Déconcentration administrative. El Otmani épinglé par la majorité et l’opposition

Lenteur dans la mise en oeuvre de la déconcentration, problématique de la convergence des politiques publiques, manque de clarté dans la relation entre le chef de l’Exécutif et les walis qui sont dotés de supers pouvoirs… Autant de critiques adressées au chef de gouvernement par les députés qui estiment que la charte de la déconcentration administrative aurait dû être éditée par une loi.
Le gouvernement réussira-t-il le pari de la mise en oeuvre de la déconcentration administrative ? Rien n’est moins sûr, selon l’opposition qui critique le retard abyssal dans l’implémentation de ce chantier si stratégique qui conditionne la réussite de la régionalisation avancée. Même les députés de la majorité n’ont pas hésité, lundi, à décocher leurs flèches contre le chef de gouvernement, Saâd Eddine El Otmani, qui était interpellé au sein de la Chambre basse sur la mise en oeuvre de ce chantier.
Forme juridique critiquée
En tête des reproches figure la forme juridique du texte. Le gouvernement a opté pour l’adoption d’un décret alors qu’il était on ne peut plus nécessaire d’éditer une loi pour que le texte ait un caractère contraignant, comme le relèvent nombre de parlementaires. C’est l’un des points essentiels qui ont été débattus entre les différents départements concernés avant que le texte puisse voir le bout du tunnel, selon une source gouvernementale. Le décret peut être facilement amendé par les différents gouvernements qui se suivent alors que la loi nécessite de passer par tout le processus législatif avant son amendement et son entérinement. Les parlementaires auraient aimé marquer de leur empreinte le texte qui vient compléter le processus de la régionalisation qui est régie par une loi. Le choix du décret est justifié aux yeux du chef de gouvernement par le caractère réglementaire de ce chantier qui ne nécessite pas l’adoption d’une loi.
L’accélération de la cadence s’impose
L’Exécutif est aussi vertement critiqué pour le retard dans la mise en oeuvre de la déconcentration qui est très attendue pour mettre fin à nombre de problématiques dont la lenteur administrative et la bureaucratie qui sont causées par la centralisation du pouvoir décisionnel. La déconcentration permettra en effet de fluidifier les procédures administratives et dynamiser ainsi les différents projets lancés au niveau local et régional. L’accélération de la cadence est de mise. Les départements ministériels se penchent actuellement sur la définition des compétences à transférer, celles à déléguer et celles qui doivent rester concentrées. Tout devra être clair d’ici fin juillet dans les schémas directeurs qui seront adoptés par la Commission interministérielle chargée de la déconcentration administrative et qui est présidée par le chef de gouvernement. Rappelons à cet égard que le transfert ne concerne pas uniquement les compétences et les attributions mais aussi les ressources humaines et financières. La mission ne s’annonce pas de tout repos pour l’Exécutif. Le gouvernement sera-t-il au rendez-vous ? À en croire le chef de gouvernement, tous les départements adhèrent à ce chantier et travaillent d’arrache- pied pour concrétiser les objectifs escomptés. La mission s’annonce compliquée car le gouvernement est appelé à tenir ses engagements qui seront inscrits noir sur blanc dans les schémas directeurs. D’ici la fin du mandat gouvernemental en 2021, la déconcentration administrative devra être complètement opérationnelle.
Comment assurer la convergence
Sur le volet de la mise en oeuvre, des inquiétudes sont exprimées quant à la convergence des différentes politiques publiques au niveau territorial. C’est un problème de taille que le gouvernement a du mal à résoudre même sur le plan central. Jusque-là, rien n’a encore été fait pour assurer la convergence tant attendue entre les différentes stratégies. La problématique risque d’être plus grave sur le plan local et régional après la mise en oeuvre de la déconcentration administrative. Une crainte balayée d’un revers de la main par El Othmani qui estime que c’est le wali qui assurera la mission de coordination entre les différents départements.
Supers pouvoirs du wali
Le wali joue en effet un rôle prépondérant dans la déconcentration. En vertu de la charte, les responsables des administrations déconcentrées n’attendront plus l’aval de l’administration centrale pour pouvoir prendre des décisions même d’ordre financier car le texte leur confère la qualité d’ordonnateurs mais ils seront constamment sous la supervision du wali (ou du gouverneur pour les administrations provinciales) qui est le représentant du pouvoir central dans la région. Il est le principal acteur dans la déconcentration et a pour mission d’assurer la coordination des activités déconcentrées et leur bon fonctionnement ainsi que de veiller au contrôle sous l’autorité des ministres concernés. Cette situation nécessite de clarifier la relation entre le chef de gouvernement et le wali dans le cadre de la transparence et la reddition des comptes, selon le député Omar Balafrej : en vertu de l’article 49 de la Constitution, quels sont les critères pour proposer la nomination des gouverneurs et walis ? Comment est assurée la coordination entre le chef de gouvernement qui exerce le pouvoir réglementaire conformément à l’article 90 de la loi fondamentale et les walis qui sont devenus des chefs de l’administration déconcentrée ? Pour le chef de gouvernement, le rôle central du wali ne signifie pas qu’il prend les décisions, mais il joue plutôt un rôle de coordination entre les différents services déconcentrés. Une réponse qui ne convainc visiblement pas l’opposition.