Accord agricole : Le Maroc perd patience

Fini de tergiverser… L’Exécutif marocain passe aux représailles. Lassé du manque de coopération des institutions et des services de l’UE, le Maroc décide de suspendre ses rapports avec les institutions européennes et prépare sa contre-attaque.
La tension monte d’un cran entre le Maroc et l’Union européenne. Le gouvernement marocain est en effet sorti de son mutisme, hier, pour confirmer le gel des relations avec les représentations diplomatiques de l’Union. Une sortie qui intervient au moment où le Conseil de l’UE vient de déposer -in extremis- sa demande de pourvoi en appel concernant la décision du tribunal de l’Union européenne. Celui-ci avait décidé en décembre dernier de révoquer l’accord agricole liant le royaume aux pays de l’Union.
Opacité européenne
La question a été au centre de la réunion du Conseil de gouvernement tenu hier jeudi à Rabat. Le royaume dénonce ainsi «la gestion opaque que certains services de l’UE ont faite de cette question». Le Maroc n’y va pas par quatre chemins et dénonce un manque de respect de la part des institutions européennes. «Après un début de coopération prometteur, l’interaction régulière, transparente et intense promise au Maroc par les hautes autorités européennes sur ce dossier, a donné lieu à une attitude déloyale qui fait peu de cas du respect nécessaire entre partenaires», a précisé Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil de gouvernement. Intransigeant, celui-ci poursuit: «Le Maroc ne saurait accepter d’être traité en simple objet d’une procédure judiciaire, ni réduit à être ballotté entre les différents services et institutions de l’UE. La poursuite d’une telle attitude risque de compromettre durablement la confiance mutuelle et la pérennité du partenariat».
Il semble que les institutions de Bruxelles aient fait preuve de peu d’esprit de coopération à l’égard des services diplomatiques marocains perdus dans les lourdeurs procédurales et bureaucratiques de l’UE. Le Maroc exige ainsi une «interaction loyale et responsable», dans les prochaines phases de la procédure. En attendant de recevoir les explications et les assurances nécessaires de la partie européenne, le gouvernement a décidé de suspendre tout contact avec les institutions européennes, à l’exception des échanges attendus sur ce dossier. L’Exécutif entérine ainsi la décision prise, début janvier dernier, par le département des Affaires étrangères de mettre en stand-by la coopération bilatérale.
Passer à l’offensive
Le Maroc ne se limite pas aux manœuvres diplomatiques et compte bien passer à l’offensive. Un comité interministériel composé des ministères des Affaires étrangères et de la coopération, de l’Intérieur et de l’Agriculture et de la pêche maritime a été créé pour suivre de près le développement de ce dossier. Ce comité est même mandaté pour proposer les mesures appropriées qu’il y aurait lieu de prendre pour préserver les intérêts nationaux légitimes en cas de décision portant atteinte aux intérêts marocains.Au-delà des raisons purement diplomatiques, le Maroc entend ainsi se prémunir de toute mauvaise surprise et mettre la pression sur les autorités européennes.
L’Exécutif démontre ainsi que toute renégociation de l’accord incluant une exception sur le Sahara est hors de question, et qu’une décision en appel confirmant l’annulation de l’accord aurait des implications catastrophiques sur l’ensemble du partenariat Maroc-UE. Juridiquement, le Maroc pourra toujours dénoncer l’ensemble des accords signés, y compris l’accord d’association et l’accord de pêche. Une issue qui ne serait favorable à aucune des deux parties. Pour rappel, le 10 décembre 2015, la huitième chambre au sein de la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par les représentants du Front Polisario, s’était prononcée au sujet de la légalité de la procédure de conclusion de l’accord agricole de 2012.
Pour la Cour, le Conseil de l’UE était tenu de s’assurer de la bonne application dudit accord. Ce dernier, en tant qu’institution fondamentale de l’Union européenne, «était tenu de garantir que l’exploitation des ressources du Sahara ne se fasse pas au détriment de ses habitants ou qu’elle porte atteinte à leurs droits fondamentaux» avant toute approbation de l’accord. Sur cette base, la Cour note que «le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront chacun leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Front Polisario» concernant cette affaire.