Coopératives : Les femmes du terroir ont du mérite
Loin des lumières, les coopératives représentent pour les femmes une opportunité de s’épanouir et de gagner leur vie. En dehors des défis entrepreneuriaux, la plupart des membres font face aux forces contraires de la société.
Elles ne font jamais la Une des journaux, et pourtant, leurs histoires méritent d’être non seulement narrées mais décortiquées et mises en exergue. Ce sont les femmes du terroir marocain. Loin du brouhaha des grandes métropoles, elles mènent une lutte acharnée pour trouver une place au soleil. Souvent, elles sont acculées, par la force des choses, à sortir de l’ornière de la vie de la campagne, ou des petites villes, et à braver un environnement hostile. Dans certains cas, elles sont instruites et aisées et l’adversité ne leur cisaille pas pour autant les gambilles. En tout cas, elles montrent, toutes, une détermination et une assurance que leur envieraient leurs sœurs métropolitaines.
Entre conservatisme et réticences
Itto Ben Idder, présidente de l’Association Toudert pour le développement de la femme à Ouarzazate, est un cas à part. Militante amazighe, elle a pris l’initiative de constituer cette association où plus d’une vingtaine de femmes de la ville sont actives. Esprit militantiste oblige, elle dénonce une certaine rigidité de la société qui exerce un contrôle sur la femme et l’empêche de s’épanouir en dehors du foyer. «C’est un grand problème. Bien qu’elles aient besoin de travailler, et que leur travail produit de la valeur, elles ne sont pas vues d’un bon œil. Ce conservatisme est une barrière qui empêche les femmes de se réaliser pleinement», a-t-elle souligné. De toutes les manières, le succès des activités de l’association, qui se spécialise dans les habits traditionnels, a poussé Ben Idder à lancer une coopérative, un cadre organisationnel plus adapté aux activités marchandes que le cadre associatif. Et une preuve de succès. Ce poids que les membres de Toudert endurent, d’autres femmes le subissent également. C’est le cas d’une autre coopérative agricole dans le fief des Ait Merghad, région de Tinghir. Sous couvert d’anonymat, la présidente nous a exposé un problème représentatif des innombrables handicaps auxquels les femmes du Maroc d’en bas font face. Ayant défié son village pour former une coopérative, elle s’est retrouvée isolée de sa communauté, y compris son propre fils aîné. «Mon mari travaille loin du village et s’absente en permanence. Je ne peux pas continuer à dépendre de lui. Elle a fallu donc que j’affronte la société pour travailler», a-t-elle déclaré. Et elle se dit capable de relever le défi. «J’ai été formée, mais la plupart de mes collègues ne le sont pas. C’est un grand manque. Nous ne pouvons pas nous déplacer toujours pour assister aux formations organisées par les autorités. Il faut que les formations soient organisées dans les villages», a-t-elle martelé.
Autre coopérative, autre environnement
Des membres de la Coopérative Alijtihad Alfilahi de Tizagaghine, dans les alentours de Tinejdad, disent ne pas avoir aucun souci du genre. Au contraire, deux hommes du Ksar ont rejoint la coopérative afin de se charger des travaux physiques. Quant à elles, les femmes de cette coopérative se chargent, entre autres, de l’emballage des amandes et des noix et de l’embouteillage du miel, quelques uns des produits que la coopérative commercialise. Si certaines femmes doivent compter sur leurs familles ou sur d’autres sources de revenu, le travail au sein des coopératives leur permet de s’accomplir. C’est ce que déclare Mbarka Chlouk, présidente de la Coopérative professionnelle Couscous Taidalt, dans la région de Guelmim. Ayant choisi de se spécialiser dans la semoule bio de couscous, la coopérative Taidalt fait également appel à la gent masculine pour effectuer certaines tâches physiques ardues. «Nous sommes, en revanche, très contentes de notre coopérative malgré ces difficultés», tient-elle à préciser. Le cas de Hassania, présidente de la Coopérative Corosa de Ouarzazate est particulier. Licenciée en biologie, elle a suivi une formation en France et a même importé des chèvres alpines, réputées très productives. Dans la coopérative qu’elle préside, spécialisée uniquement dans la production de fromage de chèvres, les femmes membres bénéficient d’une formation technique qu’elle leur fournit en personne. «Nous sommes très contentes de notre rendement d’autant plus, certaines femmes de notre coopérative n’ont pas d’autres sources de revenu. Le travail leur permet de vivre de manière digne», a-t-elle précisé. Ayant bénéficié au départ de subventions étatiques, elle continue à en faire profiter sa communauté de Tassoumaâte à Ouarzazate.
La commercialisation, le grand défi
C’est le souci de toutes les coopératives. Ne pouvant pas dépendre uniquement des salons et des foires pour écouler leurs marchandises, les responsables tentent de trouver le plus de débouchés possibles à leurs produits. Ayant rejoint la coopérative de Tizagaghine, Aicha, jeune fille du Ksar, dit avoir même exploré la voie des réseaux sociaux pour développer la notoriété de sa coopérative et vendre ses produits. Ce sang neuf est, sans aucun doute, un moyen de commercialisation efficace et une manière de faire sortir les régions reculées des oubliettes. Le fond du problème.