Cour des comptes : Les «petites bombes» du rapport 2015
Comme de coutume, le rapport de la Cour des comptes est un moment d’une grande importance qui permet aux organismes visités de se remettre en question et de rectifier le tir tant que c’est encore possible.
Dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles, la Cour des comptes effectue des missions à caractère pédagogique et préventif et tous les ans, ses audits sont attendus et par l’opinion publique et par la presse. C’est que ces rapports mettent en lumière la gouvernance mais peuvent aussi revêtir un aspect coercitif à travers la saisine du ministère de la Justice, comme c’est le cas pour 8 affaires justifiant des sanctions pénales dans le rapport 2015 de Cour, qui vient d’ailleurs d’être rendu public.
Le document comporte, comme c’est de coutume dans les rapports de l’institution de Driss Jettou, des éléments de vérité mettant à nu les insuffisances d’organisation et de gestion des organismes publics ainsi que des propositions de correction. Durant l’année 2015, la Cour a effectué 28 missions de contrôle et d’évaluation des projets publics. Elle a rendu 399 arrêts en matière de vérification et de jugement des comptes et 25 arrêts concernant la discipline budgétaire et financière. Ainsi, en respect de la loi, le rapport est d’abord présenté au Souverain avant d’être rendu public. L’apport de la Cour des comptes et ses antennes régionales qui se sont adaptées aux nombre des régions que compte le pays désormais, est inestimable.
Dans un contexte marqué par des difficultés d’accéder à l’information financière et de gestion de la plupart des organismes publics, la Cour ouvre une brèche. Elle permet de redresser la barre avant que ce ne soit trop tard en mettant le doigt sur les vrais problèmes. Dans le rapport que les Inspirations ÉCO a décortiqué, il y a lieu de s’intéresser à des organismes publics d’une grande importance. C’est le cas par exemple des Centres régionaux d’investissement qui ont besoin d’un électrochoc pour être mieux à l’écoute des besoins locaux et régionaux des porteurs de projets. Idem pour le Fonds d’équipement communal qui semble perdre de vue sa mission d’accompagnement et de financement des collectivités territoriales.
Le rapport attire aussi l’attention du département de la Formation professionnelle qui doit avoir une meilleure visibilité sur les besoins et surtout une stratégie intégrée et adaptée qui peine à voir le jour. Plusieurs autres secteurs ont profité, pour ainsi dire, du regard scrutateur de la cour des compte. Parmi eux, l’ONCF, Barid Al Maghrib, l’audiovisuel, le fond routier, le Fonds de développement rural et des zones montagneuses… La liste est longue et ….accablante.
Rapport de la Cour des comptes : PLUIE D’ABBERRATIONS
La SMIT, l’OFEC, Barid Al-Maghrib, l’ONCF…les défaillances relevées par l’institution dirigée par Driss Jettou sont multiples. La sonnette d’alarme est tirée.
OFEC
4 événements en… 40 ans !
L’Office des foires et expositions de Casablanca (OFEC) a été épinglé par la Cour des comptes sur son cœur de métier. Les magistrats ont en effet constaté que «durant une quarantaine d’années d’existence, l’OFEC n’a pu créer et pérenniser que quatre évènements, qui, au demeurant, sont organisés par d’autres acteurs privés». Selon la Cour, une telle faiblesse du taux de création de nouveaux concepts par l’OFEC montre un manque de stratégie et de visibilité. De surcroît, neuf des 64 évènements organisés sur la période de 2009 à 2014, soit un taux de 14% des évènements organisés, sont réservés à la vente directe. «Il en résulte que le rôle de l’Office s’est réduit à un suivi administratif et financier des contrats de location d’espaces», constate la Cour. Et d’ajouter qu’une une telle conception de son métier va à l’encontre de la compétence que lui a affectée le dahir à sa création de 1977, c’est à dire l’organisation, la gestion et la liquidation des foires et expositions générales et spécialisées. Autre constat dressé par la Cour : après une quarantaine d’années d’existence, l’Office dirigé par Aziz Alami Gouraftei n’est toujours pas membre de l’Union des foires internationales (UFI). Cette absence a influencé négativement l’évolution de l’OFEC, en particulier, et du secteur des foires et salons au Maroc en général.
En effet, l’UFI, en tant qu’association internationale constituée depuis 1925 et avec plus de 670 membres est une source importante de normes internationales en vigueur dans le secteur, comme elle est aussi un espace privilégié de contacts et d’échanges d’expériences.
Barid Al-Maghrib
Alerte sur la qualité
Les réalisations des métiers principaux du groupe Barid Al-Maghrib (BAM) ont atteint un taux globalement satisfaisant, à l’exception des nouveaux métiers relatifs aux activités numériques et au transport et logistique qui n’arrivent pas à décoller. C’est le constat dressé par les magistrats de la Cour. Dans le détail, le volume du courrier s’est inscrit dans une tendance baissière. En outre, la dématérialisation croissante du courrier, qui est une tendance mondiale et la rationalisation des envois par les grands comptes (notamment les banques) constituent une réelle menace pour l’activité courrier, longtemps considéré comme le cœur du métier de BAM. Par ailleurs, pour les colis, BAM a essayé d’atteindre son objectif stratégique en réalisant une opération de croissance externe par l’acquisition en 2013 de la société SDTM pour un montant équivalent à 103,1 MDH. Néanmoins, malgré les quelques résultats obtenus, les synergies promises de cette opération sont restées limitées. Par ailleurs, la répartition du chiffre d’affaires montre la faiblesse de la messagerie internationale. Cela est dû à la forte concurrence des «expressistes» autorisés (DHL, UPS, TNT, etc.), ce qui soulève des questions sérieuses quant à la préparation du groupe BAM à la libéralisation du secteur. S’agissant de la qualité de service, les résultats réalisés restent insuffisants, étant donné qu’en 2014, le taux de «délai bout en bout» (BEB) du courrier réalisé en j+2 était de 53% contre un objectif de 85%. De même, la Cour a noté que le non-retour des accusés de réception du courrier recommandé constitue 68% des réclamations relatives à l’activité courrier.
Tourisme
À quoi sert la SMIT ?
Dans le cadre de la promotion des investissements touristiques, le bilan de l’action de la Société marocaine des investissements touristiques (SMIT) entre 2012 et 2015 fait état de 158 prospects touchés. Toutefois, «cela n’a abouti qu’à la signature de trois conventions seulement, tandis que le bilan des participations aux forums est nul en termes de conclusion de conventions et contrats», relève la Cour des comptes. Aussi, au vu des faibles contributions de la SMIT dans ce domaine, il est possible de conclure qu’après plus de huit ans d’existence, la société n’a pas pu développer une réelle activité de démarchage lui permettant de participer activement à la promotion des investissements touristiques. Selon les magistrats de la juridiction financière, la contribution de la SMIT à la mise en œuvre de la Vision 2020 est très faible.
À ce titre, il a été remarqué que la société s’est engagée, depuis le lancement de la Vision 2020 jusqu’à 2015, dans une série d’études qui ont pour objectif l’identification de produits touristiques et la proposition de travaux d’aménagement déterminés. Et ceci sans pour autant pouvoir amorcer une vraie dynamique de mise en œuvre des produits touristiques proprement dits, tels que définis dans les contrats-programmes régionaux (CPR). «Ceci témoigne du manque, de la part de la SMIT, d’une planification préalable susceptible de rendre opérationnels les programmes découlant de ladite vision», conclut la cour. Ainsi, selon les données du ministère du Tourisme, le taux de réalisation des projets issus des CPR est uniquement de 0,29% à fin juin 2015. En plus de ce qui précède, l’analyse de certains indicateurs comptables et financiers de la SMIT alerte sur des éléments de fragilité. En effet, sur toute la période 2010-2014, le résultat d’exploitation est négatif.
Archives du Maroc. Une collecte inachevée
Archives du Maroc n’assure pas sa mission fondamentale, à savoir la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine archivistique national, constate la Cour des comptes. Celle-ci rappelle que le parachèvement de la collecte des archives de la Bibliothèque nationale est confronté à des divergences dans l’interprétation de certains documents à transférer à l’établissement Archives du Maroc. «La loi relative aux archives n’a pas prévu de mesures afférentes au refus ou au retard de versement des archives par les organismes producteurs, ce qui pourrait affaiblir le pouvoir de l’établissement dans la collecte des archives définitives», note le rapport. S’agissant des archives disponibles dans les locaux de l’établissement, la Cour précise que leur volumétrie s’élève à 2.600 mètres linéaires (ml) seulement, une quantité limitée par rapport au volume global des archives nationales, estimé à des centaines de milliers de mètres linéaires.
ONCF. Retard sur toute la ligne
La Cour des comptes a relevé plusieurs dysfonctionnements quant à la gestion de l’Office national des chemins des fers (ONCF). Ainsi, s’agissant de l’infrastructure et des équipements ferroviaires, les magistrats ont constaté nombre d’aberrations : une multiplicité des référentiels régissant l’infrastructure, la non généralisation de la gestion informatisée de l’infrastructure, la planification manuelle de la maintenance et la non informatisation de la gestion, l’insuffisance de traçabilité des contrôles de proximité, la prise en charge tardive de la maintenance des ouvrages d’art et suivi insuffisant d’indicateurs de performance de la maintenance… Par ailleurs, concernant la gestion de l’infrastructure et de la circulation, les magistrats ont émis plusieurs observations : des carences dans la gestion des embranchements, la nécessité de l’amélioration de la gestion des traversées de la voie ferrée, les quais des gares ne facilitant pas l’accès des voyageurs aux trains, la non mise en œuvre des mesures pour l’optimisation de la consommation d’énergie de traction.
La maintenance n’est pas en reste puisque l’office dirigé par Mohamed Rabie Khlie a été épinglé sur cet aspect. Ainsi, le constat n’est qu’une part significative du programme annuel qui n’est pas exécuté ; les visites et révisions sont faites au-delà des limites fixées par les normes de maintenance ; de nombreux matériels roulants circulent avec des restrictions temporaires ; un nombre important de demandes de matières nécessaires aux opérations de maintenance du matériel roulant sont non satisfaites ou satisfaites avec un grand retard, ce qui impacte négativement l’exécution du programme de maintenance. Enfin, s’agissant des cessions du matériel réformé, les magistrats ont relevé des cessions directes sans recours, dans certains cas, à un appel à la concurrence. De plus, l’approbation des contrats de cessions se fait par des responsables autres que l’autorité compétente.
Le Fonds du service universel des télécommunications (FSUT). ça navigue à vue !
L’évaluation de la gestion du FSUT a donné lieu à plusieurs observations concernant les programmes retenus par le Comité de gestion du service universel des télécommunications (CGSUT). Ces programmes ont été définis dans le cadre de la note d’orientations générales (NOG) relative au service universel des télécommunications pour la période 2006-2008.
Au-delà de l’année 2008, aucun cadre stratégique n’a été mis en place pour le service universel et plusieurs opérations ont ainsi été financées par le FSUT en l’absence d’un cadre intégré. Par ailleurs, les réalisations de ce fonds restent en deçà des objectifs stratégiques qui lui ont été assignés, surtout en matière de réduction de l’écart numérique et social. De manière générale, un retard dans la réalisation des programmes et l’insuffisance de leur suivi ont été également relevés. Le retard accusé pour la réalisation des programmes relevant du service universel montre, selon le rapport, un manque de planification et de visibilité.
En effet, les questions relatives à la définition des programmes, au montage des opérations, à la gestion des projets et à la constitution des instances et des équipes chargées de la mise en œuvre n’ont pas été discutées et validées dans la phase préalable de planification et de préparation.
Ministère de la justice
Marchés publics sans visibilité
En épluchant les programmes d’investissement du ministère de la Justice et des libertés, la Cour des comptes a relevé l’absence d’une vision claire dans la programmation des projets faisant l’objet de marchés publics, ce qui se traduit dans certains cas, par la modification du lieu d’implantation des projets. «Le ministère a prévu la réalisation d’un ensemble de projets sans arrêter les besoins à satisfaire, et sans étudier leur faisabilité; ce qui a abouti à l’abandon de ces projets après engagement de dépenses importantes», soulève le rapport. Il s’agit notamment des cas du Tribunal de commerce de Rabat, du marché d’extension et d’aménagement du Centre d’archives de Salé et du projet de construction du Tribunal de première instance de Ben Ahmed. Outre l’insuffisance ou l’indisponibilité des études préalables, les juges de la Cour constatent que plusieurs projets ont connu un début d’exécution avant l’assainissement de la situation foncière des terrains sur lesquels ils seront édifiés, comme ce fut le cas de la construction des tribunaux de première instance de Tanger et Taza.
Stocks de sécurité. Des sanctions inappliquées
La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme en traitant le dossier des stocks de sécurité des produits pétroliers, marqués selon elle par une insuffisance structurelle par rapport au niveau prévu par la réglementation qui est de 60 jours de consommation pour les produits raffinés chez les distributeurs. Pour le gasoil, observe ledit rapport, les stocks disponibles à fin 2015 ne permettaient de couvrir, en moyenne, que 24,1 jours de consommation. Pour le butane, ces stocks ne couvraient que 27,5 jours de consommation en 2015. Pis encore, dans plusieurs cas, à l’intérieur de la même année, les stocks atteignent des niveaux critiques ne dépassant pas 10 jours de consommation.
Par ailleurs, la Cour des comptes constate que les sanctions prévues par la loi «ne sont jamais appliquées contre des opérateurs qui se trouvent structurellement en défaut par rapport aux obligations de stockage prévues, notamment pour les produits pétroliers».
Audiovisuel. SNRT et 2M dans la tourmente
Plusieurs insuffisances ont été relevées dans la gestion de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT) et de la SOREAD-2M. En ce qui concerne la SNRT, le rapport souligne une dépendance accrue aux subventions de l’État et une réelle régression du chiffre d’affaires réalisé. Ce dernier ne couvre même pas les charges d’exploitation qui ont représenté environ deux fois le chiffre d’affaires durant la période 2009-2015. Cette situation s’explique par la faiblesse des recettes publicitaires, qui n’ont pas dépassé 169 MDH en 2015 et l’importance des charges du personnel ayant atteint 520 MDH pendant la même année.
Par ailleurs, les contrats-programmes ont été conclus avec la SNRT sans qu’elle ne dispose d’une comptabilité analytique lui permettant d’évaluer le coût effectif de ses obligations. De ce fait, les estimations du coût effectif de ses engagements restent approximatives. Concernant la SOREAD-2M, ses agrégats comptables et financiers témoignent d’une situation financière alarmante selon le rapport. En effet, les résultats de la SOREAD sont négatifs depuis 2008, du fait que son chiffre d’affaire n’arrive pas à absorber le total de ses charges. Son résultat financier devient donc déficitaire de manière structurelle.
Centres régionaux d’investissement
Les recommandations ne manquent pas
Un focus particulier a été fait sur les Centres régionaux d’investissements (CRI). Depuis leurs lancements en 2002, les 16 CRI que comptait le pays ont certes contribué à réduire les délais de création d’entreprises, en offrant des services de guichet unique, mais ces structures souffrent de plusieurs maux que les inspecteurs de la cour ont relevés. Il s’agit principalement de l’absence d’une stratégie commune aux CRI, se contentant seulement de plans d’actions propres à chaque Centre régional. Le rapport a également pointé du doigt l’absence d’un statut particulier du personnel des CRI ainsi que la dépendance financière de ces structures vis-à-vis des subventions de l’État. S’y ajoutent un déficit en interconnexion informatique des CRI avec leurs partenaires, une représentation limitée des administrations au sein du guichet unique et l’absence d’un système unique de paiement des frais de création. Un autre point négatif souvent reproché aux CRI consiste en l’absence de suivi des entreprises créées ainsi que de leur rôle limité dans la déclinaison des politiques nationales au niveau local. Enfin, le rapport attire l’attention sur l’absence d’un cadre juridique qui régit la Commission régionale d’investissement. Justement, la lettre royale du 9 janvier 2002, portant création des CRI, a prévu la mise en place de cette commission. Ensuite, deux circulaires du ministre de l’Intérieur (en 2002 et 2010) ont juste précisé leur rôle sans fixer les modalités de sa composition, son organisation et son fonctionnement.
Fonds d’équipement communal
Faible participation au financement des collectivités locales
La Cour des comptes n’a pas été tendre avec le Fonds d’équipement communal (FEC) qui aurait dévié de sa mission principale, à savoir assister financièrement et techniquement les collectivités territoriales, leurs groupements et des établissements publics locaux. Certes, l’investissement local a triplé entre 2003 et 2012, pour atteindre 12 MMDH, mais le FEC n’a pas pu développer une ingénierie financière capable de faire de l’emprunt un vecteur de développement local. Selon le rapport, sa contribution au financement des collectivités territoriales demeure faible, pas plus de 5%, selon les données de 2013. C’est en fait un débat qui mérite d’être rouvert sur la vraie vocation du FEC qui s’apparente de plus en plus à une banque commerciale normale, estime cette source. En douze ans (entre 2003 et 2014), le nombre des collectivités territoriales qui ont bénéficié des prêts du FEC ne dépasse pas 620 collectivités, soit 38,9% de l’ensemble des collectivités territoriales toutes catégories confondues. Il n’empêche que le FEC totalise des résultats importants, d’ailleurs il a versé plus de 500 MDH à l’État durant trois ans, entre 2013 et 2015, mais sans pour autant que les collectivités territoriales bénéficient de ces résultats importants.
Aderee. Une mission floue
Voilà six ans que l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (ADEREE) existe. Son budget est passé de 41 MDH en 2009 à 55 MDH, en 2015, mais ses charges sociales s’élèvent à 32 MDH. La mission de la Cour des comptes dans cette entité a révélé un certain nombre de faiblesses, à commencer par son rôle dans la mise en œuvre de la stratégie énergétique nationale, qui n’est pas suffisamment défini. Ce manque de visibilité a empêché l’ADEREE de développer des plans d’action en harmonie avec la stratégie de développement des énergies renouvelables. Sans tourner autour du pot, le rapport de la Cour des compte en est venu à la conclusion que les projets initiés par l’agence pendant la période 2010 à 2015 n’ont pas eu d’impact direct sur l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale.
Dans une tentative d’explication de ce problème, le rapport s’interroge sur le fait que l’agence soit restée cantonnée dans ses premières missions lorsqu’elle était un centre de développement des énergies renouvelables (CDER). C’est peut être la raison pour laquelle l’Agence s’investit dans des études à caractère général au détriment de la concrétisation de programmes ayant une plus-value opérationnelle.
À ce titre, l’essentiel des projets menés par l’Agence durant la période examinée, toutes filières confondues, ont concerné l’identification et l’évaluation du potentiel énergétique et non sa mobilisation. Au même titre que l’ADEREE, la société d’investissements énergétiques (SIE) souffre aussi, selon le rapport, d’un objet social large. Et même la révision de sa stratégie en 2012 n’a pas pu corriger le positionnement de la SIE dans le paysage institutionnel, ni formaliser les objectifs stratégiques assignés au secteur. N’y allant pas par le dos de la cuillère, la Cour des compte a indiqué que l’intervention de la SIE se fait sans coordination avec les autres acteurs stratégiques nationaux, à savoir l’ADEREE, MASEN et l’ONEE. Et d’enfoncer le clou en ajoutant que depuis sa création, la SIE n’a pu développer qu’un seul projet en l’occurrence «Sala Noor». Cela s’explique, ajoute le rapport, par la diversification du portefeuille de la SIE et son implication dans plusieurs domaines d’activité, ce qui a entraîné des difficultés dans ladite exécution.
Régions, la situation n’est pas rose !
Gabégie, mauvaise gestion, dysfonctionnements urbanistiques…encore une fois, le palmarès des régions est catastrophique.
Couacs à la Régie autonome intercommunale de distribution d’eau et d’électricité de Larache
Dans la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, les griefs de la Cour régionale des comptes ont porté sur la gouvernance au sein de la Régie autonome intercommunale de distribution d’eau et d’électricité de la province de Larache (RADEEL). Il s’agit, entre autres, du retard pris lors de la nomination de l’ensemble des membres du Conseil d’administration et la faible fréquence de la tenue des réunions des comités de direction et d’audit. Ce n’est pas tout, puisque les magistrats ont relevé aussi l’absence d’un manuel de procédures comptables et une carence dans le traitement informatique des opérations comptables. À cela s’ajoute le risque qu’encourt la régie à cause de l’accumulation des créances non recouvrées et du dépassement du délai légal de paiement des soldes fournisseurs. «Certains comptes bancaires ont été ouverts sans autorisation du ministère de l’Économie», ajoute la Cour régionale des comptes. S’agissant de la gestion comptable, cette dernière a été diagnostiquée défaillante à cause de l’absence d’un système de comptabilité analytique. Il y a aussi l’incapacité «à justifier les immobilisations corporelles inscrites dans les comptes par un inventaire physique». Il faut savoir que la valeur nette de ces immobilisations atteint 531 MDH en 2014, soit 53% du total bilan dont le montant est de 996 MDH. Pire encore, la régie n’a donné aucun justificatif pour le non-recours à la concurrence pour 17 bons de commande d’un montant 1,46 MDH et sur la base d’un échantillon composé de 70 bons de commande. La cour a aussi noté que sur 47 bons de commande, 22 d’un montant de 1,58 MDH ont une «fausse imputation comptable».
Recettes communales mal gérées à Tétouan, Martil et Chefchaouen
Dans les communes de Tétouan et Chefchaouen, la cour régionale, a relevé une absence d’une vision stratégique de la gestion et du contrôle des recettes, une insuffisance des moyens humains et des logiciels informatiques. Il y a aussi une insuffisance dans la détermination de la taxe sur les terrains non bâtis au niveau des communes de Tétouan et de Martil. Ce qui a engendré un manque à gagner de 53,40 MDH entre janvier 2008 et le 31 décembre 2014. À cela s’ajoute le non-recensement des redevables de la taxe sur les débits de boissons par la commune de Chefchaouen. Quant à celle de Martil, cette dernière ne contrôle pas régulièrement les occupations du domaine public communal.
Urbanisme Défaillant à Assilah, Oued Laou et Al Bahraouienne
Dans ces communes, il a été constaté un retard dans la réalisation des documents urbanistiques. Ainsi à Oued Laou, la mise en œuvre du plan d’aménagement a pris 4 ans. C’est le même temps que la modification de ce plan avait pris au niveau d’Assilah. Quant à celui de la commune Al Bahraouienne, il n’a pas été publié à la date de la réalisation du rapport de la Cour régionale des comptes. Cette dernière a aussi constaté la délivrance de certains permis «en méconnaissance des dispositions légales et sans prendre compte de celles des documents d’urbanisme». Et il y a les autorisations d’opérations de construction sans l’aval des autorités administratives et techniques compétentes et les autorisations de morcellement ou de construction illégales. Ce n’est pas tout, puisque les magistrats de Jettou ont mis la main sur des octrois d’exonérations fiscales à des promoteurs immobiliers qui ne remplissent pas les conditions requises.
Région Casablanca- Settat. Des dysfonctionnements à la pelle
La Cour régionale des comptes de la Région Casablanca-Settat a réalisé 8 missions de contrôle au titre de l’année 2015. Des insuffisances ont été notées au niveau de la gestion du contentieux par la commune urbaine de Casablanca qui n’a pas géré convenablement le contrat de gestion déléguée des abattoirs communaux et des contrats d’exploitation du marché de gros des fruits et des légumes ainsi que des parcs des jeux. De même, il a été constaté une absence d’une vision claire en matière de gestion des 397 hectares des espaces verts de Casablanca. La gestion déléguée de la décharge publique contrôlée de la préfecture de Mohammedia et de la province de Benslimane a été également critiquée. Le retard dans la réalisation des investissements prévus par le contrat de gestion déléguée et les insuffisances au niveau de l’exploitation de la décharge, de la gestion financière du contrat de gestion figurent sur la liste des remarques de la Cour des comptes régionale. Le transport public urbain par autobus géré par la société M’Dina Bus n’est pas en reste. Les investissements sont jugés insuffisants par cette instance. À titre d’exemple et durant la période 2009-2014, la société M’Dina Bus s’est limitée à un niveau d’investissement de 248 MDH, au lieu de l’investissement contractuel prévu de 772 MDH, pour notamment l’acquisition de nouveaux autobus. Actuellement, la société utilise un parc d’autobus vétustes mis en circulation depuis 1988 en France. Autre remarque. M’Dina Bus a procédé à l’augmentation des tarifs appliqués sans l’autorisation préalable du comité de suivi et de l’autorité délégante.
La Radeema de Marrakech-Safi pointée du doigt
La Région Marrakech-Safi a été contrôlée 8 fois au cours de l’année 2015. Les missions de la Cour des comptes régionale ont concerné les collectivités territoriales Ait Abbass, Bouzmour, Ghmate, Oulad Hassoun, Oulad Mtaa, et Sidi Abdellah, ainsi que la Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Marrakech. Les juges de la Cour des comptes ont notamment remarqué le faible taux de réalisation des projets prévu par le plan de développement communal, l’absence dans certaines communes d’organigrammes approuvés par l’autorité de tutelle et l’insuffisance de la gestion des recettes, des dépenses et du patrimoine communal. Par ailleurs, plusieurs défaillances et des insuffisances ont été enregistrées au niveau de la Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Marrakech (RADEEMA). Retard en matière d’exécution des projets du Plan directeur d’assainissement liquide, réalisation de projets non programmés et retard des opérations d’audit de marchés publics, dont le montant excède 5 MDH. De même, il a été souligné l’emploi financier de l’excédent de trésorerie sans l’autorisation de la tutelle. Ce n’est pas tout. Des insuffisances ont été relevées au niveau de la mise en œuvre du projet de réhabilitation du réseau d’assainissement, et des projets réalisés dans le cadre de l’Initiative nationale de développement humain. Le rapport a noté aussi des défaillances en matière de contrôle et de gestion des eaux résiduaires industrielles.
Région Fès-Meknès. des abattoirs qui tournent mal
Plusieurs insuffisances ont été soulevées par la Cour régionale des comptes de la Région Fès-Meknès, en matière du respect des spécifications et des normes de sécurité sanitaire et des règles d’hygiène. Le rapport a montré que l’état actuel des abattoirs communaux de Meknès, El Hajeb et Sefrou ne répond plus aux normes. Plusieurs abattoirs sont situés dans des zones résidentielles en l’absence d’un dispositif adéquat de traitement des rejets liquides et solides de l’abattage, en plus de l’inexistence de séparation physique entre les locaux aménagés aux différentes opérations d’abattage. Ce qui cause une interférence entre opérations sales et opérations propres. Parmi les observations soulevées en matière de gestion des trois abattoirs figure aussi l’absence de contrôle et de suivi médical des ouvriers de l’abattoir. Le rapport a également mis le point sur l’absence de conditions convenables de réfrigération et de ressuage des viandes sur les abattoirs de la région.