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Bérénice Bejo : «Nous avons l’habitude, nous les femmes, d’être les rôles «support» des hommes»

Bérénice Bejo, actrice

Avec «The Artist», elle a sillonné le monde, raflé un César et a été nominée aux Oscars. Dans «Quietud», film hors compétition à Venise, Bérénice Bejo revient à ses origines argentines et signe un beau rôle d’une femme tourmentée qui retrouve sa sœur, jouée par Martina Gusman, après plusieurs années. Le tout dirigé par Pablo Trapero. La comédienne se livre, à cœur ouvert,  sur ce rôle à fort challenge.

Les Inspirations ÉCO : Travailler un rôle dans une langue étrangère,  cela nécessite-t-il une préparation particulière ?
Bérénice Bejo : C’est toujours différent lorsque l’on prépare un rôle en français, en anglais, en espagnol. Je comprends l’espagnol, je le parle mais quand j’ai commencé à travailler pour le film, je me suis rendue compte que je ne parlais pas couramment. J’avais des mots que je connaissais depuis que j’avais 10 ans, des phrases qui ne se disent pas de telle ou telle manière. J’étais un peu perdue au début du tournage. Ce n’était pas facile. La langue à part, mais la préparation d’un personnage est toujours difficile. On est dans un terrain inconnu au départ, on ne connaît pas le réalisateur, ni l’équipe. Tout est nouveau. Dans mon cas, je focalisais sur les mots, les mots ne venaient pas naturellement et je stressais souvent. Il fallait refaire et refaire. C’est toujours difficile de faire un film en une langue étrangère.

C’est un réel film de femmes avec trois grands rôles féminins…
Les hommes étaient presque des jouets ! «(Rires). On prenait plaisir à les embêter, ils essayaient de prendre plus de place sur le plateau mais nous étions plus fortes. Nous avons l’habitude, nous les femmes, d’être les rôles «support» des hommes dans les films. On joue la femme, l’amante, la fille, la femme de…Dans ce film les femmes ont le pouvoir ! La mère est le «père» de famille, c’est elle qui prend les décisions. Ses filles n’ont pas besoin d’hommes dans leurs vies. Elles ne sont pas les «femmes de» mais des femmes tout court ! C’était un plaisir de travailler ce personnage et d’explorer toutes ses facettes.

Tourner en Argentine, votre pays natal, était une envie depuis longtemps…
Je voulais vraiment tourner en Argentine et Pablo était le réalisateur number one avec qui j’avais envie de tourner. Quand il m’a appelé l’année dernière et qu’il m’a proposé un rôle avec Martina, j’ai tout de suite dit oui. Il trouvait qu’on se ressemblait beaucoup et que l’on serait crédible en sœurs. J’ai dit oui avant même de lire le scénario ! (Rires).

Comment s’est passé le travail avec Pablo Trapero ?
Pablo est un réalisateur très exigeant! Il a une vision et il sait ce qu’il veut.  Beaucoup de choses se sont mélangées en moi, je suis retournée au pays de mes parents pour la première pour travailler. En espagnol avec une équipe espagnole. Je me sentais à la maison sans vraiment être à la maison. Comme le personnage d’ailleurs ! J’ai adoré travailler avec un couple (le réalisateur Pablo Trapero est marié à l’actrice Martina Gusman) puisque mon mari et moi travaillons ensemble aussi (mariée au réalisateur Michel Hazanavicius) mais c’est l’expérience qui a ravivé tous mes doutes ! En quittant l’Argentine, je me suis sentie la pire des actrices du monde ! J’ai tout réappris, je sentais que j’avais tout perdu, que j’avais 12 ans et que j’étais sur un plateau de tournage pour la première fois. Je me posais plein de questions.

Pour une actrice professionnelle, cela doit être incroyable de tout réapprendre, non ?
Ne pas être dans sa zone de confort, continuer à apprendre, être surprise, oui, c’est sûr ! C’est une chance avec du recul. Quelque chose que l’on ne ressent pas forcément sur le moment parce que la peur, le stress sont omniprésents. Je me suis perdue mais cela a servi ce huit clos dans lequel nous étions et le film. Au final, cela a participé, selon le réalisateur, à la pression psychologique et à l’intensité émotionnelle du film. Pablo a fait le film qu’il voulait, qu’il avait imaginé dès le départ !



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