Archives

«Notre rôle est de prémunir les intérêts du Maroc et de l’UE contre toute tentative de manipulation»

Abderrahim Atmoun, président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE

Au cours de cette semaine, une délégation parlementaire marocaine a fait le déplacement à Bruxelles, pour des contacts de haut niveau au sein de l’institution parlementaire européenne. Cette délégation, dont faisaient notamment partie Abderrahim Atmoun et Habib El Malki, le président de la Chambre des représentants, a été reçue par le président du Parlement européen, Antonio Tajani et eu des entretiens avec des présidents de commissions et des chefs de groupes parlementaires, ainsi qu’avec la présidente de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb, Inés Ayala Sender. Au termes d’intenses échanges, il a été convenu de programmer la prochaine réunion de la commission mixte Maroc-Union européenne les 18 et 19 avril prochains à Rabat. Le Président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE décrypte la portée et les enjeux des échanges tenus à Bruxelles et d’autres aspects tout aussi stratégiques.

Les Inspirations ÉCO : Vous venez d’effectuer, cette semaine, une visite de haute importance au siège du Parlement européen dans le cadre d’une délégation parlementaire. Quelle en était la portée?
Abderrahim Atmoun : Cette visite vient rappeler l’importance des relations stratégiques qui nous lient à l’Union européenne (UE) et au Parlement européen. Il s’agit de la première visite du nouveau président de la Chambre des représentants auprès d’une institution parlementaire étrangère. Cela démontre l’importance que revêtent les relations entre le Maroc et l’Union européenne. Cette visite avait également pour objectif de réfléchir aux moyens de renforcer les canaux d’échanges entre les parlementaires européens et marocains. Au lendemain du retour du Maroc au sein de la famille institutionnelle qu’est l’Union africaine, il était nécessaire pour nous de nous rendre à Bruxelles et de partager avec nos partenaires européens les ambitions que nourrit le royaume du Maroc pour le continent africain. Du fait du partenariat privilégié du Maroc avec l’UE, la présence de notre pays au sein de l’instance panafricaine permettra le renforcement de la coopération Nord-Sud.

Quelles étaient vos impressions par rapport aux contacts noués avec les délégués européens?
Les députés européens que nous avons rencontrés, à l’instar de Pier Antonio Panzeri, président de la Commission des droits de l’Homme au Parlement européen, Gianni Pittella, président de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, ou encore Cristian Dan Preda, coordinateur de la Commission des affaires étrangères au sein du Parlement européen, ont tous témoigné de leur enthousiasme et de leur intérêt vis-à-vis des réformes démocratiques que le Maroc met en place, ainsi que de sa politique africaine, gage de sécurité, de stabilité et de co-développement dans la région.

Avec M. Habib El Malki, vous avez, au fil des contacts établis, notamment rencontré le président du Parlement, Antonio Tajani. Quels étaient les principaux axes autour desquels s’articulait cet échange et quelles orientations en ont découlé?
De nombreuses questions d’intérêts communs ont étés abordées telles que la politique de voisinage, les défis sécuritaires, la question de la mobilité, soit autant de défis que nous souhaitons relever ensemble avec nos partenaires européens. Le Maroc assume pleinement le rôle qui est le sien, celui d’un pont entre les deux rives de la Méditerranée. Et le président du Parlement européen a rappelé l’importance cruciale du partenariat qui lie l’Union européenne au Maroc. Le président Tajani a profité de cette occasion pour remercier le roi Mohammed VI pour le rôle qu’il entreprend dans la stabilité de la région méditerranéenne et le rôle qui est le sien dans la lutte contre le terrorisme. La rencontre avec le président Tajani a également été l’occasion de réaffirmer notre volonté mutuelle pour renforcer la coopération parlementaire entre nos deux institutions, et favoriser les échanges et partages d’expériences entre les députés marocains et les députés européens.

S’agissait-il pour vous d’axer davantage votre lobbying sur les réaménagements attendus sur la politique de voisinage ou, plutôt, de faire valoir la position marocaine sur les autres dossiers stratégiques ?
Nous défendons les intérêts du Maroc sur tous les fronts possibles. Nous sommes à la fois sensibles aux discussions sur la politique de voisinage et à la volonté de l’Union européenne de renforcer le dialogue stratégique qu’elle a noué avec le Maroc, et en même temps vigilants quant aux évolutions des autres dossiers stratégiques en cours de négociation.

Quid des sujets liés à l’accord agricole et à l’accord de pêche?
Le Maroc et l’Union européenne sont liés par de nombreux accords, dont un accord agricole, fruit d’une longue et riche expérience de coopération. L’application de cet accord est effective sur l’ensemble du territoire marocain, et ce conformément aux principes et à l’esprit qui ont présidé à son élaboration. La grande majorité des députés européens sont sensibles aux enjeux de ce dossier, encouragent la politique agricole volontariste du Maroc et soutiennent l’accord agricole en vigueur. Notre rôle aujourd’hui, en tant que commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne, est de continuer à œuvrer pour prémunir les intérêts des deux parties contre toute tentative de manipulation. Nous travaillerons de concert avec les structures concernées, au sein de l’UE, pour faire respecter les engagements inscrits dans l’accord agricole.

Hormis les dossiers liés au partenariat économique et à la diplomatie à proprement parler, qu’en est-il des dossiers liés à l’immigration et la sécurité?
Nous avons pu présenter au président du Parlement européen et aux différents responsables que nous avons rencontrés l’approche marocaine dans la gestion de la question migratoire, une expérience unique dans la région. La politique migratoire marocaine s’inscrit dans une logique de coopération Sud-Sud et dans un esprit humaniste. Le Maroc évolue d’un point de passage à un véritable pays d’accueil, et les autorités marocaines mettent en place tous les mécanismes nécessaires pour être à la hauteur des défis migratoires. Quant à la sécurité, nous avons rappelé le rôle clé que joue le  Maroc dans la coopération avec les services de renseignement européens, et de manière plus générale dans la lutte contre le terrorisme global. Nos partenaires européens ont pleinement conscience du rôle que joue notre pays pour la stabilité et la sécurité à la fois dans le pourtour méditerranéen, dans la zone MENA et sur le continent africain.

Maintenant, il faut dire que votre déplacement coïncide avec un timing particulier: le récent retour du Maroc à l’Union africaine, la soumission de la demande du royaume pour l’intégration de la CEDEAO, les tensions ravivées dans la zone de Guerguarate par les séparatistes, les gesticulations du voisin algérien… Quelle lecture faites-vous de ce contexte?
C’est un contexte singulier. Le retour du Maroc au sein de la famille institutionnelle qu’est l’Union africaine, la demande d’adhésion à la CEDEAO et la réussite des visites royales en Afrique entraînent des gesticulations et une certaine forme de nervosité chez notre voisin algérien. Ce dernier réagit fébrilement aux succès diplomatiques marocains en Afrique. Rappelons tout de même que le Maroc inscrit son action dans une logique constructive. Au sein de l’Union africaine, il contribuera de manière sereine et efficace au bon fonctionnement de cette institution, et en ce qui concerne la diplomatie économique en Afrique, le Maroc souhaite s’inscrire dans la continuité de sa politique étrangère, marquée par la coopération Sud-Sud, le co-développement et la recherche d’une croissance inclusive pour le continent africain.

Qu’impose, justement, ce contexte à la diplomatie parlementaire? Quels correctifs et ajustements doit-elle apporter à son action?
Le rôle de la diplomatie parlementaire est primordial dans ce contexte. En tant que législateurs, nous devons porter le plaidoyer marocain dans toutes les instances parlementaires régionales et internationales, pour faire valoir notre position, faire de la pédagogie autour des réformes importantes que notre pays met en place, faire connaître nos expériences, défendre nos intérêts supérieurs. Pour cela, la diplomatie parlementaire doit être mieux outillée et s’inscrire dans une logique de complémentarité avec la diplomatie officielle, mais aussi avec la diplomatie associative ou encore la diplomatie des territoires.

Le blocage que connaît actuellement la scène politique nationale, en raison
du retard dans la constitution d’une majorité, ne risque-t-il pas d’affecter plus ou moins la perception d’institutions comme celles européennes?
Lorsque nous défendons les intérêts du Maroc auprès d’institutions européennes, nous ne commentons pas la politique interne. Le plus important, c’est la continuité de l’État. Lorsque les conditions l’imposent, les acteurs politiques savent s’élever au-dessus des contingences politiques et des considérations partisanes. Les législateurs l’ont prouvé lors du vote pour l’acte constitutif de l’Union Africaine, en se mobilisant avec un grand sens de la responsabilité et du devoir, et en unissant leurs voix comme un seul homme.

Une commission mixte Maroc-UE est programmée dans quelques semaines à Rabat. Quelles sont les principales priorités sur la table?
La commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne est un organe de travail essentiel aux relations entre le Parlement marocain et le Parlement européen. Cette commission a toujours œuvré, dans le cadre d’une démarche constructive, à préserver et à développer des relations privilégiées entre le Maroc et l’Union européenne. C’est une structure opérationnelle et performante, un lieu d’écoute, de partage d’expériences, qui a permis au fil des années un rapprochement tangible entre le Maroc et l’Union européenne. La réunion qui se tiendra au moins d’avril prochain au Maroc viendra pérenniser l’action de cette commission, et nous permettra de relever, avec nos collègues députés européens, les nouveaux défis qui nous incombent. La Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne entend ainsi élargir ses activités à tous les domaines d’intérêts mutuels.

Dans ce cadre, quels seront les challenges de la prochaine étape pour le Maroc ?
À l’issue de la prochaine réunion de la commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne, nous présenterons un plan d’actions pour l’année 2017 qui répondra à l’ensemble des challenges et des sujets d’intérêts communs, notamment à travers l’organisation de conférences thématiques, et un renforcement des canaux de communication et d’échanges. En partant des bases solides que nous avons su poser avec nos collègues européens, le Parlement marocain et le Parlement européen sont appelés à amplifier leur collaboration. Nul doute que la dimension africaine sera présente dans nos prochains travaux. 



Gouvernance des EEP : une réforme en profondeur se prépare


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page