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L’autre CHAN des footballeurs en exil

Un Championnat d’Afrique des Nations, réunissant des joueurs de différentes nationalités du continent, se joue chaque semaine à Rabat. Ces derniers partagent leur passion pour le ballon rond, tout en cherchant un club marocain. Immersion parmi les footballeurs immigrés.

En parallèle au CHAN des joueurs locaux qui se joue en ce moment au Maroc, Rabat accueille des rencontres entre des footballeurs de pays africains. Le 26 janvier se jouait le match entre les équipes du Congo et  de Côte d’ Ivoire. C’est au stade de Benacheur Bounif, située au quartier Yacoub Mansour à Rabat que ce groupe de footballeurs professionnels mais aussi amateurs ont disputé ce match. Cette rencontre fait partie d’un projet sportif porté par des membres des communautés subsahariennes de la ville. «C’est une occasion pour ces footballeurs, à la recherche de clubs au Maroc, de garder la forme physique et aussi de renouer les liens avec leurs communautés vivantes dans la capitale», nous explique Issa Kamongo, l’homme-orchestre de ce projet. «Notre objectif est aussi de protéger les jeunes joueurs qui arrivent au Maroc des mésaventures qui peuvent rencontrer avec les agents dans le milieu du foot», ajoute Guy Ethos, capitaine de l’équipe congolaise.

Rêve de la Botola
«Vous êtes un agent ?», nous demande, sans détour Harold, 20 ans, attaquant originaire du Congo Brazzaville. Le premier but de ce jeune footballeur  arrivé en août dernier au Maroc est de trouver une équipe marocaine pour signer son premier contrat professionnel. Harold continue son jeu offensif : «je suis à la recherche d’agent pour signer avec un club, le mercato hivernal est presque terminé». En attendant de trouver un club de la Botola Pro 1 ou 2, Harold s’entraîne avec l’équipe congolaise de Rabat. Aujourd’hui, il a déclaré forfait. «J’ai ressenti quelques douleurs à la cheville. Je préfère ne pas prendre de risque», affirme avec prudence Harold qui jouera le rôle d’arbitre dans la rencontre qui opposera le Congo et la Côte d’Ivoire sur le terrain Yacoub Mansour. Il est 11 h 00, les joueurs des deux équipes arrivent en petits groupes. Ces jeunes s’installent dans la tribune pour regarder les dernières minutes de la séance de l’équipe junior de l’Union sportive de Yacoub Mansour (USYM). Ces footballeurs sont absorbés par les déroulements de cette séance.   À l’arrivée de Guy leur capitaine, les joueurs de l’équipe congolaise sont appelés aux vestiaires. Mauvaise surprise. Pour ce match, les deux équipes n’auront pas accès aux vestiaires du stade, réservés aux juniors de l’équipe maison. Un changement de dernière minute qui ne perturbe pas la lune de miel entre les organisateurs de ce match et les dirigeants du club marocain. «Nous avons d’excellentes relations avec le président du club Yacoub Mansour. Depuis une année, nous avons obtenu son accord pour jouer dans ce stade, une fois par semaine, à titre gracieux», rappelle Issa. Les joueurs des deux équipes s’habilleront sur les bancs de touche. L’équipe entraînée par Issa organise un match chaque vendredi entre 12 et 14 h 00. Si les joueurs portent les couleurs du Congo, ils ne sont pas tous issus de ce pays. «C’est une sélection. En plus de joueurs de la RDC, nous avons des joueurs du Mali et du Sénégal», explique le coach de l’équipe. À 30 minutes du coup d’envoi, les deux équipes commencent la séance  d’échauffement. Les Congolais sont plus frais et plus disciplinés. Les Ivoiriens continuent à peaufiner leur tactique pour ce match. Pour compléter leur Onze de départ, ils ont dû faire appel à la dernière minute à un gardien de but marocain. Son nom ? «On l’appelle Evona», répond Maestro, le capitaine de l’équipe ivoirienne, Evona en référence à l’ex-star du WAC, Malik Evona. À 12 h 05, Harold, arbitre du jour, donne le coup d’envoi d’un match qui s’annonce déséquilibré entre une athlétique sélection congolaise et des vétérans ivoiriens. Que le spectacle commence…

Le petit Mabide
Sur le banc, Thiam, un jeune attaquant qui a eu la chance de jouer en Botola Pro. «J’ai évolué dans les rangs du Mouloudia d’Oujda lors de la saison 2015/16», explique-t-il, tout en gardant à un œil sur son smartphone. Après une double fracture à la cheville, le club de l’Oriental a mis fin à son contrat. «J’étais pris en charge médicalement mais le club ne pouvait pas attendre que je me remette en jambe. J’avais un arrêt d’activité de 18 mois», justifie cet international junior congolais. Aujourd’hui, il reprend les entraînements avec l’équipe de Rabat. «Le but de notre sélection, c’est de permettre aux jeunes de garder la forme à travers trois séances d’entraînement par semaine et d’avoir du temps de jeu. Ça ne pourrait que les aider lors de passage de tests en clubs marocains», précise Guy, appelé le «gentleman» par le milieu des footballeurs à Rabat. Ce dernier se dit fier d’avoir vu passer par ce stade des joueurs évoluant actuellement en Botola Pro comme Rosan Vava du KAC. Mais ce ne sont pas tous les joueurs de cette équipe qui aspirent à une carrière professionnelle. Plusieurs profils composent cette sélection. C’est le cas de Patrick, étudiant en 3e année en droit privé à la faculté d’Agdal à Rabat. «J’ai joué en clubs au Congo et je continue à pratiquer au Maroc mais comme amateur. Ma priorité ce sont les études», dit-il. Patrick n’est pas étranger au monde professionnel, son frère est Lema Mabide, une des stars du Raja de Casablanca. Fier du parcours de son aîné, Patrick nous montre les clichés de la star casablancaise. Cette route vers le sommet du foot professionnel est semée d’embûches pour les joueurs présents sur la pelouse du terrain Yacoub Mansour.

Privés de matchs
Ben, 15 ans, s’impatiente pour faire son entrée en jeu avec l’équipe congolaise. Ce talentueux meneur de jeu a été formé par le Fath Union Sport (FUS) de Rabat. «À 11 ans, il a rejoint ce club. Mais il ne peut disputer des matchs officiels, car il n’a pas à son actif 10 matchs avec la sélection de son pays d’origine, la RDC», regrette Issa. La règle de 10 matchs a été imposée par la Fédération royale marocaine de football à l’ensemble des équipes de la Botola Pro 1 et 2, afin d’améliorer la qualité des joueurs étrangers évoluant dans les champions nationales. «Or, ce jeune n’est pas vraiment un joueur étranger, car il a grandi et appris le foot au Maroc», remarque Issa. Ce jeune prodige n’est pas le seul à se retrouver dans cette situation. C’est le cas aussi d’Abdoulaye, ce défenseur d’origine malienne qui s’entraîne avec le FUS n’arrive pas à disputer des matchs officiels pour la même raison. Pour pallier à ces difficultés, Issa a lancé il y a un an, un club dédié à la formation des jeunes footballeurs (voir encadré). Retour à la pelouse du stade Yacoub Mansour. Les Congolais mènent largement au score. Les stars de l’équipe ont confirmé leur bonne forme pour entamer la phase de test avec des clubs marocains. Pour sa part, Guy a remis son brassard de capitaine à la mi-temps. Après un but marqué et une passe décisive, «place aux jeunes», glisse-t-il. Ben aura sa chance pour montrer tout son talent face à ses aînés dans cette mini-CHAN.


Guy Ethos
capitaine de l’équipe congolaise

Nous entraînons les jeunes joueurs pour qu’ils gardent la forme. Nous avons décidé aussi de les protéger des mauvaises expériences avec les agents de joueurs malintentionnés».

Issa Kamango
coach de l’équipe FC Espoir Royal

Depuis plusieurs années, nous nous entraînons avec ces jeunes. Le sport est le meilleur moyen pour leur éviter de faire des erreurs. Nous insistons aussi pour voir des clubs interculturels au sein de FC Espoir Royal».


Un projet sportif interculturel

Il y a un an, Issa a décidé de lancer le projet de club de formation dans le foot, nommé FC Sport Royal. Le club compte 33 pratiquants et deux catégories, minimes et cadets. «La spécificité, c’est que nous avons des enfants subsahariens et marocains du quartier Yacoub Mansour», se félicite Issa. Pour le moment, le club ne dispute pas de matchs officiels au sein de la Ligue du Ghrarb. «Nous avons des promesses pour intégrer la ligue la saison prochaine», assure-t-il. Pour l’heure, FC Sport Royal dispute des tournois amicaux avec des clubs des quartiers voisins. L’autre difficulté, «nous n’avons pas eu l’accord pour créer notre propre association pour le moment», déplore-t-il. Le club est sous l’aile de l’association DICOM (Diaspora Congolaise au Maroc). Ce lundi, Issa doit récupérer son lot de matériel sportif de la part de l’arrondissement de Yacoub Mansour. Un premier pas dans la reconnaissance du club par les autorités de la ville de Rabat…



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