Code de la mutualité : Les médecins du privé gagnent la bataille
Le projet de loi 109.12 portant code de la mutualité vient d’être adopté à la majorité des députés de la commission des secteurs sociaux sans l’amendement phare des conseillers. Désormais, le nouveau texte impose une nette séparation entre les métiers d’assureurs et de prestataires de services de soins des mutuelles.
Les professionnels de la santé crient victoire. Mercredi dernier, en commission des secteurs sociaux, le projet de loi 109.12 portant Code de la mutualité a été voté à la majorité. Mais tel que présenté initialement par le gouvernement. C’est à dire sans les amendements apportés aux articles 2 et 138 par les syndicats représentés à la Chambre des conseillers. Il y a à peine une semaine, les médecins du privé et chirurgiens dentistes battaient le pavé devant le parlement contre justement cet amendement de la deuxième Chambre. Lequel amendement donne le droit aux mutuelles de faire à la fois leur métier d’assureurs et de prodiguer des soins et des médicaments à leurs adhérents. Ce n’est plus possible avec ce retournement de situation qui ne permet plus ce cumul. Une fois la loi votée en plénière, probablement mardi ou mercredi prochains, et publiée au Bulletin officiel, la trentaine de mutuelles existantes doivent s’y conformer au risque d’être sanctionnées.
Le changement attendu concerne directement plus de 1,5 millions d’adhérents et 4,5 millions de Marocains si l’on compte leurs membres de familles. Il faut dire que cela fait des années, abstraction faite du code de la mutualité, que l’article 44 du code de l’AMO interdit aux mutuelles d’être à la fois assureurs et prestataires de soins. À titre d’illustration, la CNSS demandait tous les deux ans une prorogation spéciale pour continuer à combiner entre son rôle d’assureur et de prestataire de soins à travers ses cliniques. Cela fait aussi des années que les mutuelles, prenant exemple sur le modèle français, créent des associations qui elles se chargent des soins et des médicaments. Mais, selon Mustapha Ibrahimi, député PJD et vice-président de la commission des secteurs sociaux, l’on retrouve presque le même staff dirigeant à la mutuelle qu’à l’association. C’est donc une séparation de forme pour se conformer plus ou moins à la loi.
Ce sont généralement des syndicalistes qui dirigent les mutuelles et ce sont ces mêmes syndicalistes qui ont amendé le projet de code de la mutualité pour pérenniser cette dualité entre deux métiers assureurs et prestataires de soins. D’autant plus qu’un avis du Conseil économique et social conforta les mutuelles dans leur quête de maintenir le statu quo. Seule la CNOPS a faussé compagnie aux mutuelles en fermant sa pharmacie et en quittant toute activité de soin de santé pour se concentrer sur son métier de base à savoir l’assurance. Pour Ibrahimi, les mutuelles s’accrochaient mordicus aux prestations de santé pour pouvoir proposer toujours à leurs adhérents le soin le moins cher ou parfois non-indiqué pour faire baisser la facture des remboursements.
En effet, en tant qu’assurances, les mutuelles chercheraient toujours à rationaliser leurs dépenses, ce qui va à l’encontre de la qualité des soins. «Peut-on imaginer un prix de consultations pour des soins dentaires à 20 DH ?», s’interroge Ibrahimi et de nombreux députés de la majorité comme de l’Istiqlal qui, de leur place à l’opposition, n’ont pas hésité à voter pour le code en commission, mercredi dernier. S’ajoute à cela le fait que les professionnels de la santé se disent lésés. Car les mutuelles sont exonérées d’impôts alors que les médecins du privés sont imposables.
Dans cette course vers la rationalisation et/ou le profit plusieurs mutuelles se sont essoufflées. C’est le cas de celle de l’ONCF qui, accumulant les déficits, a finalement jeté son dévolu sur la CNOPS. La mutuelle de l’OCP est dans le même schéma, sauf que le vieillissement de sa population a poussé la CNOPS à exiger un ticket d’entrée.
Problème de gouvernance
Enfin, certaines mutuelles se débattent dans des problèmes de gouvernance exacerbés justement par cette situation de conflit d’intérêts. L’exemple de la MGPAP est le plus célèbre. Pour Larbi Habchi, membre du bureau centrale de la FDT, il faut améliorer la gouvernance du secteur à travers des audits et des contrôles financiers réguliers et qu’il s’intègre enfin dans le système de santé nationale et ne plus faire cavalier seul. Notons aussi que la commission des secteurs sociaux avait demandé trois commissions d’information concernant la MGPAP, la mutuelle des enseignants et celle de la poste qui sont les trois plus importantes en nombre d’adhérents.