Maroc

Pays arabes. Les difficultés d’un front diplomatique commun

Le 29e congrès de l’Union des parlementaires arabes a été l’occasion pour le Maroc de réaffirmer sa souveraineté et incite les pays arabes à une «politique sécuritaire indépendante». Des lignes de fracture apparaissent au niveau de la question syrienne…

Dans un contexte régional de plus en plus tendu, l’ouverture le 3 mars du 29e congrès de l’Union des parlementaires arabes (UPA), à Amman en Jordanie, a été l’occasion de rouvrir toutes les lignes de fractures des diplomaties des pays arabes. Tenu sous le thème : «Al Qods, capitale éternelle de l’État de Palestine», l’évènement a pourtant tous les airs d’un conclave consensuel. Mais le ton du discours prononcé par le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, à la tête de la délégation marocaine est dans la même veine que ceux tenus par le Roi Mohammed VI à Charm El Cheikh et à Ryad, respectivement en avril 2016 et en février 2019. En effet, face aux différentes offensives étrangères, la diplomatie marocaine continue sur sa lancée «souverainiste», El Malki a martelé que «la sécurité de la Nation arabe doit rester une affaire strictement arabe, tenue à l’abri de toute ingérence et de toute interférence extérieure», ajoutant par ailleurs que le «partenariat entre le Maroc et les pays du Golfe est stratégique et ne constitue nullement un partenariat dicté par des intérêts conjoncturels ou des calculs éphémères». Ainsi, face aux «menaces qui nous assaillent», El Malki appelle au rétablissement d’une «décision arabe indépendante».

Jérusalem, une situation qui se détériore
L’enjeu est de plus en plus grand puisque la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les États-Unis et quelques autres pays satellites, bien que considérée comme «sans effet» par le président de l’Union des parlementaires arabes (UPA), continue d’enflammer la ville sainte. Simultanément au lancement de l’évènement à Amman, des provocations israéliennes ont eu lieu. Les autorités jordaniennes ont en effet accusé dimanche Israël d’avoir interdit l’accès de hauts dignitaires musulmans palestiniens à la mosquée Al-Aqsa, située dans la Vieille ville de Jérusalem. Amman a annoncé que cheikh Abdel Azim Salhab, le chef du conseil du Waqf à Jérusalem -l’organisme chargé de la gestion des biens musulmans- avait été interdit par les autorités israéliennes d’accéder à Al-Aqsa durant 40 jours, tandis que son adjoint cheikh Najih Bakirat a écopé d’une interdiction de quatre mois. Firas al-Dibs, porte-parole du Waqf, l’organisme dépendant de la Jordanie qui gère Al-Aqsa, a d’ailleurs dénoncé ces interdictions. Il a indiqué que deux autres membres du Conseil du Waqf avaient été arrêtés, dont un dimanche, sans donner plus de détails. Les incidents de ces derniers jours semblent avoir été provoqués après la pose, par les autorités israéliennes et dans l’enceinte de l’esplanade, d’un cadenas sur une porte donnant accès à des bureaux. À ce niveau, la position marocaine est sans équivoque, comme l’a rappelé El Maki : «Le Maroc, sous la conduite du Roi Mohammed VI, Président du Comité Al Qods, affirme son adhésion totale et sincère à toutes les démarches arabes engagées pour la défense de la cause palestinienne, la libération de la Palestine et la création d’un État palestinien indépendant avec Al Qods Al Charif comme capitale». Le Souverain avait d’ailleurs annoncé la couleur face aux pays européens lors du sommet arabo-européen en affirmant la centralité de la cause palestinienne. Le Maroc plaide donc pour préserver le statut juridique de la Ville sainte qui fait partie intégrante des territoires palestiniens occupés en 1967, dans le cadre de la solution des deux États. À l’heure actuelle, seule cette solution paraît viable et à même de garantir la sécurité régionale. En effet, même l’Égypte et l’Arabie Saoudite, qui montrent des signes avancées de normalisation, assurent désormais que «la cause palestinienne est le premier problème pour tous les pays arabes» et qu’ils «défendent les droits des Palestiniens, en particulier la création d’un État, avec Jérusalem-Est pour capitale».

La question syrienne en filigrane
Et si un semblant d’unité semble se dessiner au niveau de la question palestinienne, le conflit syrien lui marque les lignes de fracture. Le président du Parlement syrien a participé, pour la première fois depuis la guerre qui a éclaté en 2011 en Syrie, à une réunion interparlementaire arabe à Amman, en plein débat sur un retour de Damas dans les instances panarabes. Dans sa déclaration aux participants, le chef du Parlement jordanien, Atef al-Tarawneh a pressé ses pairs arabes «d’agir pour un règlement politique de la crise syrienne qui préserve l’unité du peuple syrien et d’œuvrer pour que la Syrie retrouve «sa place» au sein du monde arabe». Damas, exclue de la Ligue arabe après le début de la guerre civile en 2011, est en voie de réintégration de l’organisme. L’Irak, le Liban et la Tunisie ont appelé à un retour des représentants du régime syrien dans cette organisation, dont le prochain sommet est prévu fin mars à Tunis. Dans le même temps, les Émirats arabes unis ont rouvert en décembre leur ambassade à Damas, après avoir coupé en 2012 leurs relations diplomatiques avec le régime. Récemment, la Ligue arabe a annoncé qu’elle n’était pas parvenue à un «consensus», l’Arabie saoudite, semblant encore réticente à une normalisation des relations avec Damas. Toujours est-il qu’un début de consensus est perceptible concernant l’ingérence militaire dans le pays. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul-Gheit, a déclaré en effet le 18 février dernier que la Ligue arabe était totalement «opposée à la présence de troupes étrangères quelles qu’elles soient en Syrie». L’accord d’Adana, signé entre la Turquie et la Syrie en 1998, constituerait selon les capitales arabes une solution idéale après le retrait des troupes américaines de Syrie. 


Une instance de diplomatie parallèle

Créée en 1974, l’UPA est une organisation parlementaire arabe composée de représentants des assemblées parlementaires et des conseils de la choura arabes. Elle compte actuellement vingt-deux sections parlementaires. Elle a pour objectif de promouvoir le dialogue et la consultation entre les parlementaires arabes et de renforcer l’action et la coordination arabes dans divers domaines au niveau international. Durant deux jours, ce congrès examine notamment la situation actuelle dans le monde arabe et prévoit des réunions des commissions financière et économique, des affaires de la femme et de l’enfance, des questions politiques ainsi que des affaires juridiques et des droits de l’Homme. Il s’agit également de l’examen des recommandations des commissions spéciales (la commission restreinte et le groupe juridique) ayant tenu leurs réunions la semaine dernière. Le Maroc est représenté à ce conclave, qui réunit 17 présidents de parlements arabes, par une délégation conduite par le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki.



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