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Action gouvernementale : El Khalfi dit tout

Mustapha El Khalfi, ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, porte-parole du gouvernement, balaie d’un revers de la main les critiques adressées à la gestion gouvernementale du dossier d’Al Hoceima tout en reconnaissant la responsabilité politique de l’Exécutif. Il s’exprime aussi sur les 100 premiers jours du gouvernement et la relation avec le Parlement.

Les Inspirations ÉCO : Le gouvernement est vertement critiqué sur sa gestion du mouvement de contestation d’Al Hoceima à cause, d’une part, de l’approche sécuritaire adoptée et, de l’autre, de la cacophonie et du retard ayant marqué l’action gouvernementale en la matière. Que répondez-vous à ces accusations ?
Mustapha El Khalfi : L’actuelle équipe gouvernementale a été nommée en avril alors que la gestion de ce dossier avait déjà été entamée par l’ancien gouvernement. De janvier à mai, quelque neuf conventions ont été signées pour l’accélération des projets dans la région, dont une partie a été conclue durant les deux premiers mois du gouvernement. Sur le plan du développement, le gouvernement a agi sur trois niveaux: la poursuite des efforts d’accélération des projets du programme «Al-Hoceima Manarat Al Moutawassit» à travers l’Agence pour la promotion et le développement du Nord, qui a lancé plus de 220 appels d’offres pour 2 MMDH, l’accélération de la mise en œuvre d’autres projets qui concernent essentiellement les secteurs de l’équipement, du transport, de la logistique, de l’eau et des énergies et mines et la satisfaction des nouvelles requêtes qui ont émergé à l’issue des visites locales. Il s’agit, entre autres, du projet de construction d’un noyau universitaire, du renforcement de l’infrastructure routière, de la consolidation des programmes destinés à la pêche maritime à travers, notamment, le soutien financier… Le programme des visites se poursuit. La décision du roi insuffle une forte dynamique à la gestion de ce dossier à travers l’ouverture d’une enquête sur le retard pris dans la mise en œuvre des projets. Dans cette même optique, le gouvernement a décidé de créer une unité rattachée à la présidence du gouvernement chargée du suivi des projets dans toutes les régions.

Le problème des retards pris dans la mise en œuvre des projets se pose depuis des années. Pourquoi rien n’a-t-il été fait auparavant pour s’attaquer à cette problématique ?
Le problème a émergé en raison des protestations dans plusieurs régions. Le gouvernement se doit d’être à l’écoute de la société pour éviter d’attiser les contestations. Outre l’unité de suivi de la mise en œuvre des projets, le chef de gouvernement a donné ses directives pour la concrétisation des engagements pris par les ministres au Parlement. Les défis sont de taille. Le Maroc vit une dynamique sociale et connaît un renforcement des structures de contrôle comme les recommandations de la Cour des comptes. Ainsi, le pouvoir exécutif est appelé à prendre en compte cette évolution. C’est, en effet, une question fondamentale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le chef de gouvernement insiste sur la mise en œuvre des recommandations de la Cour des comptes. L’unité spéciale rattachée à la présidence du gouvernement chargée de l’évaluation des politiques publiques se penchera sur cette question. Pour le cas d’Al Hoceima, la reconnaissance de la légitimité des manifestations nécessite le traitement des requêtes. Aussi les visites ne se sont-elles pas arrêtées. Cette dynamique sera enclenchée dans les autres régions et permettra, de ce fait, de promouvoir l’action gouvernementale.

Comment comptez-vous gérer les dépassements ayant marqué le dossier d’Al Hoceima à tous les niveaux, notamment la dernière vidéo de Nasser Zefzafi ?
La vidéo de Zefzafi constitue une provocation et une atteinte à la dignité humaine. Le gouvernement a décidé d’ouvrir une enquête sur cette vidéo. Nous sommes en attente des résultats pour prendre les mesures qui s’imposent. Le Maroc a opté pour le choix de l’équité et la réconciliation pour le Nord, notamment le Rif. Un grand effort a été déployé en la matière. Le budget dépensé est de plus de 20 MMDH, mais ce budget reste insuffisant par rapport aux besoins de cette région. Les recommandations de l’Instance équité et réconciliation ne sont pas totalement mises en œuvre. Aujourd’hui, le roi a lancé une vision relative non seulement au développement, mais aussi aux droits de l’Homme et aux libertés. C’est dans ce cadre que s’inscrit le recours à l’expertise médicale concernant toute allégation de torture. Jusqu’à fin juin, le nombre de demandes d’expertise médicale a atteint les 66. Le chef de gouvernement a lancé l’initiative de la tenue d’un débat avec les organisations des droits de l’Homme sous la supervision du ministre d’État des droits de l’Homme et en présence des représentants des différents secteurs concernés. Le dialogue avec la société civile se révèle toujours bénéfique car il permet d’apporter un éclairage sur la réalité. Les victimes sont dans les rangs tant des manifestants que des forces de l’ordre. Il faut faire confiance à la justice et aux engagements relatifs à la garantie d’un procès équitable.

C’est justement à ce niveau-là que des doutes sont émis par les associations qui pointent du doigt des pressions exercées sur la justice… Qu’en pensez-vous ?
La confiance se construit grâce au dialogue et au suivi des engagements. L’institutionnalisation de ce dialogue direct public et franc permet de traiter les problématiques posées. Nous espérons que la province d’Al Hoceima retrouvera le calme en vue d’attirer les investisseurs. Le chef de gouvernement a lancé des appels rassurants quant aux perspectives positives de l’avenir. L’allègement de l’aspect sécuritaire par le nouveau gouverneur est une mesure qui s’inscrit dans ce cadre-là.

La crise de confiance dans les institutions -dont le gouvernement- est avérée. En dépit des efforts déployés par le gouvernement que vous citez, c’est la gestion sécuritaire de ce dossier qui est la plus visible. Comment comptez-vous gérer cette
situation ?
On ne peut pas dire qu’il y a une crise de confiance. Certains acteurs au sein des réseaux associatifs ont appelé à donner une chance au chef de gouvernement après qu’il ait lancé son appel. D’autres ont indiqué que la perpétuelle incitation aux manifestations ne donne pas de résultat. Il est possible que la confiance soit altérée, mais elle n’est pas totalement perdue. Les citoyens assistent aux rencontres et émettent des requêtes. La situation est certes difficile, mais on est en train de construire l’avenir. Il ne faut pas s’attendre à ce que les manifestations qui ont duré huit mois s’arrêtent rapidement. Notre volonté est de régler le dossier dans le cadre du dialogue. Il ne faut pas rester dans une dynamique régressive et négative qui ne sert que la thèse du désespoir. Il faut aller de l’avant en se basant sur les initiatives positives. C’est pour cette raison que les visites des ministres sont toujours en cours.

Quel regard portez-vous sur la responsabilité du gouvernement dans ce dossier ?
Le gouvernement est responsable sur le plan politique. Nous assumons notre responsabilité. Nous avons subi les conséquences de certaines réactions ayant un caractère partisan comme la question de l’accusation relative au séparatisme. Le gouvernement a une orientation cohérente et stable. Le défi de la communication se pose pour faire face aux rumeurs et informations erronées.

Le compte à rebours est enclenché pour les 100 premiers jours du gouvernement, et l’effet d’aucune grande mesure concrète ne se fait ressentir par le citoyen. Qu’en pensez-vous ?
Le 5 août marquera la fin des 100 jours du gouvernement. En dépit des difficultés, une dynamique est mise en place sur différents plans. Plusieurs mesures concrètes ont été prises par le gouvernement. La baisse des prix de plus de 120 médicaments, à titre d’exemple, est une mesure qui touche le citoyen. L’adoption du plan national de la santé par le conseil du gouvernement comporte plusieurs grandes mesures comme la création de plus de 20 hôpitaux dont 4 universitaires avec une capacité de 10.000 lits alors que le Maroc est doté de 22.000 lits, soit une augmentation de près de 50 %. L’équipement en scanners et IRM sera renforcé pour régler la problématique des rendez-vous. Chaque hôpital régional sera doté d’un IRM, et chaque hôpital provincial aura un scanner. Actuellement, les hôpitaux disposent de 52 scanners. Quelque 22 ont été déjà acquis et 26 autres seront achetés, soit 48 en une année. Au niveau de l’enseignement, des mesures importantes ont été prises. Il s’agit en premier lieu du traitement de la problématique de la saturation des classes à travers le recrutement par contrat. 24.000 enseignants vont s’ajouter aux 11.000 déjà recrutés dans le cadre de la contractualisation. Avec les 8.000 postes de la loi de Finances, leur nombre sera porté à 43.000, soit 20% de l’effectif total. En une année seulement, une dynamique a été insufflée aux ressources humaines du secteur. Quelque 23.000 enseignants ont bénéficié du mouvement de permutation contre une moyenne de 7.000 durant les années précédentes. À cela s’ajoutent le renforcement de l’infrastructure de l’enseignement, le lancement du programme de lutte contre les drogues aux alentours des établissements scolaires, la lutte contre la triche qui a baissé de 60% et le règlement du problème des arriérés de paiement du programme Tayssir 2015/2016. Plus de 600 MDH seront débloqués pour les familles bénéficiaires de ce programme.
Un certain nombre de mesures ont été prises dans d’autres secteurs comme la mise en place de la Commission nationale de lutte contre la corruption. Au niveau de la sécurité routière, il a été décidé d’acquérir 1.100 radars fixes alors que le Maroc n’en dispose actuellement que de 200. S’agissant de la régionalisation, 28 décrets ont été adoptés. Il en reste encore sept.

Ne pensez-vous pas que le problème des régions n’est pas uniquement lié à l’adoption des textes, comme le soulignent plusieurs présidents de conseils régionaux ?
L’un des enjeux de ce chantier était l’adoption des textes. Les présidents des régions soulevaient la question des prérogatives des régions. C’est pour cette raison qu’on a accéléré l’adoption des textes. Par ailleurs, je tiens à relever d’autres exemples concrets ayant marqué l’action gouvernementale comme la validation, par la Commission nationale des investissements, de projets à hauteur de 67 MMDH. Sur le terrain, le projet Citroën à Kénitra a été lancé. Des conventions importantes ont été conclues par le ministre de l’Industrie avec des investisseurs étrangers. Ainsi, une dynamique concrète est enclenchée dans divers domaines. Le défi est relatif au volet de la communication autour des réalisations. Le bilan des 100 jours du gouvernement sera prometteur. Un document sur les réalisations gouvernementales est en cours de préparation. On peut citer l’exemple de la mise en place de l’application sur les prix des carburants annoncés par le ministre des Affaires générales.

N’est-il pas temps de tenir le dialogue social, dans ce contexte marqué par la grogne sociale ?
Je suis d’accord avec vous. Le dialogue social sectoriel est lancé en perspective du dialogue social national qui devrait se tenir en septembre avant la loi de Finances. Le chef de gouvernement a érigé ce dossier en priorité. L’objectif est de construire une relation positive avec les partenaires sociaux. La Commission du climat des affaires, qui ne s’est pas réunie depuis longtemps, reprendra ses travaux cette semaine.

Le gouvernement n’entend-il pas réviser les politiques publiques qui sont très critiquées en raison de la faiblesse de leur impact, notamment sur la création d’emplois, en dépit du budget qui leur est alloué ?
L’évaluation des politiques publiques est un grand chantier. Une unité rattachée à la présidence du gouvernement se penchera sur cette question. Le problème se pose au niveau de la convergence des politiques publiques ainsi que de leur impact sur la création des postes d’emploi et sur le citoyen en comparaison avec les ressources financières mobilisées.

Quel regard portez-vous sur la relation entre le gouvernement et le Parlement, qui est visiblement tendue comme le démontrent les critiques virulentes de l’opposition en séances plénières ?
La relation entre le gouvernement et le Parlement repose sur le partenariat, comme en témoigne la programmation des séances des questions mensuelles du chef de gouvernement. Sur le plan du contrôle, le gouvernement a affiché sa volonté de répondre à un nombre plus élevé de questions orales de la Chambre des conseillers. En ce qui concerne les propositions de loi, le problème se pose effectivement. Aucun projet de proposition de loi n’a été encore discuté. Cependant, une commission a été créée pour examiner les propositions de loi. Le gouvernement a déjà affiché son intention d’interagir positivement avec plusieurs d’entre elles. Cette législature sera marquée par une évolution en la matière.

L’ancien gouvernement avait créé une commission interministérielle d’examen des propositions de loi qui n’a, cependant, pas permis d’obtenir des résultats concrets…
C’était une simple commission. Actuellement, une circulaire du chef de gouvernement précise les attributions de cette commission et son fonctionnement. Autre nouveauté: en partenariat avec le Parlement, un système a été mis en place pour lister les engagements des ministres en commission et en séances plénières pour veiller à leur mise en œuvre. La faiblesse se situe au niveau des demandes d’information (Ihata). Sur le plan législatif, le gouvernement n’a pas retiré les 37 projets de loi soumis au Parlement, ce qui a permis l’adoption de plusieurs textes importants. L’une des réalisations phares est l’adoption du projet de loi de Finances en un mois et sept jours. Un record !


La communication, un défi de taille

L’amélioration de la communication gouvernementale est érigée en priorité par le gouvernement de Saâd-Eddine El Othmani. Plusieurs initiatives ont été prises au cours des derniers jours pour renforcer ce volet. Le gouvernement entend dépasser ses faiblesses en la matière en adoptant une politique de communication gouvernementale efficace. Cinq défis se posent à ce niveau, selon le porte-parole du gouvernement: garantir le droit d’accès à l’information pour les citoyens concernant les décisions publiques, présenter les politiques publiques aux différents acteurs, interagir positivement avec les différentes critiques et interrogations posées, faire face aux rumeurs à travers un système de veille et s’adapter aux nouvelles technologies pour instaurer une communication numérique durable. Une plateforme numérique sur les réalisations gouvernementales sera lancée.


Société civile. Les priorités d’El Khalfi

Le dialogue national sur la société civile a permis de formuler des recommandations importantes. Il a été renforcé par le travail de la Commission du contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants sur la question du financement et le rapport du CESE sur la vie associative, ainsi qu’un mémorandum du CNDH sur les associations,  précise  Mustapha El Khalfi. Le responsable gouvernemental fixe cinq priorités pour ce secteur visant la consolidation du respect et de l’indépendance de la société civile. Il s’avère  essentiel de renforcer le tissu associatif qui demeure fragile sur le plan qualitatif en dépit du nombre des associations, qui s’élève à 130.000. La première priorité a trait au chantier juridique à travers cinq textes: la loi sur les associations, la loi sur les fondations, la loi sur l’utilité publique, la loi sur le volontariat et la loi sur la consultation publique. La deuxième priorité vise le renforcement des capacités des associations à travers le lancement d’un programme de formation de 1.200 acteurs associatifs dans les 12 régions.  La troisième priorité est relative au renforcement du cadre fiscal et comptable à travers la mise en place d’un système fiscal efficace. La promotion du financement des associations s’avère également être une nécessité. Actuellement, le financement public est de 6 MMDH, et le financement étranger déclaré est de 1 MMDH. La révision de la répartition de ce soutien financier s’impose. 20% des associations bénéficient de 80% du financement public.  «On doit relever le défi de l’augmentation du budget consacré à ce volet et faciliter l’accès des associations au financement», souligne le ministre. Par ailleurs, l’accès équitable des associations aux médias publics figure aussi parmi les priorités. L’objectif est de respecter le pluralisme et l’équité territoriale. En parallèle, l’installation de la commission des pétitions est prévue pour cette semaine.  À cet égard, une campagne de communication sera lancée ainsi qu’une plate-forme électronique pour recevoir et suivre les pétitions.



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