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Inquiétude sur la Dématérialisation des formalités douanières

La décision de dématérialiser la procédure douanière D20 suscite l’inquiétude des opérateurs du TIR quant aux frais supplémentaires qu’elle a enclenchés. L’Association marocaine des transports routiers intercontinentaux sollicite une période transitoire.

Numérisation ? Oui, mais n’importe comment. Cela semble être la réaction des petites entreprises opérant dans le Transport international routier (TIR) à la décision (5749/312) de dématérialiser les procédures douanières, connues sous le nom de D20. Plusieurs opérateurs du TIR, un secteur constitué en majorité de sociétés dont la flotte ne dépasse pas trois camions, ont exprimé leur profonde inquiétude à l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure. En vertu de cette nouvelle décision, l’ancien système appelé «Tryptique» est abandonné. En revanche, une procédure «presque» entièrement dématérialisée* a été adoptée par la douane. En gros, la procédure papiers est remplacée par une autre numérique dont les opérateurs eux-mêmes doivent s’acquitter. Jusque-là, tout va bien. Or, une grande partie des opérateurs (plus de 85% selon trois interlocuteurs) ne sont, tout simplement, pas dotés d’un service informatique. De surcroît, les gérants de ces entreprises ne disposent généralement pas de locaux «en bonne et due forme», ni de personnel qualifié pour effectuer cette tâche. Cela résume-t-il les raisons pour lesquelles cette nouvelle décision suscite autant de remous auprès des opérateurs ? «Pas exhaustivement», nous répond un gérant d’une petite entreprise de TIR basée à Agadir, et opérant également dans le domaine du Transit. «Cette nouvelle procédure engendrera de nouveaux frais liés au recrutement de personnel qualifié et le cas échéant, au réaménagement des locaux sans oublier que plusieurs chefs d’entreprises sont à la fois gérants et chauffeurs, travaillant seuls dans leurs sociétés», nous explique-t-il. À en croire, Youssef Ben Bekkar, un opérateur basé aussi à Agadir et coordonnant l’action des entreprises du TIR dans cette ville, des frais supplémentaires constituent la goutte qui a fait déborder le verre. «Nous luttons déjà pour gérer la hausse des prix du gasoil et d’autres imprévus. Nous ne pouvons pas nous permettre d’autres frais», a-t-il souligné. En dehors de ces considérations de comptabilité, la nouvelle procédure prévoit des pénalités en cas d’erreur commise dans les déclarations sur le système BADR (Base automatisée des douanes en réseau). «Les erreurs sont considérées comme des fausses déclarations passibles de pénalités variant entre 2.500 et 4.500 dirhams. Elles risquent de se produire compte tenu du niveau scolaire des gérants», poursuit un opérateur du secteur.

Les opérateurs réagissent
La réaction des petites entreprises du TIR cache en filigrane un constat que les opérateurs pointent du doigt : le secteur est très mal organisé. Quelle serait la solution dans ce cas ? «Il fallait donner du temps aux opérateurs afin qu’ils puissent s’organiser et se préparer. Beaucoup n’ont pas de bureaux ni même de personnel», ajoute notre source. En outre, la récente baisse des prix estimée à 4.000 DH le voyage, par Youssef Ben Bekkar, semble très mal tomber. En tout cas, les opérateurs cités se préparent à réagir. Un mémorandum signé par plusieurs entreprises a été rédigé et sera envoyé aux associations représentatives du secteur. Celles-ci sont sollicitées, à leur tour de s’adresser aux autorités compétentes afin d’annuler cette décision.

*Un abonnement préliminaire est primordial en amont de la nouvelle procédure dématérialisée D2. Un dossier doit être constitué par les entreprises et déposé à la poste, en plus d’une somme de 1.500 DH. Une clé est ensuite accordée à l’entreprise qui lui permet d’obtenir un code de la part de la douane. Ce code donne l’accès au système BADR où on peut effectuer les formalités douanières.


Driss Bernoussi
Président de l’Association marocaine des transports routiers intercontinentaux (AMTRI).

 L’AMTRI représente plus de 1.500 sociétés qui sont en majorité des petites structures qui ont des soucis avec le concept de dématérialisation, à la mode ces derniers temps. La dématérialisation est inéluctable mais la mise en œuvre de la procédure D20 dans sa version numérisée a manqué de réalisme. Cette décision a été prise le 29 décembre 2017 avec une mise en application prévue le 2 janvier suivant. Il aurait été plus judicieux de mettre en place une période transitoire pour permettre aux entreprises de se préparer à ce changement et de se restructurer. La majorité des entreprises de transport n’ont qu’un, deux ou trois camions et ne disposent pas de matériel informatique. Il faut aussi savoir que c’est un commis de transport qui s’occupe de cette formalité à chaque entrée ou sortie du port. Et généralement, ces personnes ne sont pas dotées des compétences nécessaires pour assurer cette procédure selon les nouvelles exigences. Cela dit, un certain nombre de détails de cette procédure ne sont, en outre, pas clairs et c’est là l’origine des inquiétudes exprimées par les opérateurs. Ça nous renvoie à la question des pénalités. En cas d’erreur dans la saisie des informations sur le système, les pénalités peuvent aller jusqu’à 15.000 DH dans certains cas, un barème fixé par la loi. Nous demandons donc la mise en place d’une période transitoire à même de donner le temps nécessaire aux entreprises de se préparer. C’est le message que nous avons essayé de faire passer aux autorités. Il faut au moins deux ans pour mettre à niveau de manière graduelle les TPE opérant dans le secteur».



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