Investissement : Pourquoi la région est à la traîne
En dépit de ses multiples atouts, Guelmim-Oued Noun accuse un grand retard en matière d’investissement. Foncier, infrastructures, ressources humaines…Les élus et hommes d’affaires analysent la situation de la région.
Pour sa 10e étape, la Caravane des régions des Inspirations ÉCO a jeté son dévolu sur Guelmim-Oued Noun. Une conférence-débat a été organisée, mercredi 3 mai, au siège du Conseil régional. L’objectif, comme à chaque fois, est de passer au peigne fin la question de l’investissement et du climat des affaires au niveau de la région dans la perspective de remédier aux contraintes et obstacles rencontrés par les entrepreneurs. Président et élus de la région, Conseil provincial, Centre régional d’investissement (CRI), Chambre de commerce et d’industrie, investisseurs et hommes d’affaires…tous les acteurs de la région ont pris part à cet événement. D’entrée de jeu, Abderrahim Ben Bouaida, président du Conseil régional, a planté le décor : «Guelmim-Oued Noun est très en retard en matière d’attraction des investissements». Pour lui, le principal obstacle est d’abord culturel. «Pendant longtemps, cette région a compté sur les aides de l’État. Aujourd’hui, il faut changer cette mentalité et entrer dans une logique de production. Il n’y pas de Maroc utile et un autre inutile, mais un Maroc productif et un autre improductif», poursuit-il. Pourtant, Guelmim-Oued Noun a tous les atouts pour se hisser au rang des régions importantes du royaume sur le plan économique.
Potentiel sous-exploité
Youssef Atarguine s’est chargé de donner une vision globale sur les atouts de la région. Selon le directeur du CRI, Guelmim-Oued Noun renferme un potentiel de développement s’articulant autour de plusieurs piliers de croissance traditionnels. Il en va ainsi de l’agriculture, avec un positionnement particulier sur des cultures à haute valeur ajoutée. À titre d’exemple, la région est leader national dans la production de cactus ou «or vert», avec plus de 50.000 ha et une production annuelle dépassant les 280.000 tonnes. Le tourisme est aussi un secteur important. La région offre un produit touristique spécifique basé sur le balnéaire en complément avec l’écologique, le culturel, l’aventure et le thermalisme. La pêche et la valorisation des produits de la mer occupent aussi une place importante dans l’économie de la région. Enfin, s’agissant des mines, la composition géologique de la région indique un sous-sol riche en minerais et un gisement important de roches ornementales. «Notre région dispose également de plusieurs atouts offrant la possibilité d’émergence de filières nouvelles comme l’aquaculture, la logistique et les énergies renouvelables, solaire et éolien», précise Youssef Atarguine. Néanmoins, si les atouts sont multiples, les défis ne maquent pas non plus.
Contraintes
Comme aux étapes précédentes, le foncier a été pointé du doigt comme étant l’un des principaux obstacles à l’investissement. «Il y a une absence des terres de l’État au niveau de la région, et on sait que la mobilisation de ce type de foncier a dynamisé l’investissement dans les autres régions. Aussi, les documents d’urbanisme sont compliqués et n’accompagnent pas la dynamique de l’investissement», déplore Youssef Atarguine. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie soulève un autre problème lié au foncier : «La plupart des terrains ne disposent pas de titre foncier. Et cela engendre des difficultés dans l’accès au financement, parce que la banque exige ce document avant d’accorder un crédit», explique Houssein Alioua. Le manque des infrastructures et des espaces de vie est un autre handicap. «Entre investir à Casablanca ou Tanger et Guelmim, le choix et vite fait. Il faut développer des centres urbains attractifs, autour de Sidi Ifni et Tan-Tan par exemple», propose le directeur du CRI. Les ressources humaines sont également citées parmi les obstacles. «On forme,chaque année, quelque 1.500 lauréats mais, faute de débouchés, ils partent ailleurs et la région n’en profitent pas», déplore le président du Conseil régional. Pour lui, les défis sont multiples et sans une volonté politique commune et une coordination entre tous les intervenants, le résultat ne sera pas au rendez-vous.
Abderrahim Ben Bouaida,
Président du Conseil régional
En dépit de ses multiples atouts, Guelmim-Oued Noun est très en retard en matière d’attraction des investissements. Les contraintes et obstacles sont d’abord culturels avant d’être économiques. C’est pourquoi le débat autour de l’investissement doit être durable et non pas saisonnier. Aussi, il doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie long-termiste qui implique toutes les parties prenantes. Pour attirer les investisseurs, il faut agir sur plusieurs leviers : foncier, avantages fiscaux, facilitation des procédures…»
Youssef Atarguine,
Directeur du Centre régional d’investissement (CRI)
La région a réalisé en 2014 la plus forte croissance du PIB au niveau national. Cela en dit long sur son potentiel. Mais l’investissement, qui est le moteur de la croissance, rencontre plusieurs difficultés qui empêchent son développement. Le foncier et les complications des documents d’urbanisme, manque d’infrastructures, rareté des ressources hydriques, ressources humaines…Il faut donc limiter l’impact de ces contraintes sur l’investissement».
Houssein Alioua,
Président de la Chambre de commerce, d’industrie et de service
La réactivation du Comité régional de l’environnement des affaires peut régler une partie des problèmes que connait la région. Le reste demandera un engagement de la part de tous les intervenants, l’État compris. Faciliter l’accès au foncier, réduire le coût de l’énergie, la promotion…il faut une volonté politique et une mutualisation des efforts».