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«Ce gouvernement a jeté son programme électoral à la poubelle !»

Nabila Mounib : Secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU)

La secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) ne fait pas dans la dentelle pour livrer son évaluation du mandat de l’actuel gouvernement. Mounib présente également le projet de société que propose la gauche marocaine à l’horizon des prochaines élections législatives.

Les Inspirations ÉCO : Quelle évaluation faites-vous du travail  de ce gouvernement ?
Nabila Mounib : L’évaluation du travail effectué par un gouvernement est primordiale. Cette démarche est d’autant plus cruciale au sein des démocraties où l’évaluation est liée à la reddition. Le bilan de ce gouvernement se révèle de lui-même si on compare les résultats obtenus à la fin de ce mandat avec le programme annoncé par l’actuel Exécutif en 2012. L’actuel gouvernement avait déclaré qu’il baisserait le niveau de pauvreté de 10 à 8% de la population, il n’a pas pu le faire. Il avait déclaré qu’il œuvrerait pour une baisse du chômage, il n’a pas tenu sa promesse. Il a déclaré aux Marocains qu’il contrôlerait le niveau de la dette extérieure publique du Maroc, ce qui n’a pas été fait. Au contraire, la dette a atteint plus de 80% du PIB national et, si on ajoute les crédits des ménages, on atteindra facilement 136% du PIB national. Ce gouvernement s’était engagé à veiller à l’application de plusieurs réformes, nous n’avons rien vu ! La première de ses réformes inadaptées, celle de la retraite qui demande aux fonctionnaires de donner plus pour recevoir moins. Nous avons vu, également, ce gouvernement proposer un projet de loi qui limite les libertés individuelles. En somme, on peut dire que, plus encore que le conservatisme, ce gouvernement est venu avec un projet réactionnaire. Le travail de ce gouvernement a négligé les apports de la Constitution de 2011. Cette Constitution a été reconnue progressiste par rapport à d’autres textes antérieurs, notamment celui de 1996, est le fruit de la dynamique populaire apportée par le Mouvement du 20 février. Certains éléments de ce gouvernement n’ont pas soutenu ce mouvement à l’époque, mais ont néanmoins bénéficié des fruits de cette dynamique, en se retrouvant notamment dans l’équipe gouvernementale.

Les urnes ont toutefois accordé à cette équipe gouvernementale les commandes du gouvernement…
Ce gouvernement n’a pas exploité les acquis de cette étape. Au contraire, il s’est normalisé avec l’autoritarisme et a fermé les yeux sur la dilapidation des deniers publics Le gouvernement est responsable de la gestion de l’intérêt public, mais il s’est révélé incapable de combattre la corruption. Dans cet ordre d’idées, je souhaite clarifier un détail : on ne peut pas évaluer ce gouvernement par les grands projets, tels que les stations de l’énergie renouvelable, l’initiative de développement humain (INDH). Par contre, ce gouvernement est responsable de décomposition de la Caisse de Compensation.

Justement, la réforme de la Caisse de Compensation a pu économiser 40 MMDH à la trésorerie publique. Alors qu’on payait plus de 57MMDH aujourd’hui on est à 15MMDH dont la majorité va à la Caisse de solidarité sociale. N’est-ce pas là un acquis majeur ?
Il est, certes, vrai que la Caisse de Compensation absorbait plus de 50MMDH de la trésorerie mais, il faut dire que 20 milliards allait vers la couche la plus aisée de la société. Or, en principe, la Caisse de Compensation est censée aider les démunis. Sachez que l’argent récupéré n’a pas atterri dans la Caisse de solidarité sociale. Aujourd’hui, par exemple, nos échanges avec les familles marocaines montrent clairement que quand on a un père, une mère ou un grand-père. Il faut le prendre en charge. La Caisse de solidarité sociale est une illusion. Ce gouvernement s’est engagé à octroyer une mensualité aux veuves, mais il a oubliés les veufs, ces hommes abandonnés sans argent ni famille…

Toutefois, aucun gouvernement avant celui là n’avait pensé à soutenir les veuves…
Ce sont des décisions sans perspectives, motivées par les calculs électoraux. L’objectif de ces décisions n’est pas d’atteindre cette justice sociale bâtie sur l’État social, garant de la scolarité, l’éducation, la santé, le logement adéquat… On casse l’école publique et on annonce, d’autre part, distribuer des aides dans le but de gagner un matelas électoral. La réforme de la Caisse de Compensation n’a pas bénéficié aux 10 millions de Marocains qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Les gens souffrent sous le joug du chômage qui a atteint les 40% dans les grandes villes marocaines. Ce que le gouvernement a proposé pour la réforme de la Caisse de Compensation est du bricolage.

En décidant d’activer cette réforme, le gouvernement a joué avec le feu. Il aurait pu choisir la facilité et ne pas risquer sa popularité. Idem la réforme de la Caisse de retraite. Etes-vous contre la réforme elle-même ou la manière dont elle a été gérée ?
Ce que ce gouvernement a entrepris n’est pas un exploit. Le Maroc a eu des gouvernements meilleurs que celui-là, tel celui d’Abderrahmane Al Youssefi qui a ouvert le champ des libertés et a obtenu de grands acquis pour la femme marocaine. Cela, sans oublier la mise en place de la Commission de vérité et de réconciliation. Même si on n’a pas pu activer l’ensemble des recommandations de cette Commission, cela reste néanmoins une initiative historique. Pour sa part, ce gouvernement a bloqué le dialogue social. Ce gouvernement a appliqué aux Marocains, les instructions des institutions internationales, dont il est un bon élève. Aujourd’hui on va obliger les Marocains à travailler toute leur vie, à payer plus, pour encaisser moins à leur départ à la retraite… s’ils sont encore en vie.

Le champ politique est aujourd’hui animé par deux pôles, le PAM et le PJD en l’occurrence, que ce soit dans les médias ou l’opinion publique. Où vous situez-vous de ce cadre ?
Nous sommes à l’œuvre depuis la dépendance du Maroc. Les militants de la gauche marocaine ont payé cher leurs positions et leur engagement pour plus de démocratie et de liberté. Pour revenir à ces pôles politiques dont vous parlez, ils n’existent pas à mon sens. Ces pôles n’existent que dans l’imaginaire de celui qui veut que le Maroc reste dans l’injustice et la corruption. Les Marocains sont face à un dilemme : accepter un parti qui annonce qu’il est contre une vraie réforme de la société et qui opte pour l’obscurantisme et l’autoritarisme ou se jeter dans les bras d’un nouveau-né fort, grand et gros. Le parti qui dirige la majorité n’a jamais parlé de la monarchie parlementaire et de la séparation des pouvoirs. Et l’autre, le PAM, quelles sont ses origines ?… Le jeu est truqué.

Quelles alternatives proposez-vous ?
Nous voulons simplement que les Marocains bénéficient mieux des richesses du pays. Nous voulons combattre l’immigration des compétences. Nous voulons assurer un bon climat d’investissement pour les opérateurs marocains. Il faut, dans ce cadre, mettre en place les soubresauts d’un État de droit au vrai sens du terme. Nous sommes tous unanimes sur l’apport de la monarchie pour le Maroc. Dans ce sens, à l’image des pays comme la Suède ou le Danemark, nous voulons une réelle séparation des pouvoirs avec un système de monarchie parlementaire. Il faut avoir un gouvernement qui exerce pleinement ses pouvoirs pour qu’il puisse, in fine, rendre compte de ses actions. L’actuel gouvernement a jeté son programme électoral à la poubelle.

Quelle est votre feuille de route pour les prochaines élections et quelles sont alliances possibles pour le PSU ?
Nos sommes des gens honnêtes. En 1997, j’étais candidate et avec mon doctorat je n’ai pas pu gagner face à un candidat qui n’a même pas dépassé le niveau du primaire et dont la moralité est douteuse. Aujourd’hui encore, on ne peut que s’allier à des hommes politiques honnêtes qui travaillent pour l’intérêt du pays et qui sont vraiment indépendants. 


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