Réduction des disparités territoriales. Des programmes sans vision ?
Depuis deux ans, le gouvernement tente de soigner les plaies du Maroc profond. Bilan chiffré de ce programme stratégique et vital.
Pour prévenir des révoltes similaires à celle du Rif ou de Jerada, le gouvernement affiche sa mobilisation. «Le gouvernement accorde une importance particulière à la réduction des disparités spatiales et sociales, à travers une approche qui allie convergence et complémentarité». C’est l’engagement du gouvernement qu’on retrouve tout au long du projet de loi de Finances (PLF) 2019. La note sur la répartition régionale de l’investissement, incluse dans le PLF 2019, décline les différents programmes ciblant la réduction des disparités territoriales. Au cœur du dispositif gouvernemental, le fameux Programme de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS), doté de 50 MMDH pour la période 2016-2022. Ce programme couvre le monde rural et les zones montagneuses. Sa mise en place fait suite aux instructions royales visant «à améliorer les conditions de vie des population vulnérables, notamment en matière de désenclavement, d’accessibilité, d’accès à l’eau potable, de généralisation de l’électrification et d’amélioration de l’offre de soin et d’éducation».
À la recherche de la cohérence
Le PRDTS est financé via notamment le Fonds de développement rural et des zones de montagne (FDRZM). Celui-ci y contribue à hauteur de 10,5 MMDH. À cela s’ajoutent des contributions de 12,8 MMDH provenant des ministères de l’Équipement, de la Santé, de l’Éducation et de l’Agriculture. «Ce montant est à programmer au niveau de leur budget annuel, dans le cadre du PLF, pour être versés par la suite au FDRZM», indique cette note. Le même document précise que 47% des ressources du PRDTS proviennent du Fonds de développement rural. L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) apporte une critique directe à ces programmes. Driss Benhima, nouveau membre de l’AEI, a apporté ses expériences de wali de Casa dans les années 90, de patron de l’ex-ONE ainsi de directeur de l’Agence du développement du Nord pour livrer une analyse de ces programmes. Son verdict est sans appel: «ce n’est pas l’existence des budgets que nous remettons en cause, c’est surtout qu’ils se trouvent à des endroits disparates. Nous notons l’absence d’une convergence, d’une cohérence et même d’une vision forte qui sous-tende ce programme», observe-t-il. Et d’ajouter: «le PRDTS ne peut pas être considéré comme un programme de réduction des disparités territoriales. Seule la partie «accès aux services» est abordée. C’est très bien que l’État s’implique dans ce chantier. Sauf que rien n’est dit sur la manière de créer de la croissance et de l’emploi dans ces zones».
Bilan de l’exercice 2017
L’expérience de 2017 confirme ce constat. Sur des crédits de 3,43 MMDH, 2,72 MMDH ont été accordés à la réalisation des travaux d’infrastructures et des équipements de désenclavement, soit 79% du total des crédits mobilisés, suivi par les travaux d’infrastructures dans l’éducation (438 MDH), la santé (161 MDH), l’électrification rurale (56 MDH) et l’eau potable (55 MDH). Idem pour 2018. «Les projets de désenclavement accaparent près de 76% du montant total, soit 2,3 MMDH», indique la note du PLF 2019. 58% de ces ressources sont destinées à la construction des routes et pistes rurales. L’éducation arrive deuxième avec 19% des crédits, avant la santé (6%). Cet effort traduit aussi les besoins criants en termes d’infrastructures dans des villages qui manquent de tout. La répartition par région montre la place de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima qui arrive en tête des bénéficiaires de ces fonds (17%). Cette région a été marquée durant deux ans par de fortes mobilisations sociales réclamant le désenclavement et l’amélioration de la qualité des services publics. Souss-Massa arrive en deuxième position (13%), suivie de Marrakech-Safi (12%) et Drâa-Tafilalet, l’Oriental, Fès-Meknès et Casablanca-Settat (10%). La même configuration est maintenue en 2018. 71% des crédits de 2018 sont alloués à 6 régions. On retrouve quasiment les mêmes régions dans ce top 6, à l’exception de l’Oriental et Drâa-Tafilalet, pourtant deux régions particulièrement fragiles, à tous points de vue.
À noter, enfin, que les investissements publics pour la réduction des disparités ne se limitent pas au PDRST; ils se prolongent avec l’INDH et les différents programmes gouvernementaux sectoriels (santé, éducation, habitat). À cela s’ajoutent les programmes de développement propres à chaque région, notamment dans les provinces du Sud, doté de 71 MMDH, et à Casa-Settat, de 33,6 MDH. L’efficacité de cette multiplication des programmes et des fonds à dimension sectorielle ou régionale reste à prouver…