Les spéculateurs font gonfler la facture
Le prix du poisson atteint des sommets vertigineux en cette période de ramadan. Les consommateurs se disent victimes des spéculateurs. Une idée partagée par Abderrahmane Sarroud, président de la chambre des pêches maritimes de l’atlantique centre d’Agadir. «La marge entre la sortie de la halle aux poissons et le prix destiné au client est excessive»
Les Inspirations ÉCO: Le poisson coûte très cher en cette période de ramadan. Pourquoi ?
Abderrahmane Sarroud : Tout d’abord, il faut préciser que la hausse des prix est une pratique assez ancienne qui ne se limite pas seulement au mois sacré mais qui persiste toute l’année. Le facteur majeur expliquant cette hausse est la présence d’une multitude d’intermédiaires qui faussent le jeu et causent des dérèglements de prix. Le consommateur marocain doit impérativement savoir que l’armateur introduit le poisson débarqué au niveau des halles aux poissons gérées par l’Office national des pêches (ONT). Il est alors vendu aux enchères. Le prix de cette première vente est très loin de celui auquel il est vendu au consommateur final. A titre d’exemple, la sardine qui est le produit le plus prisé par les marocains durant le mois de Ramadan, est vendue dans les ports du sud à un prix allant de 3 à 3,5 DH/kg à l’état frais. Elle est ensuite vendue au niveau des marchés de gros à 7 DH/kg. À partir de ce moment, elle empruntera un circuit caractérisé par l’accumulation successive des marges jusqu’à un prix final pouvant dépasser les 25 DH et qui ne reflète certainement pas le prix de la première vente. On comprend donc à travers ce circuit que la responsabilité de l’armateur et du ministère de la Pêche maritime s’arrête à l’intérieur du port. À l’extérieur de celui-ci, les opérateurs de la pêche et l’administration n’interviennent sous aucune forme que ce soit dans la fixation des prix.
Comment expliquez-vous la marge entre la sortie de la halle et le prix destiné au consommateur ?
En tant que professionnel, j’estime que la marge entre la sortie de la halle et le prix destiné au consommateur est excessive et injuste, car elle porte un grave préjudice aux armateurs et marins qui supportent les charges de production et prennent des risques considérables pour ramener le poisson au consommateur. En échange, le plus gros bénéfice est accaparé par les intermédiaires. La responsabilité incombe aux instances chargées du contrôle des prix, à savoir le ministère des Affaires générales et de la Gouvernance ainsi que les services locaux de contrôle des prix qui devraient endiguer toutes les pratiques engendrant la flambée des coûts de poisson. Les collectivités locales doivent assumer leurs responsabilités et procéder aux contrôles dans les marchés de détail. La wilaya et le gouverneur disposent aussi de visions de contrôle des prix, mais malheureusement, non actives.
À maintes reprises, les professionnels des pêches
artisanale et côtière ont contesté le mode actuel de commercialisation. Qu’en dites-vous ?
Le gouvernement a consenti d’importants investissements afin de doter le pays d’une infrastructure de commercialisation moderne et performante et d’une chaîne de marchés de gros permettant aux populations des villes intérieures d’avoir accès aux produits de la mer. C’est un processus établi et auquel les professionnels se conforment et s’acquittent des droits et taxes exigées. Et ceci ne nuit aucunement à la concurrence où à la fixation des prix,malgré quelques problèmes qui surviennent de temps à autre mais qui n’engendrent pas les dérèglements de prix constatés.
À votre avis, comment pallier à cette situation ?
Les mesures à adopter pour pallier à cette situation concernent principalement l’aval de la filière car en amont, les procédures sont claires et bien rodées. Le plus gros effort doit être fait pour contrôler la chaîne d’intermédiaires et baisser les marges cumulées. Ceci prendra du temps mais les autorités compétentes disposent de tous les outils pour déclencher ce processus et rétablir les prix à des niveaux raisonnables.