Bilan économique : La moitié pleine du verre
Bilan Gouvernemental «3»
Bilan économique : La moitié pleine du verre
Avec un taux de croissance de 2% attendu cette année, le gouvernement aura fort à faire pour défendre son bilan économique. En effet, ce dernier avait annoncé, en 2012, un PIB de 6 à 7 %.
C’est ce qu’il conviendrait de considérer comme le cheveu dans la soupe et constituera certainement le talon d’Achille du bilan économique de l’Exécutif. Avec un taux de croissance attendu cette année à hauteur de 2%, selon les prévisions les plus optimistes, le gouvernement aura fort à faire pour défendre son bilan économique. Cela d’autant plus qu’à sa prise de fonction en 2012, le chef du gouvernement s’était engagé à hisser le rythme de progression du PIB à hauteur de 6 ou 7% durant son mandat. Cette année, il faudrait peut-être le rappeler pour mieux apprécier la situation actuelle, la santé économique du Maroc était tellement critique qu’il a fallu recourir au FMI puis à deux emprunts sur le marché international (2012 et 2013) et par la suite à des ajustements budgétaires (2013) afin de contenir la dégradation de la situation économique.
À l’heure du bilan, force est de reconnaître que l’Exécutif est loin du compte puisque la croissance moyenne, sur la période allant de 2012 à 2016, ne sera que de 3,7%. À la décharge du gouvernement pourtant se trouvent une conjoncture économique internationale atone depuis la prise de fonction de Benkirane ainsi qu’une dégradation inquiétante de la santé économique du pays, avec des équilibres macroéconomiques dans le rouge à sa prise de fonction. Cette décélération de la croissance, laquelle a d’ailleurs suivi une évolution en dents de scie durant les cinq dernières années, n’est pourtant que la tâche sombre la plus visible de l’actif gouvernemental puisqu’elle cache des résultats positifs à bien des égards surtout sur le plan de l’assainissement des équilibres macroéconomiques du Maroc. C’est en tout cas ce que laisse transparaître la comparaison entre l’état de la situation économique du pays en 2012 et la bonne mine qu’elle affiche en cette fin de mandat.
Le moins que l’on puisse dire et que confirment les indicateurs, c’est que l’économie marocaine a su faire preuve d’une certaine résilience ces dernières années, grâce notamment à la mise en œuvre d’une série de réformes qui bénéficient aujourd’hui du satisfecit des principales institutions financières internationales ainsi que des grandes agences de notation. Les critiques ne manquent pas, certes, notamment pour ce qui est de la timidité dans la mise en œuvre de certaines réformes, mais cela ne saurait occulter la dynamique nouvelle sur laquelle s’arriment désormais les perspectives économiques nationales, portées par une stratégie de transformation structurelle qui met le cap sur l’industrialisation et l’export.
Satisfecit gouvernemental
À l’heure du bilan, le gouvernement n’a pas manqué de compiler les données relatives à l’évolution de la situation économique du Maroc sur la durée de son mandat. L’initiative qui a donné lieu à la publication d’un rapport par le porte-parole du gouvernement et dont nous avions déjà fait écho (voir leseco.ma) a particulièrement mis l’accent sur l’amélioration significative des indicateurs macro-économiques et la résilience de l’économie nationale malgré des chocs tant internes qu’externes.
Par la même occasion et pour se justifier par rapport à certaines insuffisances, le rapport-bilan du gouvernement fait cas de certains vents défavorables qui ont contrarié les ambitions de l’Exécutif. «Sur le plan interne, l’économie a subi trois années de sécheresse avec une détérioration des indicateurs macro-économiques et sur le plan externe, notre environnement proche a connu de grandes instabilités et des hausses des prix des matières premières durant les années 2012 et 2013», pouvait-on lire dans le document publié, il y a quelques semaines, par le ministère de la Communication. En matière de finances publiques, le gouvernement Benkirane ne manque d’ailleurs pas d’arguments pour vanter ses efforts en matière de réduction du déficit budgétaire. «En 2012, le déficit budgétaire était de 7,7%, chaque point équivalant à 9 MMDH, soit environ 70 MMDH.
Nous avons baissé le déficit à 3,3% avec une baisse de 4 points, soit près de 36 MMDH, ce qui équivaut à environ 3 fois le budget du ministère de la Santé», expliquait à juste titre le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, lors d’une sortie publique devant la jeunesse de son parti ; un évènement qui s’est tenu au début du présent mois d’août. Des chiffres donc mais aussi des lettres puisqu’en la matière, le chef du gouvernement a rappelé à son équipe qu’il s’agit là «d’acquis pour le pays qu’il faudrait apprécier à leur juste valeur en cette année électorale et donc de fin de mandat».
Faible impact
Le gouvernement aurait-il pu mieux faire en matière économique ? C’est, à en croire certaines analyses, une possibilité au vu des marges de manœuvre dont il a pu bénéficier parallèlement aux vents défavorables qui assombrissent les perspectives. Le HCP note par exemple que le gouvernement aurait pu tirer un meilleur profit en articulant efficacement la politique monétaire et budgétaire en matière de soutien à la croissance.
D’autres avis, comme le CMC, s’inscrivent dans le même sens en avançant le fait qu’en dépit des mesures prises par le gouvernement, l’activité économique reste toujours atone et s’accompagne d’une perte de confiance des opérateurs. À cet effet, le mémorandum adressé au chef du gouvernement, en mai dernier, par la Banque centrale (BAM), le Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM) et le patronat (CGEM), a constitué une douche froide pour l’Exécutif au vu des insuffisances qu’il a relevées sur la politique du gouvernement. «La promotion de la croissance nécessite des mesures plus dynamiques et un dosage adéquat de politiques monétaire et budgétaire», a ainsi estimé le CMC dans sa dernière revue de conjoncture mensuelle, qui coïncide justement avec l’heure du bilan gouvernemental.
Il s’agit là d’aspects qui participent à tempérer le bilan positif que met en avant le gouvernement, lesquels démontrent, à leur manière, le faible impact des mesures prises par l’Exécutif. En plus de l’atonie des activités économiques, une crise du financement marquée par une faiblesse dans l’octroi de crédits dans un contexte de surliquidités bancaires constitue une des preuves des plus palpables même si d’autres facteurs convergent à expliquer ce véritable paradoxe. D’autre part, certains économistes insistent sur le fait que l’amélioration de la situation économique du pays n’a pas encore eu l’effet escompté sur les autres indicateurs plus explicites en matière d’appréciation d’un bilan.
C’est le cas de l’amélioration des réserves internationales ou de l’économie réalisée par le Trésor public à la suite de la mise en œuvre de la réforme du système de subvention publique, laquelle a été renforcée par une baisse sensible des prix des matières premières à l’international. Autant d’arguments qui contrastent avec l’optimisme ambiant du gouvernement mais qui permettent de disposer d’une vue d’ensemble pour qu’au final, le bilan économique de l’Exécutif n’échappe pas à l’appréciation traditionnelle en la matière ; celle du verre à moitié vide ou à moitié plein. C’est selon les angles serait-on tenté de conclure mais sous d’autres cieux et comparé à l’état de santé économique du pays au début du mandat, il y a de réels motifs de satisfaction même s’il serait prudent de ne pas pavoiser outre mesure. Dans un cas comme dans l’autre, les électeurs sauront apprécier surtout en ces temps où, plus que par le passé, l’économie ravit la vedette dans les programmes politiques des différents partis.
Benkirane à l’heure du bilan
En attendant le début de la campagne électorale pour apprécier véritablement le bilan que dressera de lui-même le chef du gouvernement, c’est aux travers des différentes sorties médiatiques, partisanes comme institutionnelles, qu’on peut déceler comment Benkirane juge son mandat sur le plan économique. Et pour ce faire, rien de plus illustratif que des déclarations dégainées ça et là, même si celles-ci donnent une certaine lecture du bilan gouvernemental du premier chef du gouvernement de l’histoire politique du Maroc. Il faudrait remettre, question de prudence, les choses dans leur contexte en faisant remarquer que même si la situation économique était déjà critique à la prise de fonction de Benkirane, son gouvernement était attendu sur bien d’autres plans que celui-là. Chemin faisant pourtant, l’Exécutif s’est accommodé du contexte et a même fait de la relance économique l’une de ses priorités.
C’est ce qui permet aujourd’hui à Benkirane de rappeler, à l’occasion, qu’en 2012, l’année de sa prise de fonction, le gouvernement s’est retrouvé face à trois défis majeurs. Il s’agit de «la conjoncture économique difficile et critique à cause de la récession économique des partenaires du Maroc, la poursuite de la hausse et de la volatilité des prix des matières premières, avec à leur tête les hydrocarbures, l’endettement de l’État vis-à-vis du secteur privé en général et des sociétés de carburant en particulier, qui ont à elles seules totalisé plus de 21 MMDH d’arriérés».
Selon Benkirane, le gouvernement s’est également retrouvé face à des «déséquilibres macro-économiques profonds et dangereux», citant, entre autres, une grande détérioration des finances publiques et du compte extérieur, avec un déficit de 7,3% du PIB, tandis que le déficit des opérations courantes a atteint 9,7% du PIB. À cela sont venus s’ajouter des engagements sociaux lourds et coûteux dans le cadre de l’accord du 26 avril 2011, signé par le précédent gouvernement, dont l’actuel Exécutif a mobilisé les ressources financières nécessaires à hauteur de plus de 13 MMDH par an. C’est donc sur l’assainissement budgétaire qu’ont porté les mesures prises par le gouvernement et qui ont permis à l’économie nationale d’afficher aujourd’hui une santé plus reluisante avec, en toile de fond, des perspectives plus prometteuses ainsi qu’une feuille de route pour les prochaines années.
Mohamed Boussaïd
Ministre de l’Economie et des finances de 2013 à ce jour
(Interview accordée aux «Inspirations Éco», le 28 octobre 2015.
Le gouvernement a abattu un travail colossal en matière de redressement des équilibres macroéconomiques. Les efforts déployés dans ce cadre ont permis d’amortir les grands chocs auxquels avait fait face l’économie nationale et de mettre le cap sur de nouveaux moteurs de croissance. La baisse de la part de l’agriculture dans le PIB, qui est passée de 15,4% à 12,7%, ainsi que la hausse de la part de l’industrie d’ici 2020 à 23% sont parmi les indicateurs qui ne trompent pas sur le changement de la structure de l’économie marocaine».
Nizar Baraka
Ministre de l’Économie et des finances
2012-2013 (Interview accordée aux «Inspirations Éco» le 26 janvier 2013.
L’année 2012 a été assez particulière, avec les répercussions de la conjoncture économique internationale et un mauvais début de campagne agricole en raison de la sécheresse. Le plus important est qu’il y ait eu cette prise de conscience que le Maroc a un véritable potentiel et une fenêtre d’opportunités à l’international qu’il faut absolument saisir. C’est également le cas pour ce qui est de la nécessité de rétablir les équilibres fondamentaux pour améliorer notre attractivité et garder l’indépendance de la décision économique de notre pays».
L’héritage
C’est le chef du gouvernement qui l’affirmait, il y a quelques semaines devant les parlementaires et à quelques mois de rendre le tablier. «Le pays ne s’est pas encore complètement remis des répercussions de la crise économique et financière qu’il a traversée et qui a impacté les grands équilibres macro-économiques», a reconnu Benkirane, soulignant que malgré les efforts déployés par le gouvernement pour remédier à cette situation et ayant permis de réduire le déficit budgétaire de 7,3% du PIB en 2012 à 3,5% actuellement, «les efforts doivent être poursuivis pour maîtriser les dépenses publiques et améliorer la compétitivité et l’attractivité de l’économie nationale». En somme, ce sont un bilan résumé mais aussi des perspectives pour les prochaines années qui lieront certainement, au moins à court terme, la prochaine équipe gouvernementale. L’héritage est donc assez conséquent au vu de ce qui reste à faire et des attentes, et il est bien moins lourd que celui de 2011 qui a été légué à l’actuel cabinet.
Merci aux partenaires financiers
Le gouvernement peut pavoiser par rapport à certains résultats enregistrés sur le plan économique notamment en matière d’assainissement budgétaire. En partie, il faudrait le reconnaître, grâce à la bienveillance des partenaires financiers internationaux au premier rang desquels se trouvent le FMI, la Banque mondiale et la BAD. En mettant à la disposition du Maroc une ligne de précaution et de liquidité (LPL), le FMI a permis au gouvernement de mettre en œuvre certaines réformes qui se sont traduites par l’amélioration significative des indicateurs macroéconomiques. De même, cette couverture, qui a été depuis renouvelé à trois reprises, a permis au royaume de solliciter régulièrement le marché international à des conditions relativement avantageuses tout en offrant une sorte de garantie aux investisseurs. De leur côté, la BAD comme la Banque mondiale ont appuyé la politique gouvernementale à travers des appuis budgétaires conséquents ainsi que des programmes ayant permis au gouvernement d’atteindre certains objectifs de soutien à l’économie nationale à travers différentes lignes de crédits, de prêts et de dons. Ces partenaires de premier plan ont été rejoints par d’autres institutions bilatérales ou multilatérales comme la BERD ou l’Union européenne ainsi que d’autres organismes de moindre envergure, mais dont la contribution a été un soutien inestimable au gouvernement dans sa politique d’assainissement puis de relance économique.