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Cumul de fonctions. Le cas Baraka-Bakkoury

Il y a un sujet qui, curieusement, ne suscite pas de débat au sein de la société au Maroc. C’est celui du cumul de hautes fonctions, créant souvent des situations de conflit d’intérêt. Lors de la première édition de l’université d’été de la CGEM, la question a été posée à Mustapha Bakkoury et Nizar Baraka sous son angle de gestion du temps mais son côté éthique est plus édifiant. Décryptage.

«On prend les mêmes, et on recommence». Une phrase qui revient fréquemment dans les salons huppés de Casablanca et Rabat. «Les diverses hautes responsabilités sont réparties dans une sphère fermée composée d’une centaine de personnalités», renchérissent d’autres voix, avec amertume. Dans quelle mesure cette thèse est-elle vraie ou fausse? En tout cas, certains exemples méritent d’être étudiés afin de montrer à quel point l’exercice de certaines fonctions nécessite une neutralité avec des profils apolitiques afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

Bakkoury, tout près du soleil
Mi-septembre 2015, Mustapha Bakkoury est élu, contre toute attente, président du Conseil régional Casablanca-Settat. Il devient alors président de la plus importante région au Maroc alors qu’il est secrétaire général de la première formation de l’opposition, le Parti Authenticité et Modernité (PAM). En même temps, l’homme est président du directoire de Masen, agence publique sous l’autorité du chef de gouvernement, en charge de la gestion de l’énergie solaire. Il pilote donc le plus grand projet solaire au monde. Plantons le décor. Pendant plusieurs mois, nous avons eu droit à un Bakkoury travaillant, de lundi à vendredi, avec le gouvernement sur le dossier crucial du solaire. Un dossier supervisé directement par le roi Mohammed VI, mais dont la mise en œuvre est du domaine du gouvernement. Curieusement, les week-ends, Bakkoury se transformait en farouche opposant de ce chef de gouvernement, celui-là même qui est son supérieur hiérarchique dans ses fonctions à Masen ! Une flagrante incohérence qui persiste même après que Bakkoury a quitté le secrétariat général du PAM, parti dans lequel il siège toujours. En revanche, on ne peut pas lui reprocher le poste de président de région car, faut-il le rappeler, il a été élu par une communauté fermée de «grands» électeurs. Cependant, l’éthique aurait voulu que Bakkoury ait fait le choix entre les casquettes politiques et la présidence de Masen.

Baraka, juge et partie
Au lendemain de la sortie du gouvernement de l’Istiqlal alors mené par un certain Hamid Chabat, Nizar Baraka fut nommé, en 2014, président de l’influent Conseil économique, social et environnemental (CESE). Personne ne  conteste cette décision, vu les compétences du personnage. Sauf que trois années plus tard, en 2017, la donne allait changer. Baraka est élu à la tête du parti de l’Istiqlal, ayant les rangs de l’opposition. Et l’on tombe dans la même configuration de Mustapha Bakkoury. Baraka est le président du CESE de lundi à vendredi et l’opposant en chef les week-ends. Sauf que le cas de Baraka est encore plus flagrant. Le patron du CESE, de par ses fonctions, a accès aux informations économiques et sociales les plus confidentielles et est au fait des projections gouvernementales stratégiques. N’est-ce pas là une situation surréaliste où Baraka est juge et partie. Il n’y a qu’à voir le traitement journalistique de l’organe de presse du parti de l’Istiqlal, Al-Alam. Un traitement certes professionnel mais   en porte-à-faux avec la nature de la fonction de Baraka. Par ailleurs, le discours politique de ce dernier mérite d’être décrypté car il fonde sa structure souvent sur les conclusions des rapports du CESE.  Puisque le Maroc duplique souvent l’expérience française. Imaginons Jean-Paul Delevoye, président du CESE français et ancien député et ministre du parti des Républicains, organiser des meetings en faveur de sa formation politique pour fustiger les partis au pouvoir comme le PS sous Hollande ou le mouvement En Marche de Macron. Impensable.

Question d’éthique
«Les Inspirations ÉCO» a fait réagir Mustapha Sehimi, politologue, sur cette question. Il affirme clairement qu’aucun texte n’interdit ce cumul de fonctions mais il ajoute «que pour des raisons de bonne gouvernance, de déontologie et d’éthique politique, il faut épargner ce genre d’amalgame aux citoyens». Dans le même registre, Sehimi nous déclare que «ces zones grises de la politique n’aident pas à mettre en place de bonnes pratiques et nous empêchent donc d’avancer. Les parlementaires doivent proposer un texte de loi à même de bannir cette problématique, il faut qu’ils prennent leurs responsabilités». Par ailleurs, le cas de Ahmed Lahlimi est un bon exemple en la matière. L’homme était un membre puissant et influent au sein de l’USFP et quand il a été nommé à la tête du HCP en 2003, il a mis en veille ses activités partisanes. Lahlimi n’a jamais fait de déclarations politiques et en dépit de certains clashs avec des ministres et des gouvernements, l’homme ne s’est  jamais emmêlé les pinceaux. À trois années des élections législatives, notre pays, État et partis, a besoin de clarifier le jeu politique afin de regagner la confiance des électeurs. C’est une lueur d’espoir ô combien importante.


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