Maroc

Partis politiques : Où sont les nouvelles élites ?

Seulement 1% des jeunes adhèrent à un parti politique ou à un syndicat. Un pourcentage qui en dit long sur l’ampleur du fossé qui sépare la jeunesse marocaine de l’échiquier politique. Une grande responsabilité incombe aux formations partisanes pour attirer une nouvelle élite politique.

La participation des jeunes dans la vie civile est quasi-nulle, comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental dans son dernier avis. L’absence des jeunes de toutes les formes classiques de participation politique est expliquée par la crise de confiance avérée dans les institutions politiques. L’engouement des jeunes pour les réseaux sociaux et la manière avec laquelle ils les utilisent pour exprimer leur point de vue montrent qu’ils ne boudent pas la politique mais plutôt les structures politiques telles qu’elles existent aujourd’hui.

Aussi faut-il adopter une nouvelle approche pour inclure les jeunes dans la vie politique et les faire participer au processus de décision. En effet, même si les jeunes ont un nouvel espace public de communication, les partis politiques ont un rôle important à jouer et sont des rouages vitaux pour exercer la démocratie. À cet égard, une grande responsabilité incombe aux partis politiques pour changer leur image -écornée- auprès des citoyens. Cet objectif ne peut se concrétiser sans l’intégration des jeunes à la vie politique. Le souverain a appelé, dans le discours du Trône, les formations partisanes à œuvrer à «attirer de nouvelles élites et inciter les jeunes à s’engager dans l’action politique, les générations d’aujourd’hui étant les mieux placées pour connaître les problèmes et les nécessités de leur époque».

Dans le contexte actuel, marqué par les mouvements sociaux de protestation, les partis politiques gagneraient à rajeunir leurs instances décisionnelles et à mettre fin aux dysfonctionnements qui minent leur gestion dont la faiblesse de démocratie interne, l’absence d’idéologie claire dans la majorité de ces institutions, le clientélisme dans la gestion des accréditations aux élections, l’opportunisme… Il faut adopter une démarche inclusive des jeunes au sein des partis politiques. Alors que dans d’autres pays, les jeunes sont naturellement représentés dans les instances décisionnelles de leurs partis politiques et arrivent à s’imposer au plus haut sommet des responsabilités, aussi bien partisanes qu’étatiques, le chemin au Maroc n’est pas encore balisé pour l’émergence de jeunes compétences dans la majorité des formations politiques.

Les jeunes peinent en effet à accéder aux postes de responsabilité au sein de leur parti politique. Même les sections de jeunesse partisane, dont le nombre se limite à 18 pour un total de 35 partis politiques, ne parviennent pas à faire entendre leur voix auprès des dirigeants politiques, alors que ces instances sont censées jouer un rôle essentiel non seulement au niveau de l’échiquier politique, mais aussi au sein de la société en défendant les droits des jeunes, en les encadrant et en les réconciliant avec l’action politique. Sur le terrain, les actions menées par ces organisations demeurent insuffisantes. La plupart d’entre elles tâtonnent et n’arrivent pas à assumer, comme il se doit, la mission qui leur incombe. Il faut dire que les jeunesses partisanes s’essoufflent, à l’image des formations partisanes dont elles sont issues, de l’avis même de certains jeunes politiciens. Même en période électorale, leur voix est inaudible auprès des instances décisionnelles. Elles n’arrivent pas à imposer leur vision en matière de gestion des accréditations électorales, notamment celles ayant trait à la liste nationale. Ainsi, les profils qui accèdent au Parlement ne représentent pas forcément les jeunes militants des partis politiques qui n’hésitent pas à tirer à boulets rouges sur leurs dirigeants. La discrimination positive en faveur des jeunes n’a pas servi leur cause. Pour redorer le blason de l’échiquier politique auprès des jeunes, il faut mettre fin au clientélisme et au «parachutage» qui aggravent la désaffection des citoyens pour l’action politique, celle-ci ne cessant de se creuser au fil des mandats électoraux.

Par ailleurs, les formations politiques doivent vaquer à leur mission d’encadrement. C’est une prérogative dictée par la Constitution et la loi organique relative aux partis politiques, mais elle n’est visiblement pas érigée en priorité par les instances décisionnelles de la majorité des partis politiques. L’article 7 de la loi fondamentale stipule que les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques. Ils concourent à l’expression de la volonté des électeurs et participent à l’exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l’alternance par les moyens démocratiques, dans le cadre des institutions constitutionnelles. La même orientation est reprise dans l’article 2 de la loi organique relative aux partis politiques. Les formations politiques au Maroc sont ainsi appelées à se conformer aux dispositions constitutionnelles et juridiques en assumant constamment leur mission d’encadrement de la population. Le manque d’encadrement des citoyens par les partis politiques constitue un danger pour la société qui a besoin de formations partisanes crédibles. D’aucuns estiment que le défi ne peut être relevé qu’en lançant un débat national autour d’un nouveau modèle politique en vue de trouver des alternatives concrètes et de réconcilier les jeunes avec les partis politiques. Ce n’est plus un choix, mais une nécessité dictée par le contexte actuel. Pour atteindre les objectifs escomptés, il faut une véritable volonté politique de la part de tous les acteurs concernés pour réviser le modèle politique actuel, qui montre ses limites depuis des années. L’enjeu principal est de permettre aux partis politiques de «recouvrer» leur rôle en matière de médiation entre l’État et la société. 


Crise de communication politique

La crise de confiance dans l’échiquier politique est exacerbée par le discours politique qui est de plus en plus en déphasage avec les attentes des jeunes. Plus que jamais les politiciens doivent jeter les ponts de la communication avec la société en vue de mettre fin à une longue histoire d’incompréhension et de désamour. Ils doivent mettre fin à la communication saisonnière (périodes électorales) pour ficeler une véritable stratégie de communication.  Jusque-là, la pratique de la communication politique au sein de la majorité des partis politiques demeure lacunaire. Elle est en effet restée comme figée dans le temps et la plupart des politiciens et des partis politiques n’ont pu s’adapter aux changements et à l’évolution technologique. Un constat amer confirmé par le CESE: le fossé numérique entre les jeunes et l’élite politique, qui adopte toujours les formes classiques de pensée et d’action, nécessite de prendre en considération les nouveaux espaces publics des jeunes où est élaborée l’opinion publique. Le dialogue avec la jeunesse est la première piste d’action pour faire renaître la confiance dans la scène politique marocaine.



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