Gouvernement El Othmani : Ce qu’il faut retenir du classement des ministères «budgétivores»
Les chiffres et les statistiques ont ceci de particulier, qu’ils peuvent être interprétés de différentes façons, parfois même contradictoires. À force de les cuisiner, de les saucissonner, de les additionner, et de les multiplier, on peut leur faire dire n’importe quoi.
Ces derniers jours ont vu défiler, sur les réseaux sociaux, une flopée de camemberts propulsant tel ou tel parti, tantôt le PJD tantôt le RNI, au sommet du classement des ministères budgétivores. Ces escarmouches virtuelles aux relents politiques laissent croire que les rapports de force penchent en faveur des partis qui gèrent des budgets conséquents. S’approprier une grosse masse budgétaire, surtout quand il s’agit d’un ministère habilité à distribuer des subventions, des dons et des financements à fonds perdus, laisse aussi supposer exercer une certaine influence sur les choix de vote dans les prochains rendez-vous électoraux. Bien évidemment, la bonne foi s’impose, on exclura ici toute mauvaise pensée insinuant une quelconque dilapidation de deniers publics.
Les Inspirations ÉCO invite ses lecteurs à en juger par leurs propres yeux en découvrant, au dirham près, la dotation affectée à chaque ministère et, par extrapolation, à chacun des six partis formant le nouveau gouvernement. Les données sont extraites du budget général de l’État prévu par le projet de Loi de finances 2017. Elles n’incluent pas les montants affectés aux fameux Comptes spéciaux du trésor (CST), environ 70 milliards DH (MMDH), dont près d’un tiers (23,7 MMDH) reviennent au compte «Part des collectivités territoriales dans le produit de la TVA», confié au ministre de l’Intérieur.
Viennent ensuite le CST «Acquisition et réparation des matériels des Forces armées royales», doté de 10,8 MMDH, relevant de l’Administration de la défense nationale, puis le compte du «Fonds d’appui à la cohésion sociale», soit 4,2 MMDH, aux mains du ministre de l’Économie et des finances. Sont également exclus les budgets des Services d’État gérés de manière autonome (Segma), soit un total de 2,9 MMDH, dont la part du lion revient au ministre de la Santé (963 millions DH). Un tel classement, basé sur les enveloppes financières affectées à chaque département ministériel doit être lu et interprété avec beaucoup de doigté et de précaution. Quand bien même le budget à la disposition d’un ministre serait important, sa marge de manœuvre est parfois très limitée. Prenons le cas de Mohamed Hassad, repeint aux couleurs du Mouvement populaire à l’occasion de sa nomination à la tête du ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Sur les 54,7 MMDH de ses dépenses prévues en 2017, près de 50 MMDH sont destinés à couvrir les charges de fonctionnement, dont 42 MMDH sous forme de masse salariale. Que peut-il alors faire avec le montant restant réservé à l’investissement, moins de 5 MMDH, face aux besoins illimités des Académies régionales (Aref) et des villes dépourvues d’universités. Pareil pour Mohamed Boussaïd, reconduit au ministère des l’Économie et des Finances. Armé d’une cagnotte de 64,9 MMDH, il trône certes au sommet des départements budgétivores, mais l’essentiel de ce montant, soit 57 MMDH, relève de la rubrique des «charges communes» qui ne peuvent être imputés sur l’ensemble des départements ministériels (charges de compensation, part patronale versée par l’État à la CMR, contribution aux dépenses de la CNOPS, etc.). Moralité, en matière de politiques publiques, la seule variable budgétaire ne résiste pas à l’analyse du pouvoir stratégique des formations politiques.
D’autres paramètres qualitatifs interviennent, en particulier, la capacité de prendre les bonnes décisions dans le domaine de la gouvernance et de l’administration publique. Il ne faut pas non plus omettre que les budgets ministériels parcourent un long chemin et ne passent à l’exécution qu’après le feu vert du Conseil de gouvernement, du Conseil des ministres et des élus des deux chambres. Mieux encore, tout crédit supplémentaire, dont auront besoin les ministres pour répondre aux aléas liés à l’exercice quotidien de leurs fonctions, nécessite une autorisation via un décret du chef de gouvernement. Enfin, force est de rappeler que les données du PLF 2017, à l’origine de ce classement, sont sujettes à modification.
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Aux dernières nouvelles, le gouvernement El Othmani aurait retiré des deux Chambres du Parlement la version initiale du PLF 2017, qui avait été déposée en octobre 2016 par le gouvernement Benkirane, certainement pour y introduire de nouveaux ajustements en ligne avec le plan quinquennal du nouvel Exécutif, dont l’annonce est prévue juste après l’ouverture, vendredi prochain, de la session du printemps.