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Bilan des 120 premiers jours du gouvernement : El Othmani dit tout

Saâd-Eddine El Othmani, Chef du gouvernement

Le chef de l’Exécutif, Saâd-Eddine El Othmani, défend avec conviction le bilan de son équipe durant les 120 premiers jours du gouvernement, dans une interview accordée aux Inspirations ÉCO. Tout en définissant les priorités, il balaie du revers de la main bon nombre de critiques acerbes adressées au gouvernement quant à plusieurs points: la lenteur du rythme de son action, son choix de continuité, sa gestion du mouvement de contestations du Rif, le manque de convergence entre les départements ministériels… En somme, El Othmani se veut rassurant, en dépit de la conjoncture difficile, tant politique que sociale, ayant marqué le démarrage de son gouvernement.

Les Inspirations ÉCO : Ne pensez-vous pas que cette rentrée politique est placée sous le signe d’un ancien bilan puisque plusieurs mesures activées, surtout sur le plan législatif, ont été prises par le précédent gouvernement ?
Saâd-Eddine El Othmani : Il ne s’agit pas d’un ancien bilan. Il est important d’éclairer l’opinion publique sur ce point. Je tiens tout d’abord à dire que la majorité a été reconduite et élargie. Ce gouvernement s’inscrit donc dans une certaine continuité par rapport au précédent, bien que cela n’empêche pas des améliorations et de nouvelles approches de mise en œuvre des réformes. C’est tout à fait normal pour le gouvernement d’activer certaines réformes juridiques importantes, notamment les textes venant décliner la Constitution de 2011. D’autre part, et pour en rester aux seuls textes juridiques, le Conseil de gouvernement a adopté durant cette période 9 nouveaux projets de textes de loi et approuvé plus de 60 décrets, ce qui témoigne du dynamisme de son action, notamment sur des sujets importants pour le citoyen, comme la réforme de l’administration et la régionalisation avancée.

Votre gouvernement a été très attendu sur plusieurs dossiers au cours de ses 100 premiers jours, dont le dialogue social, qui n’a pas encore été lancé. Que répondez-vous à la critique ayant trait à la lenteur de votre rythme d’action ?
Au contraire, le gouvernement, bien qu’il ait pris ses fonctions dans une conjoncture difficile, a atteint sa vitesse de croisière. Il a mis en place un processus de concertation et d’écoute avec les acteurs politiques et économiques, les partenaires économiques et sociaux ainsi que la société civile. Son ambition a été de mettre en œuvre, sans tarder, les grands chantiers prévus par le programme du gouvernement et ayant un fort impact sur la vie du citoyen, notamment la simplification de l’administration et la déconcentration administrative, la réforme éducative, la dynamisation de l’emploi et l’appui à l’investissement et à la compétitivité des entreprises. Nous avons ainsi tenu 7 commissions interministérielles importantes et quatre Conseils d’administration et comité de pilotage d’établissements publics en 4 mois, qui ont permis d’accélérer la dynamique de convergence des politiques publiques et d’adopter par exemple les orientations de la Stratégie nationale pour l’emploi. De même, nous avons mis en œuvre une nouvelle approche en termes de gouvernance pour suivre les grands chantiers et grands projets, à l’instar du programme «Manarat Al Moutawassit» à Al Hoceima que nous suivons régulièrement. Nous avons également organisé plusieurs séminaires gouvernementaux et réunions d’arbitrage sur de grands chantiers de réforme. Le rythme d’action est ainsi élevé, même s’il peut toujours être amélioré.

Comment qualifiez-vous votre bilan au cours du premier trimestre, surtout que vous êtes très critiqué en la matière par différentes parties ?
Le bilan des 120 premiers jours démontre que le gouvernement tient ses priorités et qu’il est sur la voie de la concrétisation, de manière progressive, de ses objectifs. N’oublions pas que le mandat s’étale sur une durée de 5 ans. Il y a encore beaucoup de choses à réaliser et nos citoyens ont beaucoup d’aspirations, ce qui est légitime. Notre objectif primordial est de les servir et d’être à la hauteur de leurs attentes. Après quatre mois d’action, le bilan s’est distingué par la réalisation de plusieurs mesures à forte valeur ajoutée pour le citoyen. Je cite à titre d’exemple deux sujets importants. D’abord, la simplification administrative et la réforme de l’administration: nous avons, durant cette période, mis en marche la stratégie nationale de lutte contre la corruption et adopté son cadre institutionnel. Nous avons également mis en place le numéro vert 3737 d’orientation administrative pour les citoyens et agi pour faciliter les opérations de «copie conforme» qui pesaient sur le quotidien de nos concitoyens. Nous avons aussi mis en place un système unifié pour la gestion des plaintes des usagers dans la perspective de lancer un portail national unifié en janvier 2018. Ce sont là autant de mesures qui s’inscrivent dans une vision de réforme que porte le gouvernement sur 5 ans. Ensuite, en matière sociale, nous savons que l’éducation est la première des priorités, comme je l’ai rappelé au dernier Conseil de gouvernement. C’est ainsi que, tout en accélérant la procédure d’élaboration de la loi-cadre sur la réforme du secteur, le gouvernement s’est mobilisé pour réduire l’encombrement scolaire, en recrutant plus de 23.000 enseignants contractuels. Une opération importante de mise à niveau a également concerné des milliers d’établissements. Aussi, dans le cadre de la poursuite du programme «Tayssir», le gouvernement a agi pour alléger le coût supporté par les bénéficiaires, en commençant dès ce mois de septembre à rembourser le passif des années 2015 et 2016. De plus, nous avons pu élargir le système de bourse aux étudiants et apprentis de la formation professionnelle, qui sont souvent en situation sociale précaire et ont ainsi besoin d’un soutien moral et financier.

Sur le plan économique et financier, quelle est la valeur ajoutée de votre gouvernement? Et comment justifiez-vous la tergiversation en matière de flexibilité du dirham ?
Le gouvernement considère le renforcement du tissu des entreprises nationales (notamment les TPE-PME), l’appui à l’investissement privé, notamment en instaurant la confiance et en améliorant le climat des affaires, la dynamisation de l’emploi et l’émergence du secteur industriel comme ses priorités dans le domaine économique. Dès son entrée en vigueur, le gouvernement a adopté et confirmé, dans le projet de loi de Finances 2017, certaines mesures prévues par le projet de réforme de la charte d’investissements comme l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour les nouvelles entreprises industrielles pendant 5 ans ou la création d’un fonds pour l’innovation industrielle doté de 500 MDH. Afin de dynamiser l’emploi, nous avons assuré l’ouverture de plus de 50.000 postes statutaires et contractuels dans la fonction publique dans le cadre de la loi de Finances 2017. Nous avons également prévu de revoir les contrats d’apprentissages pour permettre un accès plus large aux jeunes sans emploi. D’autres mesures interviendront dans le cadre du prochain projet de loi de Finances. Néanmoins, la question de l’emploi nécessite une vision globale et un rôle majeur qui incombent également au secteur privé. Il s’agit de répondre à la problématique de l’employabilité qui est en partie liée à notre système éducatif. Ainsi, nous avons adopté les principes de la Stratégie nationale pour l’emploi que nous comptons mettre en œuvre et qui permettra d’agir selon une logique de complémentarité entre les départements concernés et les partenaires économiques et sociaux. Notre deuxième grande priorité est de poursuivre notre stratégie d’appui au renforcement des entreprises, notamment nos entreprises industrielles, qui doivent être à mon sens, à travers leur investissement, innovation et création d’emplois, des leviers importants de croissance et de développement. Ainsi, d’importantes mesures économiques et financières devraient être adoptées à l’occasion du projet de loi de Finances pour l’année 2018, pour appuyer les entreprises, renforcer leur potentiel concurrentiel et faciliter leur capacité à investir et à embaucher. Aussi, la réforme profonde des systèmes de protection sociale, que nous comptons poursuivre à travers les réformes des retraites, de la compensation et des couvertures médicale et sociale vise à mieux cibler nos concitoyens les plus vulnérables. Nous sommes confiants quant au fait que, si ces populations sont mieux intégrées dans les circuits de création de richesse et de redistribution, cela sera bénéfique pour la croissance et le développement du pays tout entier.

Le début de l’action gouvernementale a été marqué par des tensions sociales. Ne pensez-vous pas que le gouvernement n’a pas su gérer le dossier du mouvement de contestation d’Al Hoceima, aussi bien sur le plan sécuritaire qu’en matière de rythme d’action ?
Au-delà des aspects relatifs à la sécurité qui sont bien entendus importants tant dans la perspective de garantir les droits fondamentaux des citoyens que du maintien de l’ordre public, l’épisode d’Al Hoceima doit conduire le gouvernement à repenser la gouvernance des politiques publiques, à savoir la manière dont elles sont conçues et élaborées, mises en œuvre et exécutées, suivies et évaluées. Il s’agit également d’instaurer un réel dialogue avec les populations dont les aspirations sont souvent légitimes et bien fondées. Nous avons aujourd’hui mis en place un système de suivi rapproché des programmes du type «Manarat Al Moutawassit». Le rythme de réalisation s’est accéléré depuis le printemps. Les objectifs d’engagement et de réalisation ont été atteints voire dépassés pour de nombreux projets. À titre d’exemple, les projets gérés par l’Agence du Nord ont fait l’objet de plus de 220 appels d’offres depuis le printemps et près de 2 MMDH engagés, ce qui constitue un résultat plus élevé que les projections à cette date. Par ailleurs, la question n’est pas simplement d’accumuler les réalisations, mais également de les mettre en marche et d’impliquer la population dans leur conception en amont et dans leur mise en oeuvre en aval. Cela implique un dialogue et une écoute attentive de la population et de ses besoins ainsi que l’adoption de nouvelles méthodes de travail à la fois plus rigoureuses et plus participatives. C’est là l’un des enseignements majeurs de l’épisode d’Al Hoceima. Dans le même esprit, et pour la première fois, le chef de gouvernement a inauguré un cycle de visites dans les régions du royaume pour s’enquérir de la situation économique et sociale et de l’état d’avancement des projets de développement qui y sont prévus. Une première visite à Béni Mellal-Khénifra a eu lieu en juillet, et sera suivie par une deuxième visite dans la région de Drâa-Tafilalet dans les prochaines semaines. L’objectif est de couvrir, durant les prochains mois, toutes les régions afin d’opérer un suivi rapproché des programmes de développement prévus.

L’accouchement au forceps du gouvernement et les informations qui circulent sur le manque de cohésion entre ses composantes n’ont-elles pas déteint sur l’action gouvernementale, accusée d’être encore marquée par une gestion en «silo» malgré la volonté d’atteindre la convergence entre les différents départements ?
Justement, s’il y a bien quelque chose que nous nous efforçons de changer, c’est cela. Ce gouvernement donne une priorité majeure à ce chantier et a prévu des mécanismes pour précisément infléchir cette tendance à la gestion en «silo» et assurer effectivement la coordination des politiques publiques. Nous avons en effet décidé dès le début d’instaurer un certain nombre de mécanismes au sein de la présidence du gouvernement, par exemple chargées d’améliorer la coordination des politiques publiques et notamment d’assurer le suivi de la mise en œuvre du programme du gouvernement. Par ailleurs, nous nous sommes engagés à concrétiser le chantier de l’évaluation des politiques publiques, pour rendre ces dernières plus transparentes et mettre en œuvre le principe de reddition des comptes. Nous avons augmenté le rythme de tenue des commissions interministérielles et nous tenons régulièrement des séminaires gouvernementaux sur des sujets transverses comme le programme du gouvernement, les bilans d’étapes ou les grandes questions d’actualité. Mais le plus important est que nous ayons réussi à mettre en place des réunions régulières de la majorité, ce qui assure ainsi en amont un appui au gouvernement.

Le gouvernement a-t-il révisé ses priorités après le discours royal? Quels sont les dossiers prioritaires pour les prochains mois ?
Dès le lendemain du discours royal, le gouvernement s’est attaché à travailler pour y répondre avec rigueur et célérité. Nous avons annoncé un plan d’action et nous avons commencé à le mettre en œuvre. Nous nous sommes engagés à entamer la réflexion sur le nouveau rôle des centres régionaux d’investissement. De même, nous avons adopté une stratégie et une série de décrets relatifs à la simplification des démarches administratives. Enfin, nous nous sommes engagés à élaborer le Plan d’exécution du programme du gouvernement qui est en cours de finalisation comme outil de coordination et de redevabilité de l’action publique. 


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