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Réforme du Code du travail : Les syndicats affûtent leurs armes

La réforme du Code de travail est une ligne rouge pour les syndicats alors que ce point est inscrit parmi les engagements du chef de gouvernement Saâd Eddine El Othmani. Le bras de fer s’annonce serré dans le cadre du dialogue social tripartite. 

La révision du Code du travail annoncée par le chef de l’Exécutif dans sa déclaration gouvernementale devant le Parlement risque de faire l’objet d’un bras de fer serré entre l’Exécutif et les partenaires sociaux déjà sur le qui-vive. D’ailleurs, ce point arrive en tête des critiques acerbes des centrales syndicales au programme du gouvernement. Les syndicalistes opposent un niet catégorique à cette réforme décidée «unilatéralement». Le secrétaire général de l’Union marocaine du travail Miloudi Moukharik reproche au chef de gouvernement d’avoir reçu le patronat et pris en considération ses doléances avant l’élaboration de la déclaration gouvernementale alors que les syndicats ont été relégués au second plan. «Le Code du travail est le fruit d’un consensus entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. Il faut veiller à son application plutôt que de penser à son amendement», souligne le chef de file de l’UMT. Face à la positon des syndicats, le gouvernement va-t-il pouvoir mettre en œuvre son engagement ? En tout cas, la Confédération générale des entreprises du Maroc, qui appelle depuis des années à cette réforme, ne compte visiblement pas lâcher prise. La présidente de la CGEM Meriem Bensalah Chaqroun a récemment déclaré que le renforcement de la compétitivité nécessitait l’amélioration du climat social au sein des entreprises marocaines par la réglementation du droit de grève et la réforme du Code du travail qui a aujourd’hui 13 ans. Concrètement, la CGEM réclame une flexibilité responsable au service de la compétitivité et de l’emploi et en phase avec les nouveaux enjeux de l’économie marocaine et les attentes des opérateurs économiques à commencer par le volet contractuel (contrats à temps partiel, un nouveau cadre-juridique pour le télétravail…).

Au niveau du marché du travail, on estime qu’il est nécessaire de réviser la durée de l’intérim qu’il faudra ramener à au moins six mois renouvelables deux fois. De l’avis de la CGEM, quelques dispositions du code restent incomprises et rigides, sujettes à des interprétations multiples et provoquent de nombreux litiges et conflits sociaux. Les syndicats n’entendent pas accepter les propositions du patronat qui ne datent pas d’aujourd’hui. Ils critiquent vertement l’appel à la flexibilité du travail qui risque de fragiliser la situation des salariés. De leur côté, les entreprises brandissent la récente recommandation de la Banque mondiale qui plaide pour la révision du Code de travail. Dans son mémorandum sur le Maroc à l’horizon 2040, la Banque mondiale souligne que la négociation, l’adoption et la mise en œuvre de la législation de travail inspirée des conventions internationales se sont traduites par une réglementation du marché du travail lourde et restrictive. On estime que le Maroc possède des lois restrictives en ce qui concerne l’utilisation des contrats à durée déterminée (CDD). L’institution internationale relève que si la loi marocaine permet une certaine flexibilité pour ce qui concerne les heures travaillées, les heures supplémentaires et les primes pour le travail de nuit sont chères par rapport aux pratiques internationales.

À cela s’ajoute la législation marocaine concernant les congés (annuel, légal, de maternité) qui est jugée généreuse comparée à celle d’autres pays émergents et compétiteurs du Maroc.  La réglementation du travail relative au licenciement est considérée comme étant restrictive dans le secteur privé. On fait référence notamment à l’interdiction des licenciements individuels, à la réduction d’effectifs pour motif économique, au renvoi des salariés pour mauvais comportement ou performance insuffisante ainsi qu’à l’obligation pour les employeurs d’aider leurs employés à s’adapter à tout changement rendu nécessaire par leur poste ou leurs responsabilités.

La Banque mondiale appelle à une plus grande flexibilité du marché du travail pour permettre d’augmenter l’emploi notamment l’emploi formel des jeunes et des femmes et de réduire le chômage tout en préservant les salaires. Alors que le patronat salue les recommandations du mémorandum économique sur le Maroc, les syndicalistes rejettent en bloc celles ayant trait à la révision du Code du travail tout en précisant que les dispositions de cette législation, malgré leur caractère avancé, ne sont pas appliquées dans plusieurs entreprises formelles et dans le secteur informel qui échappe à tout contrôle. Les partenaires sociaux réclament plutôt la protection des droits des travailleurs en respectant le Code du travail. L’Exécutif devrait convaincre les centrales syndicales d’accepter d’ouvrir le débat sur ce projet de réforme controversé dans le cadre du dialogue social tripartite. Cette mission ne s’annonce pas de tout repos pour le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle Mohamed Yatim, d’autant plus qu’il avait tout récemment la casquette de syndicaliste. Les prochains mois s’annoncent décisifs en ce qui concerne non seulement cette réforme décriée par les syndicats mais aussi d’autres dossiers brûlants comme le projet de loi organique sur la grève qui constitue la pomme de discorde entre le gouvernement et les partenaires sociaux.

Les syndicats plaident pour la relance du dialogue social autour de ce texte de la plus haute importance et leurs doléances qui restent inchangées : l’augmentation générale des salaires et des pensions de retraite, la baisse de l’IR, le relèvement du seuil exonéré de l’IR, le respect des libertés syndicales, la mise en œuvre des points encore en suspens de l’accord du 26 avril 2011, le respect du Code du travail, l’institutionnalisation des négociations sectorielles et des conventions collectives, la nécessité de mettre en place une politique incitative pour le secteur informel.   


Des améliorations importantes

Dans son mémorandum économique sur le Maroc à l’horizon 2040, la Banque mondiale souligne les améliorations apportées par le Code du travail de 2003 par rapport à la précédente législation. Il s’agit notamment du relèvement de l’âge minimum d’accès à l’emploi de 12 à 15 ans, la réduction de la durée moyenne hebdomadaire du travail de 48 à 44 heures, l’appel à la révision régulière des salaires minimum, l’amélioration de la santé au travail et des normes de sécurité, la promotion de l’équité sur le lieu de travail en garantissant l’égalité entre hommes et femmes et encourageant l’emploi des personnes handicapées et la garantie du droit d’association et de la négociation collective ainsi que l’interdiction aux employeurs d’engager des actions à l’encontre de leurs salariés au prétexte qu’ils sont membres d’un syndicat. La Banque mondiale rappelle un constat important du Haut-commissariat au plan : le Code du travail marocain ne régit les relations du travail que pour une minorité de salariés sur le marché du travail. Seule une minorité des travailleurs bénéficie d’un système de protection sociale.



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