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Régionalisation avancée : Pourquoi ça bloque encore ?

La mise en œuvre de la régionalisation avancée se heurte à plusieurs contraintes alors que le chantier est lancé depuis presque deux ans. L’élaboration d’une feuille de route concertée entre le gouvernement et les conseils régionaux s’avère une nécessité pour relever les défis et procéder au transfert effectif des compétences centrales aux régions.

L’accélération de la cadence s’impose pour le parachèvement du chantier de la régionalisation avancée dont la mise en œuvre effective piétine encore, deux ans après le lancement du processus. De l’avis de plusieurs élus régionaux, la concertation est de mise pour l’élaboration d’une feuille de route claire entre l’Exécutif et les conseils régionaux.

À ce titre, le chef de gouvernement Saâd-Eddine El Othmani émet, depuis sa nomination, des signaux positifs. La semaine dernière, à Béni Mellal, dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de communication du gouvernement avec les régions du royaume, il a annoncé l’instauration prochaine d’un contrat-programme pour relier l’État à chacune des 12 régions. Il a également récemment annoncé le projet de création d’une structure centrale de coordination avec les régions pour promouvoir leurs actions. Une initiative, si elle venait à être mise en œuvre, qui permettrait de répondre aux doléances des conseils régionaux, lesquels espèrent exercer pleinement leurs compétences propres et transférées. L’association des présidents des régions plaide pour l’approche de concertation. Elle est en train de préparer un mémorandum sur sa vision de la mise en œuvre de la régionalisation. Les défis sont de taille sur plusieurs plans : l’effectivité d’exercice de toutes les compétences des régions, la mise en œuvre de la charte de la déconcentration ainsi que la mise en place des mesures nécessaires pour le renforcement des capacités des régions sur le plan de la gestion et des ressources humaines. Le président de la région de Rabat-Salé-Kenitra, Abdessamad Sekkal, affiche son optimisme tout en estimant que les préoccupations demeurent toujours présentes. «Il est impératif d’avoir l’engagement de tous les acteurs dont les autorités locales et les partenaires publics et privés pour concrétiser les projets et programmes et arriver à un cadre contractuel entre le gouvernement et la région», signale-t-il. La mise en œuvre des plans de développement régionaux restent tributaires du financement des différents partenaires. Dans la région de Rabat-Salé-Kenitra, à titre d’exemple, la structure d’investissement global du PDR est de 46,6 MMDH alors que les ressources propres de la région sont uniquement de 5,5 MMDH, soit un taux d’à peine 11,8% en tant qu’autofinancement. Dans la région de Souss-Massa, un budget de 24 MMDH est prévu pour le financement des 25 projets prioritaires du PDR alors que les fonds propres du conseil régional ne dépassent pas 3,1 MMDH soit un taux de 12,9%. Une situation préoccupante pour certains élus régionaux qui estiment que le pouvoir décisionnel de la région est affaibli en raison de ses ressources financières limitées.

Mohamed Hanine, élu régional, critique vertement cette situation en espérant que l’approche de concertation adoptée dans l’élaboration des PDR permettra de changer la donne et de renforcer le rôle des conseils régionaux dans la mise en œuvre de leur vision de développement. Il déplore la transformation au cours des derniers mois des régions en caisses de financement des programmes d’autres institutions alors que les projets doivent émaner des conseils régionaux conformément à l’esprit de la régionalisation avancée. «Cette situation porte atteinte à l’indépendance de la décision régionale», de l’avis de Hanine.

Actuellement, les différents acteurs sont appelés à interagir positivement avec la vision des plans de développement régionaux qui ont fait l’objet de larges concertations. Une véritable stratégie est à mettre en place en vue de créer un équilibre entre la vision sectorielle gouvernementale et celle des régions. Cette convergence est on ne peut plus fondamentale, comme le précise Sekkal. Pour ce président du conseil régional, le problème de la mise en œuvre de la régionalisation n’a jamais été celui de l’adoption de décrets : «Cette approche, à elle seule, serait trop simpliste». Néanmoins, il tient à relever l’importance du parachèvement du chantier juridique de la régionalisation avancée pour mettre en place les mesures nécessaires au renforcement des capacités managériales et de celles des ressources humaines des régions. Il s’agit notamment du tant attendu décret sur les indemnités des responsables des régions qui permettra aux conseils régionaux de recruter des profils de haut niveau. À cela s’ajoute la modernisation de la gestion à travers notamment la nouvelle nomenclature du budget publiée par arrêté.

Les régions sont aussi en attente d’un autre outil de taille : la définition du statut des agences régionales d’exécution des projets. La plupart des régions ont recruté les directeurs d’agences dans l’attente des statuts pour entamer leur fonctionnement. C’est au niveau des mécanismes de contrôle de ces structures que les négociations sont en cours entre le ministère de l’Économie et des finances, celui de l’Intérieur et les présidents des régions. Il a été proposé de soumettre ces agences à un contrôle similaire à celui des établissements publics. Sauf que les présidents des régions sont visiblement réticents à cette idée et prônent la souplesse pour ne pas retarder la mise en œuvre des projets.   


Approche participative

Le chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani a tenu, vendredi dernier à Béni-Mellal, une rencontre de communication avec les membres du conseil de la région Béni-Mellal-Khénifra, consacrée à l’échange de points de vue et la discussion du programme de développement de la région selon une approche participative. Cette visite constitue une occasion pour adopter une nouvelle approche permettant d’assurer le suivi efficient et régulier des chantiers et projets de développement locaux et régionaux, accélérer leur cadence de réalisation et coordonner les efforts afin de permettre aux différentes parties de partager les données disponibles et prendre connaissance de l’orientation générale et du plan de développement de la région. Pour rappel, cette visite intervient dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de communication du gouvernement avec les régions. Ce programme a été mis en place en exécution des hautes instructions du roi Mohammed VI à l’occasion de la tenue du dernier Conseil des ministers. Et ce, en vue de s’informer de près sur les principales problématiques de développement dans les régions et les provinces et d’assurer un suivi régulier des chantiers de développement pour répondre aux aspirations de la population dans les différents domaines socio-économique et de développement. 


«Le budget n’est pas suffisant»

Brahim Hafidi
Président de la région de Souss-Mass

Les Inspirations ÉCO :  La mise en œuvre de la régionalisation est-elle uniquement liée à l’adoption des textes ?  
Brahim Hafidi : Il faut aller progressivement dans la mise en œuvre de la régionalisation. La loi organique prévoit un délai de 30 mois pour l’adoption des décrets d’application. Certains ont été déjà adoptés récemment et sont relatifs notamment au volet budgétaire. Il faut encore accélérer l’adoption de certains décrets importants comme celui ayant trait aux schémas régionaux d’aménagement du territoire. Il faut aussi mettre en place le fonds de mise à niveau sociale et le fonds de solidarité interrégional. Le problème qui se pose actuellement est celui des agences d’exécution des projets. Un retard est accusé en la matière alors que le mécanisme de mise en œuvre de la régionalisation passe par l’agence régionale d’exécution des projets. On n’a pas encore d’accord sur son statut ni même sur les mécanismes de contrôle.  

Que proposez-vous au niveau du contrôle des agences d’exécution des projets ?
Nous plaidons pour la souplesse en la matière car il s’agit d’une structure relevant de la région. Le dispositif de contrôle ne devra pas être lourd comme celui exercé sur les établissements publics pour ne pas retarder l’exécution des projets.
La multitude des procédures ne permet pas la promotion de la mise en œuvre des projets.  
Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre par les régions de leurs compétences propres ?
Le président est ordonnateur du budget depuis janvier 2016. Le Plan de développement régional est adopté. Il faut accélérer la capacité d’exécution. L’agence d’exécution des projets devra être opérationnelle pour mettre en œuvre les programmes arrêtés. Il faut recruter davantage de personnel. Mais j’estime que nous exerçons nos compétences. En effet, les sessions sont tenues et les commissions travaillent. Les projets sont déjà lancés. Il faut juste renforcer l’équipe.  

Ne pensez-vous pas que la réussite de la régionalisation passe par la charte de la déconcentration ?
La mise en œuvre du plan de développement régional nécessite de travailler avec l’administration. Peu de ministères sont déconcentrés. La charte de la déconcentration administrative va faciliter la mission des régions. La situation actuelle n’est pas favorable à l’accélération de la cadence à cause des procédures. Un directeur régional doit être doté d’un budget mais aussi du pouvoir décisionnel. Ce n’est pas le cas actuellement dans plusieurs ministères. Aussi est-il nécessaire de mettre en place la charte de la déconcentration administrative le plus tôt possible.

Le budget de la région est-il suffisant pour réaliser les projets et atteindre le développement régional escompté ?
Je vais citer le cas de notre région. Le plan de développement régional a érigé le développement économique en priorité ainsi que la création d’emploi. Nous devons entamer la mise en œuvre de quelque 25 projets prioritaires dans différents domaines. Leur réalisation nécessite un budget de 24 MMDH. Le financement propre de la région est de 3,1 MMDH. Il faut la mobilisation de presque 21 MMDH en partenariat avec les départements ministériels et le secteur privé. Le budget n’est pas suffisant pour réaliser le développement régional escompté. C’est pour cette raison que la région doit nouer des partenariats avec les départements ministériels.

Les départements ministériels et le secteur privé sont-ils impliqués avec la région dans la mise en œuvre des projets ?
Ils sont impliqués car la préparation du PDR se fait en concertation avec les différents acteurs. Les départements ministériels disposent des financements pour la région, mais actuellement on les oriente à travers les propositions du conseil. Les projets doivent émaner de la région tout en prenant en considération la stratégie nationale. 



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