Afrique subsaharienne : «La reprise de la croissance devrait se confirmer en 2018»

Ruben Nizard, Économiste Afrique subsaharienne, Direction de la recherche économique chez COFACE
Après une reprise en 2017, la croissance des économies d’Afrique subsaharienne se confirmera en 2018. C’est l’avis de Ruben Nizard, économiste chez Coface en charge de l’Afrique subsaharienne à la Direction de la recherche économique.
Les Inspirations ÉCO: Quelles sont les perspectives économiques pour les pays africains en 2018 ?
Ruben Nizard: En 2018, la croissance en Afrique subsaharienne devrait confirmer une reprise déjà entrevue en 2017, après une année 2016 qui a été, au niveau régional, l’année de progression la plus faible depuis plus de 20 ans. Après une progression de 1,3% en 2016, Coface prévoit 2,7 % en 2017, puis 3,3 % de croissance l’année prochaine. Ce dernier chiffre de croissance reste néanmoins modeste, bien loin des 5% de croissance annuelle de la région sur la première moitié de notre décennie. Ce chiffre plus bas s’explique en partie par une reprise inégale sur le continent. Plus particulièrement, la croissance sera tirée vers le bas par les trois plus grandes économies d’Afrique subsaharienne – le Nigeria (2,0%), l’Afrique du Sud (1,2%) et l’Angola (1,5%) – pour lesquelles la croissance restera faible. Les pays producteurs de minerais et métaux sont, eux, convalescents mais connaissent globalement une reprise un peu plus vigoureuse. Les économies qui ont connu des rythmes de croissance très élevés ces dernières années, l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire par exemple, ne devraient pas voir leurs dynamiques interrompues, en dépit d’une plus grande prudence dans la dépense publique.
Comment jugez-vous les stratégies ou plans d’émergence économique lancés par plusieurs pays du continent ?
Le désendettement des pays africains, notamment accéléré par l’accord de Gleneagles en 2005, qui avait permis l’annulation de 100% du stock de la dette multilatérale d’une quinzaine de pays PPTE (pays pauvre très endetté) ayant franchi «le point d’achèvement», a été à l’origine d’un renouveau pour la planification stratégique en Afrique ces dernières années. S’appuyant sur l’investissement public, particulièrement dans les infrastructures, ils ont souvent permis aux pays d’atteindre des niveaux de croissance très élevés. Toutefois, il est encore reproché à cette croissance de ne pas être suffisamment inclusive. L’emploi et les inégalités restent ainsi élevés. Actuellement, la mise en œuvre de ces plans stratégiques a été ralentie, pour certains pays comme le Gabon, par les cours relativement bas. Pour les autres, les projets financés par de la dette, souvent domestique, pourraient pousser certains pays à opérer une consolidation fiscale.
Quel regard portez-vous sur la percée du Maroc dans les économies africaines ?
En regardant de plus près les données sur les échanges entre le royaume et l’Afrique subsaharienne, plusieurs constats s’imposent. Le premier est effectivement celui de l’augmentation des flux commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne depuis la crise de 2008. Ils ont ainsi enregistré une croissance moyenne de 9% au cours de ces 8 dernières années. Néanmoins, la part de ces échanges dans le total des échanges commerciaux du Maroc avec le monde reste faible; il n’était que de 3% en 2016. L’autre élément à prendre en compte est que la relation est particulièrement développée avec les pays d’Afrique de l’Ouest (près de 60% des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne). Si les échanges commerciaux avec l’Afrique de l’Est ont augmenté plus rapidement sur la période, ils ne représentent pas plus de 16% du total des échanges entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, à peine plus que l’Afrique centrale (12%) et l’Afrique australe (13%). Les flux d’investissements dépeignent également une domination des liens avec l’Afrique de l’Ouest, suivi par l’Afrique de l’Est. Néanmoins, à la différence des flux commerciaux, le poids des flux d’investissements prenant la direction de l’Afrique subsaharienne dans le total des investissements marocains est relativement élevé (entre 40% et 50%).
Après l’Afrique de l’Est, estimez-vous qu’il est temps que le Maroc se lance en Afrique australe anglophone, malgré les divergences politiques avec les pays de cette sous-région ?
La question politique demeure également un frein au développement des relations avec l’Afrique australe, l’Afrique du Sud en tête. La concurrence de cette dernière dans la région reste également un obstacle à l’implantation marocaine en Afrique australe. Néanmoins, compte tenu de la faible base de coopération entre ces deux entités, un engagement plus dynamique entre le royaume et cette région n’est toutefois pas à exclure.