maroc.
C’est un nouveau vent de changement qui souffle pour la diplomatie marocaine. À l’initiative du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, le roi a procédé, samedi dernier, à l’occasion du conseil des ministres, qui s’est tenu à Laâyoune, à une série de nominations d’ambassadeurs. Ces nominations qui interviennent au même moment où le souverain a procédé à un léger remaniement technique de l’équipe gouvernementale avec la désignation d’un ministre délégué aux Affaires étrangères, témoignent d’une nouvelle reconfiguration de la carte diplomatique du Maroc. La liste des nouveaux ambassadeurs n’est pas encore publiée mais les premiers noms dont la confirmation a été faite par les intéressés, laissent transparaître une force volonté d’insuffler une nouvelle dynamique à la diplomatie marocaine. C’est une trentaine de postes qui sont concernés, ce qui constitue un des mouvements diplomatiques les plus importants de l’histoire du pays. De même, ces nouveaux postes répartis un peu partout dans les différentes zones diplomatiques du monde (USA, Europe, Asie, Amérique latine) tendent à confirmer la mutation en cours avec le redéploiement de certains ambassadeurs dont l’expérience est confirmée au vu de leur parcours, mais aussi la promotion de hauts cadres du département des Affaires étrangères ainsi que la nomination de nouveaux diplomates, issus notamment du monde politique.
Nouveaux enjeux diplomatiques
En clair, donc, c’est une nouvelle carte diplomatique du Maroc qui se dessine et dont les nouveaux visages devront être bientôt connus. La nomination de nouveaux ambassadeurs était annoncée, depuis quelques temps, mais l’ampleur des changements a surpris plus d’un et a éclipsé les autres décisions tout aussi importantes, adoptées lors du même Conseil des ministres. Il est vrai que ces dernières années, les défis sont d’un nouvel ordre pour le Maroc sur le plan diplomatique, ce qui a justifié certainement un bouleversement de la carte diplomatique d’une telle ampleur. Les prochaines années promettent également de nouveaux enjeux pour le Maroc sur le plan international avec l’organisation d’événements majeurs (comme la COP22 en novembre prochain à Marrakech) mais aussi d’un positionnement plus stratégique du pays auprès de plusieurs organisations internationales et régionales. Le royaume joue, en effet, un rôle de plus en plus important dans la résolution de crise et la prise en compte de certains défis d’ordre géopolitique, comme la lutte contre le terrorisme, la sécurité transfrontalière et la résolution des conflits dans le monde. Cependant, c’est surtout sur le plan interne que les nouveaux diplomates sont attendus avec une promotion de l’image du pays pour que son rayonnement à l’international soit à la hauteur des ambitions du pays. Aussi, grâce à la politique d’ouverture du pays, l’action diplomatique du pays est appelée à se renforcer davantage notamment en matière économique pour que le positionnement stratégique et les choix géopolitiques du pays, profitent à l’économie nationale. La reconfiguration de la carte diplomatique du Maroc s’inscrit ainsi dans ce sens et justifie le recours à ces profils diversifiés parmi lesquels on compte plusieurs femmes et de jeunes ambassadeurs.
Nasser Bourita
Ministre délégué des Affaires étrangères et de la coopération
C’est une promotion méritée pour Nasser Bourita, diplomate et SG du même ministère depuis 2011 et qui vient d’intégrer le cabinet d’Abdelilah Benkirane. En cette année électorale où le ministre titulaire, Salaheddine Mezouar, et sa ministre délégué, M’Barka Bouaida, devront se consacrer à leurs activités partisanes, la nomination de Bourita vient à point nommé car c’est fin connaisseur des dossiers stratégiques du Maroc. Né en 1969 à Taounate, il a obtenu une licence en relations internationales à la faculté de droit de Rabat , un Certificat d’études supérieures en Relations internationales puis un D.E.S. en droit international public. En 2002, il a occupé le poste de chef du service des Organes principaux des Nations-unies, avant d’être nommé Conseiller à la Mission du Maroc auprès des Communautés européennes à Bruxelles jusqu’en 2003. De décembre 2003 à 2006, il a été chef de la division de l’Organisation des Nations-Unies et entre 2006-2009, il a été nommé directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au sein du ministère. Ensuite, Bourita a assumé successivement les fonctions de chef de Cabinet du ministère des Affaires étrangères et d’ambassadeur, DG des Relations multilatérales et de la Coopération globale. En 2011, il a été nommé SG du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, poste qu’il occupait jusqu’à sa nomination.
Les premiers noms de la liste
À l’heure où nous mettions sous presse, la liste des nouveaux diplomates nommés n’avait pas encore été rendu publique, mais plusieurs noms circulaient déjà. En attendant d’être reçu par le roi et la publication du dahir de nomination, certains des concernés ont confirmé leurs nominations. Il s’agit par exemple, de l’ancien ministre de l’Industrie et du commerce, Ahmed Reda Chami, qui est nommé nouvel ambassadeur du Maroc auprès de l’Union Européenne. L’actuel député de l’USFP entame donc une nouvelle carrière dans le monde diplomatique après le monde des affaires et la politique. Sa nomination intervient au moment où les relations Maroc-UE traversent une mauvaise passe, ce qui a plombé la finalisation du processus de négociation pour la conclusion d’un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Fort de son expérience puisqu’il a activement participé par le passé, à la conclusion d’autres accords avec l’UE, Ahmed Réda Chami aura la lourde responsabilité de redonner du souffle aux relations entre le Maroc et l’UE, en droite ligne avec le positionnement du royaume dans ce dossier. Parmi les noms qui ont été, également, confirmés, celui de Lalla Joumala, qui a été nommée ambassadrice à Washington. La diplomate chevronnée quitte donc Londres, forte d’un bilan, à tout point de vue, satisfaisant au vu de l’état actuel des relations entre le Maroc et la Grande-Bretagne. C’est l’actuel président de l’Instance nationale de prévention de la corruption (INPC), Abdeslam Aboudrar, qui la remplacerait à Londres, alors que Rachad Bouhlal, l’ambassadeur du Maroc aux États-Unis, serait nommé à Tokyo. À Bruxelles, c’est l’ancien ministre et militant de l’USFP, Mohamed Ameur, qui est annoncé, alors que la militante associative et membre de la direction du PAM, Khadija Rouissi, occuperait le poste d’ambassadrice du royaume au Danemark. Selon les mêmes informations, qui sont en attente de confirmation officielle, plusieurs cadres du département des Affaires étrangères ont été promus. Il s’agit, entre autres, de Nabil Dgoughi, Azzedine Farhan, et Amine Belhaj. De même, le jeune député du PJD, Reda Benkhaldoun aurait été nommé ambassadeur au Koweït, Wadie Benabdellah en Indonésie. Karim Medrek serait le nouvel ambassadeur du Maroc, en Australie, Mohammed El Maliki en Inde, Samir Aarour en Chine. Enfin, toujours parmi les premiers noms qui circulent, Samir Dahr devrait être en poste au Portugal et Abderrahim Kadmiri à Sainte Lucie.