Pharmacie : Le marché retrouve des couleurs
L’évolution du marché pharmaceutique privé au Maroc, sur les six premiers mois de 2018, indique un décollage de la croissance après trois années de stagnation.
L’industrie pharmaceutique marocaine a tourné la page à trois années de déstabilisation dans les stocks et les prix. L’introduction du nouveau décret de fixation des prix début 2014 avait freiné les commandes au niveau des pharmacies, le temps d’écouler les stocks existant. Cette période est désormais close, ce qui se traduit par une croissance stable depuis deux ans. Selon les chiffres du marché privé, obtenus par Les Inspirations ÉCO, la croissance est autour de 4%. Entre mai 2017 et mai 2018, le marché a réalisé une croissance de la valeur de 4,9%. À la même période de l’année en 2015, la croissance était d’à peine 0,8%. C’est dire que nous nous dirigeons vers la meilleure performance du secteur depuis 2015. Le salut des industriels de la pharmacie et du médicament leur vient, une nouvelle fois, des génériques qui réalisent une croissance de 8,7% contre 2,6% pour les princeps (voir graphique).
Contraste entre volume et valeur
La croissance des ventes en volume montre un décalage entre ces deux composantes du marché, princeps et génériques. Même avec une évolution atone de 0,9%, les princeps arrivent à drainer une croissance du chiffres d’affaires de 2,6%. Les ventes, en volume, des génériques ont atteint pour leur part 3,4% tout en permettant de réaliser une évolution de la valeur de 8,7%. De facto, la croissance des volumes sur l’ensemble du marché demeure faible avec à peine 1,8% entre mai 2017 et mai 2018. Pour les entreprises du médicament au Maroc (LEEM), groupement des laboratoires internationaux basés au Maroc, «le marché demeure tiré par la croissance des génériques et des médicaments à moins de 150 DH», observe Jean Yves Gal, vice-président du LEEM et DG de Servier Maroc. Selon l’analyse réalisée par Le LEEM basée sur les chiffres du cabinet international IQVIA, «84,5% des ventes en pharmacie concernent des médicaments à un prix égal ou inférieur à 50 DH, suivis des médicaments à un prix variant entre 50 et 100 DH (12,6%), les produits avec un prix variant entre 100 et 282 DH (2,6%) et enfin les médicaments coûtant plus de 282 DH représentent à peine 0,25% des médicaments disponibles en pharmacie».
Jean Yves Gal
Vice-président de Les Entreprises du médicament au Maroc (LEEM)
Les Inspirations ÉCO : Votre commentaire sur l’évolution du marché durant le 1er semestre 2018 ?
Jean Yves Gal : Le marché évolue au même niveau qu’en 2017 et la croissance est relativement stable. Le marché est tiré par les génériques. L’évolution du marché confirme le poids des médicaments à moins de 100 DH, qui monopolise 97% des médicaments vendus. Dans cette partie, la part des princeps est de 60%, ce qui contredit l’idée que le médicament princeps est cher au Maroc.
Peut-on dire que la phase de déstabilisation liée au nouveau décret de fixation des prix est définitivement tournée ?
Oui, la variation de stock importante constatée entre 2014 et 2016 a été lissée. La période suivant l’entrée en vigueur du nouveau décret de fixation des prix a fait varier les prix mais aussi les niveaux de stock sur le marché. Aujourd’hui, nous évoluons dans un marché plus stable.
Comment les multinationales constituant le LEEM comptent-elles améliorer leur positionnement sur le marché ?
D’abord, les entreprises membres du LEEM sont présentes sur les deux marchés, génériques et princeps. Au bout du compte, ce qui nous est prioritaire c’est l’accès aux médicaments pour la population. Cet accès ne se limite pas au prix mais couvre les délais de livraison, l’information destinée au corps médical et pharmaceutique et le remboursement des traitements. D’ailleurs, nous travaillons de pair avec le gouvernement et particulièrement avec l’ANAM pour assurer le remboursement de ces médicaments. Un médicament non remboursé demeurera inaccessible à une grande partie de la population.
Ce qu’attendent les multinationales du futur patron de la DMP
Le ministère de la Santé connaîtra du changement au sein de plusieurs départements, notamment à la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP). Omar Bouazza a quitté ce poste après dix ans de service et fait l’objet d’une enquête judiciaire. La nomination d’un nouveau patron de la DMP est très attendue par les laboratoires pharmaceutiques au Maroc. «Nous n’avons pas de doléances particulières. Nous nous positionnons en bons partenaires du département de la Santé. Nous espérons un enregistrement plus rapide de nos médicaments et un accès plus fluide à l’innovation. Un changement à la DMP permettra d’injecter du sang neuf et de challenger les équipes», affirme Jean Yves Gal, vice-président de LEEM.