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Crise de la croissance : L’État appelé à la barre

En dépit des résultats atteints, la stratégie de transformation structurelle de l’économie nationale n’a pas engendré les résultats escomptés alors qu’apparaissent de nouveaux défis socioéconomiques. Pour faire face à la situation, les spécialistes plaident pour une intervention de l’Etat afin de renforcer la dynamique de la croissance. 

Comme en 2012, au moment du passage de témoin entre le gouvernement sortant d’Abass El Fassi et celui de Benkirane, l’exercice 2016, qui coïncide également avec la fin du mandat de l’actuel cabinet, va être largement consacré aux débats sur la situation économique du pays. Il y a cinq ans, la situation économique était telle que le gouvernement n’avait aucun autre choix que d’appliquer comme programme le rééquilibrage macroéconomique de l’économie nationale, dont les indicateurs étaient passés dans le rouge. À la suite du début de la mise en œuvre de certaines réformes structurelles, la situation s’était progressivement améliorée comme l’illustre aujourd’hui la résorption des déficits jumeaux. Toutefois, les projections de croissance pour cette année sont venues apporter une douche froide à cet optimisme ambiant, qui s’appuyait sur «la résilience de l’économie marocaine», un dada que le ministre de l’Économie et des finances ainsi que les partenaires internationaux du gouvernement aiment à ressasser dans leurs appréciations de la dynamique économique nationale. Avec une croissance attendue de 1% et qui peut encore être sujette à révision, les prochains mois dépendront de l’évolution de la situation agricole sur les prochaines semaines alors que des inquiétudes commencent à se manifester.

Des signes qui inquiètent
Au-delà de l’impact de la campagne agricole, c’est surtout l’amplitude de la décélération qui alerte sur les signes d’une «crise de croissance» que vit le Maroc. Autrement dit, le modèle de croissance mis en œuvre à partir des années 2000 et qui se fonde sur «une forte volonté politique et un effort significatif en matière d’investissement public», semble s’essouffler. La question de l’investissement illustre bien cette conjoncture. Selon Jean Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque mondiale pour la région MENA : «Les pays qui sont capables d’atteindre 30% de leur PIB en termes de taux d’investissement, sont capables d’atteindre une croissance moyenne de 7 à 8%». Le Maroc s’est relativement situé dans cette fourchette, comme en témoignent les déclarations du gouvernement de ces dernières années où l’effort d’investissement était mis en avant comme étant la preuve par les faits de l’effort soutenu de l’État.

Malheureusement, le taux de croissance espéré n’a jamais été atteint et la contribution des autres composantes du PIB, qui auraient pu compenser la baisse du PIB agricole, n’ont pas permis d’atténuer les conséquences de la mauvaise pluviométrie sur la croissance économique du pays. Pour Chauffour donc : «Il y a un maillon qui manque». L’économiste estime que pour le cas du Maroc, un rattrapage économique passe nécessairement par un gain de productivité et pas forcément par l’intensification des investissements. Par amélioration du gain de productivité, il faut entendre une transformation structurelle de l’économie comme le veut la stratégie mise en œuvre par l’État. Sauf que selon lui : «Au Maroc, elle est encore très lente». Il faudrait donc la renforcer et surtout accélérer le processus, ce qui interpelle directement le gouvernement.

Paradoxes
Cette situation qui concerne l’impact de l’investissement n’est qu’un aspect de la crise actuelle de croissance que connaît le Maroc et que les économistes appréhendent comme révélatrice de signes d’essoufflement du modèle de développement en cours. L’autre fait que montre aussi le mauvais cru de cette année, c’est l’effet d’entraînement non encore significatif des industries émergentes au Maroc sur la croissance. Il faudrait donc réfléchir à des inflexions au modèle, en plus des mesures prioritaires à mettre en œuvre pour atténuer, à court terme, les effets de la crise.

Par rapport au paradoxe que révèle le taux d’investissement relativement élevé du pays pour une croissance faible, l’économiste Jaidi Larbi fait remarquer que «le lien entre investissement public et investissement privé n’est pas assez optimisé, ce qui devrait interpeller sur le rôle du secteur privé dans la dynamique de croissance». C’est aussi ce qu’estime le HCP, qui s’est inquiété du relâchement constaté dans l’effort d’investissement, lequel est descendu sous la barre des 30% cette année. Au-delà des inquiétudes de l’heure, les analystes s’accordent sur le fait que l’État est appelé à agir de toute urgence afin d’anticiper sur les risques que peut générer cette situation à moyen et long termes. Le moment est plus que jamais propice surtout que grâce à la mise en œuvre des réformes qui ont fait consensus dès 2012, le gouvernement s’est constitué des marges de manœuvre assez significatives. Il reste à en optimiser l’affectation et c’est là où le gouvernement est particulièrement attendu, même si à son tour, il devrait refiler un pack de réformes au prochain cabinet. 

Jean-Pierre Chauffour
économiste en chef de la Banque mondiale pour la Région MENA

«Il faudrait prendre du recul et analyser le modèle de développement du Maroc afin d’atténuer les effets de la crise. Les problématiques sont diverses, et il faudrait s’interroger si le modèle est en train de s’essouffler à travers ces signes, mais aussi s’il faudrait des inflexions aux différentes stratégies mises en place».

Larbi Jaidi
économiste et professeur à l’Université Mohammed V de Rabat

«Les réformes sont encore nécessaires; cependant, elles ne doivent pas s’arrêter à l’adoption des lois et autres textes réglementaires, mais à leur mise en œuvre effective, leur appropriation par les acteurs et surtout le suivi-évaluation de la part des responsables habilités».



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