Politique. Retour au scrutin uninominal ?
Le gouvernement est appelé à entamer dès maintenant les concertations autour de la révision de l’arsenal juridique électoral. Les débats devront porter sur plusieurs points : mode de scrutin, liste des jeunes, découpage électoral, article 47 de la constitution…De plus en plus de voix plaident pour le retour au scrutin uninominal.
Les prochaines élections législatives vont-elles se dérouler sous un nouveau mode de scrutin ? Tout porte à croire que les débats autour de ce point crucial seront on ne peut plus animés. A moins de trois ans des échéances électorales, plusieurs acteurs politiques tant au sein de la majorité que de l’opposition se prononcent en faveur du scrutin uninominal. Le premier secrétaire de l’USFP Driss Lachguer était parmi les premiers à défendre cette orientation même si son parti a plaidé en 2002 pour l’instauration du mode de scrutin proportionnel plurinominal. Il faut dire que le parti de la rose y a laissé des plumes lors des élections de 2016 et espère, à travers la réforme du système électoral, stopper son interminable descende aux enfers tout comme d’autres formations politiques qui ont subi un échec électoral cuisant. Au sein de la coalition gouvernementale, la tendance générale de la majorité des partis est vers la révision du mode de scrutin actuel qui a été instauré, rappelons-le, après quatre décennies marquées par l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Sauf que ce sujet ne semble pas susciter l’enthousiasme au sein du PJD qui a pu réaliser des scores inédits grâce, entre autres, au scrutin de liste. L’instauration de nouveau du mode de scrutin uninominal ne fera que favoriser les personnes et les relations tribales au lieu des programmes des partis politiques, selon une source au PJD. Du côté de l’opposition, les voix s’élèvent de plus en plus pour mettre fin au système proportionnel plurinominal. Le parti de l’Istiqlal qui appelle à une refonte globale de l’arsenal juridique électoral défendra le retour au scrutin uninominal, selon un dirigeant du PI blanchi sous le harnais qui estime que cela permettrait de promouvoir la proximité avec les bases et redorer le blason des formations politiques. Le bras de fer risque d’être serré entre les deux camps. Les partisans du scrutin par listes plaident plutôt pour la révision du seuil électoral qui a été abaissé, lors des dernières législatives, de 6% à 3% en vue de limiter la balkanisation. Néanmoins, cet argument est dépassé car l’expérience démontre que la révision du seuil électoral au niveau des circonscriptions locales, à elle seule, s’avère une fausse piste comme en attestent les résultats des législatives de 2016. Alors qu’on s’attendait à l’augmentation du nombre des partis politiques représentés au parlement, c’est le contraire qui s’est produit. Plusieurs formations partisanes se sont vues éjectées de la chambre basse et d’autres ont vu leurs sièges se réduire comme une peau de chagrin alors qu’elles s’attendaient à l’amélioration de leur score. Le nombre des partis représentés au parlement a baissé du tiers (de 18 à 12 partis). Pour dégager des forces politiques claires, certains prônent l’instauration d’un seuil électoral national.
La liste des jeunes, un mécanisme critiqué
Un débat national entre les partis politiques s’impose pour évaluer objectivement les lois électorales et leur impact sur le terrain. Outre le mode de scrutin, plusieurs points sont à passer au crible dont la liste des jeunes. Faut-il la maintenir ou la supprimer ? A la veille des élections législatives de 2016, le maintien de cette liste avait été remis en cause. Et la tendance était plutôt vers l’annulation de ce mécanisme qui est considéré comme une rente politique. Mais finalement, le système a été maintenu contre vents et marrées, et il a fortement impacté la cohésion interne de nombre de partis politiques. Le quota a en effet semé la zizanie parmi les militants au sein des jeunesses partisanes dont certains n’ont pas hésité à «échanger des coups de poing» pour le classement sur la liste, pour reprendre l’expression d’un dirigeant politique. Il est temps d’évaluer ce mécanisme qui a une nature «temporaire». Les jeunes qui ont pu accéder à l’institution législative à travers la discrimination positive devront être capables de mener la bataille électorale sur le plan local. En 2016, rares sont les jeunes députés sortants qui ont été cooptés par leurs partis politiques dans les listes locales. Quant à la liste des femmes, elle semble recueillir l’unanimité sur le plan politique. Il serait opportun, selon quelques acteurs politiques, de passer à une nouvelle forme d’appui à la représentativité politique féminine, comme les listes paritaires alternées.
Découpage électoral : la concertation s’impose
On s’attend aussi à des débats autour de la révision du découpage électoral pour l’adapter aux nouvelles réalités démographiques et mettre fin aux déséquilibres constatés dans la représentation. Parmi les requêtes figure l’impératif de prendre en considération le poids démographique dans le découpage électoral en vue de garantir l’équité en matière de représentation. Le gouvernement est appelé à lancer des concertations élargies avec les partis politiques autour du découpage électoral. Les discussions ne devront pas porter uniquement sur les révisions techniques mais sur les pistes à même d’instaurer une profonde réforme politique.
Révision de l’article 47
Faut-il réviser l’article 47 de la loi fondamentale qui stipule la nomination du chef de gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections ? En tout cas, c’est ce que défendent désormais certains politiciens qui pointent du doigt la concurrence acharnée des partis pour la première place quels que soient les moyens utilisés. Mais, la demande de révision de l’article 47 n’est-elle pas anti-démocratique ? Le premier parti aux élections ne doit-il pas conduire le gouvernement ? Pour les détracteurs de la procédure actuelle, c’est le parti qui parvient à former une majorité au lendemain des élections qui doit mener la coalition gouvernementale pour éviter tout blocage.
Fin de la transhumance ?
L’expérience a démontré que la loi à elle seule ne permettait pas de bannir définitivement la transhumance de la vie politique. L’interdiction de la transhumance vise à garantir le respect des engagements des candidats vis-à-vis des électeurs. La constitution de 2011 stipule dans son article 61 la déchéance du mandat du nomade. Mais en fin de mandat, rien n’empêche les élus de rallier les rangs d’un autre parti politique. La veille des élections est en effet l’occasion pour donner le coup d’envoi pour le «mercato politique». Pour certains acteurs politiques, il faut réviser la disposition juridique prohibant la transhumance car dans les faits rien n’a changé. Les élus ne peuvent pas changer officiellement leur appartenance politique, mais certains d’entre eux, notamment sur le plan local, n’hésitent pas officieusement à changer de couleur politique. Dans certains pays, la transhumance est permise, mais dans des cas précis comme le changement de l’orientation politique du parti.