CEDEAO : 42 ans d’acquis et d’échecs
Depuis sa création en 1975, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a traversé plusieurs cycles.
Un long chemin vers l’intégration
Le premier effort d’intégration des pays de l’Afrique de l’Ouest remonte à 1945, avec la création du franc CFA, la monnaie commune des huit pays de l’UEMOA. L’autre étape importante remonte à 1964, lorsque le président du Libéra, William Tubman, a proposé une union économique de l’Afrique de l’Ouest, qui a abouti à un accord signé en 1965 par la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, mais il faudra attendre 1972 pour voir l’idée d’intégration prendre véritablement forme grâce aux efforts du chef d’État du Nigeria, le général Yakubu Gowon et son homologue togolais Gnassimbé Eyadema. En 1975, le Traité de Lagos donne officiellement naissance à la CEDEAO.
Réorientation vers la paix et la sécurité
À l’origine, le Traité de Lagos visait principalement l’intégration économique. L’objectif des pères fondateurs était de combiner les forces sur les plans politique et économique pour favoriser le développement de la région, mais avec les problèmes politiques qu’a connus la région, les chefs d’États membres ont décidé, en 1993, d’adopter un Traité additionnel et d’élargir le champ de compétence de l’organisation à d’autres domaines comme la sécurité et le maintien de l’ordre. «On ne peut lutter efficacement contre la pauvreté, créer des emplois pour les jeunes, améliorer les conditions de vie des populations et promouvoir le développement économique sans ces deux facteurs», estime, à juste titre, Marcel de Souza, le président de la Commission de la CEDEAO.
Libre circulation, malgré les entraves
Selon le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel de Souza, l’organisation sous-régionale a enregistré beaucoup de progrès en 42 ans d’existence, en dépit des énormes défis qu’il a fallu surmonter. S’exprimant lors de l’ouverture de la 78e session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO, le 1er juin, à Monrovia, la capitale du Libéra, M. de Souza a souligné que «malgré les entraves, la CEDEAO est championne en Afrique dans le domaine de la libre circulation».
Monnaie unique : un horizon encore lointain
Concernant la monnaie unique, un autre projet phare de la CEDEAO, le président de la Commission pense que sa création ne peut intervenir avant 5 ou 10 ans, en raison de la non convergence actuelle des économies des États membres. Un horizon encore lointain. Pourtant, la feuille de route des chefs d’États prévoyait l’aboutissement de ce projet confié aux chefs d’États du Niger et du Ghana, à l’horizon 2020. Marcel de Souza relève que l’inflation, «un véritable problème dans nos États» est le principal obstacle à l’intégration monétaire.
Échanges commerciaux : un bilan en demi-teinte
La construction d’une union douanière et l’intégration économique faisaient partie des «rêves» des pères fondateurs. 42 ans après, force est de constater que le bilan est maigre. Certes, les pays de la CEDEAO appliquent, depuis 2015, un Tarif extérieur commun (TEC) ouvrant ainsi la voie à une union douanière, mais le volume des échanges commerciaux entre pays membres (à peine 15%) ne va pas au rythme souhaité. Ces échanges ont, il est vrai, été multiplié par cinq en dix ans, passant de 3 milliards de dollars en 2003 à 15 milliards en 2015, mais ne représentent qu’environ 15% du commerce de la région. Les pays de la CEDEAO échangent quatre fois plus avec l’Europe qu’entre eux-mêmes.
TEC : Un mécanisme qui tarde à être opérationnel
Entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015, le schéma de libéralisation des échanges (TEC/CEDEAO) n’a pas encore réussi à booster les échanges commerciaux. Certes, 13 des 15 membres ont commencé à l’appliquer, mais ses textes «ne sont pas connus et méritent d’être vulgarisés», reconnaît le président de la Commission de la CEDEAO.
Le défi infrastructurel
Si la CEDEAO peut se prévaloir d’un certain nombre de réalisations en matière de résolution des conflits, de libre circulation (lancement d’une carte d’identité biométrique commune aux 15 pays membres), il reste énormément à faire dans le domaine des infrastructures. Plusieurs projets de corridors routiers et ferroviaires ont été ficelés pour interconnecter les différentes capitales de la région, mais ces projets tardent à se concrétiser. Une situation qui entrave le commerce.
Figures historiques
Deux figures ont joué un rôle clé dans la création de la CEDEAO. Le général Yakubu Gowon, président du Nigeria à l’époque et son homologue togolais, Gnassingbé Eyadema. La tournée qu’ils ont entreprise dans la région, en 1972, a permis de faire avancer l’idée de l’intégration. Leur initiative a abouti le 28 mai 1975 à la ratification du Traité d’Abuja par les quinze chefs d’États du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Niger, du Bénin, du Libéria, de la Gambie, de Mauritanie, de la Sierra Leone, du Ghana, de la Haute Volta (actuel Burkina Faso) et de la Guinée Bissau. Il est à noter que le Cap-Vert a rejoint l’institution en 1976. La Mauritanie a pris le chemin inverse en 2000.
Dates clés
1965
La Côte d’Ivoire, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone signent un accord pour une union économique en Afrique de l’Ouest.
28 mai 1975
Ratification du Traité d’Abuja, acte fondateur de la CEDEAO.
1976
Le Cap-Vert rejoint l’institution.
1993
Révision du traité
de la CEDEAO.
2000
La Mauritanie se retire.
1er janvier 2015
Entrée en vigueur de l’accord sur l’union douanière (TEC).
Février 2017
Le Maroc dépose sa candidature pour adhérer à la CEDEAO.
Juin 2017
Le Sommet de Monrovia donne son accord de principe pour l’adhésion du Maroc.