«L’immobilier demeure rentable»

Ghali Chraïbi, Directeur général de Cafpi Maroc
2017 a-t-elle été une bonne année pour l’immobilier ?
En cette fin d’année, nous pouvons en effet faire un bilan de 2017, le comparer aux années précédentes et en tirer quelques lignes directrices pour l’année prochaine. Les réalisations de 2017 sont bien entendu extrêmement mitigées. Les promoteurs immobiliers se sont concentrés sur l’écoulement de leur stock de biens constitué depuis 2012. Cette opération de marché connaît un franc succès, notamment grâce à l’implication du secteur bancaire qui a réussi, par une politique de taux bas, un fort soutien de la demande de crédit immobilier, et donc des acquisitions. Néanmoins, les investissements et les mises en chantier sont restés extrêmement faibles, ce qui augure à notre sens une tension sur le prix des biens pour 2018, notamment pour les projets en centres-villes. Plusieurs éléments encourageants sont à relever, comme la négociation en cours entre la Fédération nationale des promoteurs immobiliers et les pouvoirs publics pour définir un nouveau cadre de promotion immobilière destiné à la classe moyenne marocaine. Ce vivier de clients, dont le besoin en termes d’acquisitions n’est ni satisfait par les projets de logements sociaux ou intermédiaires en termes qualitatifs, ni par les productions haut de gamme existantes, trop chères, constitue un fort potentiel de demande à exploiter. Nous avons également constaté, chez CAFPI, que la financiarisation du secteur a permis de repositionner l’immobilier comme valeur refuge à rendement stable dans l’esprit des gens. Les nouvelles dispositions légales sur l’investissement locatif au particulier ainsi que la nouvelle orientation des l’investissement immobilier locatif à destination des entreprises sont des aspects qui permettront, au cours des années à venir, de dynamiser le secteur.
Peut-on se positionner à l’achat,en tant qu’épargnant, suivant les taux et le prix de l’immobilier actuels ?
Bien entendu, il s’agit d’un moment opportun pour constituer une épargne dans l’immobilier. Le creux qu’a connu le secteur permet aujourd’hui à un particulier d’être plus exigeant et de mieux négocier avec son vendeur. Les prix sont donc relativement attrayants pour les acheteurs. D’autre part, la concurrence acharnée que se livrent les établissements bancaires permet d’obtenir des taux d’intérêts historiquement bas. Avec ces deux éléments combinés, le calcul de rendement d’un investissement locatif redevient intéressant avec un niveau de risque toujours aussi faible par rapport à d’autres produits qu’offre le marché. Enfin, pour attirer l’épargnant vers le secteur immobilier, des nouveaux produits financiers ont été créés qui permettent de collecter et de mutualiser l’épargne pour investir dans des programmes.
Quel taux faut-il privilégier : le fixe ou le variable ?
Notre portefeuille client étant majoritairement constitué de primo-accédant jeunes couples s’installant pour la première fois, nous privilégions et conseillons le taux fixe qui permet de mieux gérer et de piloter sa situation financière. Si l’on s’adresse en revanche à des investisseurs, nous constatons aujourd’hui que plusieurs produits se développent sur le marché tels que les financements structurés, alliant fixe et variable, ou d’autres offrant un variable plafonné, permettant de construire un rendement intéressant tout en pilotant le risque.
Quel est le placement le plus intéressant (résidentiel, entreprise…) ?
Il n’y a pas de réponse à cette question, dans l’absolu, sans tenir compte du contexte de l’investisseur et de son profil d’investissement. Nous pouvons néanmoins dire qu’aujourd’hui, l’investissement locatif aux entreprises prend un essor considérable au Maroc. Les besoins, pour les très grandes multinationales comme pour les PME marocaines, sont élevés. L’enjeu réside toujours dans la mise à niveau des biens et l’investissement que cela demande, versus la sécurité et le délai de détention par le locataire. Les entreprises sont bien entendu plus stables et répondent mieux à cette problématique. Il s’agit encore, au Maroc, d’un marché dirigé par la demande. Lorsqu’une entreprise a besoin d’un nouveau local, ces intermédiaires s’occupent non seulement de trouver le bien, de proposer son équipement et son aménagement mais aussi de «remonter également la filière» jusqu’ à provoquer l’acquisition par un investisseur privé patrimonial et ensuite présenter à l’entreprise un contrat de location. La difficulté dans ce secteur de l’immobilier professionnel reste bien entendu la taille des biens recherchées par les entreprises et la capacité d’investissement que cela nécessite. C’est pourquoi dans ce secteur pour l’épargne particulier l’enjeu est dans le développement du retail (magasin ou commerce de proximité en centre-ville de petite taille) qui permet à un particulier d’obtenir un crédit immobilier pour son acquisition et aménagement et une mise en location pour une activité professionnelle commerçante.
Le secteur comprend une large palette de placements(locatif, FCPI…). Quel est le plus intéressant ?
Chacun de ces produits répond à des besoins spécifiques. Autrement dit, le profil d’investisseur et son aversion au risque sont déterminants pour savoir quel type de solutions il faut adopter. Mais si nous devons citer une distinction triviale entre les différents produits, nous pouvons évoquer l’importance de la durée de détention souhaitée. L’enjeu de ces nouveaux fonds de placement est de proposer un placement dans l’immobilier qui reste liquide et qui permet à un investisseur de garder en tête la sécurité de pouvoir en sortir «à sa guise»; contrairement à la détention directe d’un bien, où le niveau d’engagement est de fait beaucoup plus long, et la sortie plus complexe.
Si l’on vous demande de comparer entre investir dans l’immobilier et d’autres alternatives de placements (Bourse, marché obligataire, or…), que choisiriez-vous ?
Au regard du métier que nous avons développé; mon choix est déjà fait ! Après la phase de crise longue et difficile que nous venons de vivre, il me paraît important de revenir aux fondamentaux, et la pierre en fait bien entendu partie. Par ailleurs, dans toutes les sociétés développées, l’immobilier est le socle du patrimoine des particuliers, et c’est cette tendance que nous souhaitons pour les Marocains: propriétaire de leur résidence principale d’abord, d’une résidence secondaire ensuite; la structure même de notre économie de notre tourisme et de notre géographie favorise ce principe. Sans parler de la demande de biens encore très élevée par rapport à l’offre existante, qui permet sur le long terme de prévoir une tendance des prix des biens qui va augmenter. Enfin, il apparaît aujourd’hui que, parmi les produits évoqués, seul l’immobilier a pour fondement la demande intérieure nationale, et cela, à mon sens, profite directement à notre économie.
Quelles sont vos perspectives pour 2018 ?
Depuis 2 ans, nous parlons de prémices de reprise confirmées par certains chiffres et contestées par d’autres. Selon nous, la prudence reste de mise. Le secteur doit continuer à bénéficier du soutien des pouvoirs publics, que ce soit directement au particulier en phase d’acquisition ou indirectement au promoteur immobilier. Le secteur bancaire doit poursuivre sa politique actuelle d’octroi de crédits immobiliers en termes de critères et de taux favorables. Par ailleurs, concernant les acheteurs, le travail doit être poursuivi pour restaurer leur confiance. Les différents indices de prix des actifs disponibles aujourd’hui y contribuent, la mise aux normes voire la labellisation de certains promoteurs et leurs engagements sur la qualité des constructions également. Étant aux côtés des acheteurs, nous constatons en effet chez CAFPI que le niveau de confiance de nos clients dans le marché immobilier sera déterminant pour réussir le retour à la croissance l’année prochaine.